L'Afghanistan à la croisée des chemins : De jeunes Afghans rentrent vers une patrie encore inconnue
L'Afghanistan à la croisée des chemins : De jeunes Afghans rentrent vers une patrie encore inconnue
KABOUL, Afghanistan, 14 novembre (UNHCR) - Khan, âgé de 20 ans, rêve de devenir le prochain lauréat de l'émission Afghan Star, la réplique de la célèbre émission télévisée American Idol. « Mes chaussures viennent du Japon et mon pantalon d'Angleterre. Mon chapeau a été fabriqué en Russie, mais mon coeur est afghan », chante-t-il en dari, en plaisantant sur son costume et ses sandales traditionnels shalwar kameez.
Khan est un acteur né. Alors réfugié en Iran, il était trop occupé dans son rôle de seul gagne-pain pour toute sa famille et il n'a pu développer ses talents. « Nous vivions dans la paix et nous avions une vie formidable à Téhéran », a-t-il expliqué. « Mais ce n'était pas notre pays. »
Comme lui, de nombreux Afghans nés en exil ces 30 dernières années sont rentrés en Afghanistan depuis 2002. La plupart ont été obligés de rentrer avec leurs familles et nombre d'entre eux trouvent que l'adaptation à la vie rurale est difficile, après avoir connu des services et des conditions de vie meilleurs en Iran et au Pakistan.
« La surprise est de taille. Je pensais que la situation serait meilleure. Je ne m'attendais pas à être confronté à des problèmes si importants et à tomber dans un tel endroit », a dit Wali, âgé de 18 ans, qui est rentré en mai du village de réfugiés de Jalozai situé au Pakistan. Il vit maintenant sous une tente dans le district de Sholgara, dans la province de Balkh située au nord de l'Afghanistan. « Il n'y a rien ici - pas de logement, pas assez d'eau, pas d'arbres pour le bois de chauffe, pas d'électricité et pas de travail. »
Il n'est pas le seul à souffrir du choc des cultures. A Balkh-i-Bastan dans la province de Balkh, Fatima, âgée de 16 ans, rentre de l'école avec une burqa drapée sur son bras. « Que faire ? C'est l'Afghanistan », dit-elle en haussant les épaules. Les comparaisons avec l'Iran, où elle a passé la plupart de sa vie, sont inévitables. « L'hygiène en Iran était parfaite. A notre retour ici, nous n'avions ni maison ni toilettes. Nous tombions souvent malades. »
Malika, âgée de 12 ans, décrit simplement sa situation : « Le Pakistan me manque. Nous avions une maison et l'eau courante au camp de Jalozai. Mon père travaillait dans une briqueterie et j'étais scolarisée à l'école primaire. »
Sa famille vit maintenant dans le village de tentes de Sholgara, comme Wali. Malika travaille toute la journée dans un champ de maïs et elle reçoit de la nourriture en échange. « Ici, il n'y a que de la poussière. Je veux étudier mais les classes sont en dari, et pas en pachtoun. Je vais chercher de l'eau très loin de la maison. Mon père est travailleur journalier à Sholgara. Mais l'hiver arrive et nous ne sommes pas prêts. »
A part les conditions de vie, les niveaux d'éducation sont aussi très différents. « Ici, le niveau de terminale suffit pour enseigner. Les professeurs ne sont même pas diplômés d'instituts de formation pédagogique appropriés », a dit Fatima, rapatriée d'Iran. « J'ai l'impression de ne rien apprendre à l'école. Je n'apprends pas ce que je voudrais. Il y a aussi une pénurie de livres et de fournitures scolaires. »
Khan, le candidat chanteur, bénéficie d'un programme gouvernemental d'allocation de terrain de Beneworsik et il habite dans la province de Parwan près de Kaboul. Il a, lui aussi, exprimé ses griefs : « Il n'y a pas d'école, pas de système régulier de construction ou d'éducation comme à Kaboul.... Il n'y a pas non plus d'emplois à long terme. »
Le manque d'opportunités des moyens d'existence a sévèrement affecté la capacité de l'Afghanistan à absorber durablement davantage de rapatriés sur le long terme, un problème qui doit être abordé lors d'une conférence internationale sur le retour et la réintégration organisée par le Gouvernement afghan et l'agence des Nations Unies pour les réfugiés à Kaboul le 19 novembre.
Certains rapatriés ont un haut niveau d'éducation et leurs exigences sont élevées en matière d'emploi. La plupart sont cependant manoeuvres agricoles journaliers, et ils vivent trop loin des villes principales pour trouver un emploi qualifié. Des hommes valides ont dû quitter leurs familles pour trouver du travail en ville ou même dans des pays voisins.
Wali, qui habite à Sholgara, a dit que de nombreux hommes de son village sont partis pour la ville la plus proche, Mazar-i-Sharif, et aussi au Pakistan pour trouver du travail. Il prévoit cependant de rester : « Cela coûte de l'argent de retourner au Pakistan. Je n'ai pas les moyens de partir. »
A Balkh-i-Bastan, plusieurs abris du HCR sont fermés et vides - 10 familles sur les 15 qui vivaient près de chez Fatima sont retournées en Iran à la recherche d'un emploi. Sa propre famille a pensé aussi partir.
« Je refuse de partir », a-t-elle dit. « Si nous partons sans visa, nous pourrions que vivre constamment sur nos gardes. Même s'il n'y avait pas tant de problèmes, aller en Iran serait uniquement une solution à court terme, pas une solution permanente. Nous ne serons pas toujours les bienvenus en Iran. Après tout, c'est ici notre patrie. »
Cette jeune femme de 18 ans est déterminée à rester et à entrer à l'université pour devenir un jour psychologue ou médecin.
Khan, lui aussi, espère réussir sa vie en Afghanistan. En travaillant en tant que maçon à Beneworsik, il a réussi à acheter trois terrains adjacents pour sa famille et il a investi dans un quatrième. Il va bientôt se marier et il prévoit d'acquérir encore un verger et un terrain de jeux.
« Si je gagne assez d'argent, je pense rentrer en Iran l'année prochaine avec un passeport et un visa. Pas pour y travailler, mais en tant que touriste pendant un mois », a-t-il dit, confiant.
Ils ont des étoiles plein les yeux, mais les rêves de jeunes rapatriés comme Khan, Fatima, Wali et Malika sont aussi rattrapés par les dures réalités. « C'est bien de venir depuis une terre étrangère dans notre propre patrie », a assuré la grand-mère de Malika, âgée de 80 ans à sa petite-fille. « Avant nous travaillions pour les Pakistanais. Maintenant nous travaillons pour nous-mêmes. Nous pourrions connaître des difficultés et la faim durant un an ou deux. Mais la vie s'améliorera ensuite. »
Par Vivian Tan à Kaboul, Afghanistan