Alors qu'au Tchad l'arrivée de Soudanais se poursuit, António Guterres réclame des « mesures énergiques » pour éviter une catastrophe
Alors qu'au Tchad l'arrivée de Soudanais se poursuit, António Guterres réclame des « mesures énergiques » pour éviter une catastrophe
CAMP DE GAGA, Tchad, 24 janvier (UNHCR) - L'UNHCR a informé mardi que des réfugiés soudanais étaient à nouveau en train de s'enfuir du Darfour vers les camps situés à l'est du Tchad voisin. Au même moment, le Haut Commissaire António Guterres a mis en garde le Conseil de sécurité des Nations Unies à New York de l'imminence d'une « bien plus terrible catastrophe » dans la région, si des mesures énergiques n'étaient pas prises rapidement par la communauté internationale.
« Aujourd'hui, la violence et le sentiment d'impunité - jamais complètement tenus en échec - sont à nouveau des faits quotidiens au Darfour », a déclaré António Guterres, à l'occasion de son allocution devant les 15 membres du Conseil de sécurité. « Les travailleurs humanitaires voient leur accès aux personnes déplacées et à ceux qu'ils tentent d'aider, régulièrement interrompu. »
Le Haut Commissaire de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés a souligné que l'insécurité au Darfour s'est maintenant étendue au-delà de la frontière avec le Tchad. Vendredi dernier, des rebelles armés ont ainsi kidnappé plusieurs représentants gouvernementaux et attaqué le village de Guéréda, où l'agence des Nations Unies pour les réfugiés s'occupe de plus de 25 000 réfugiés soudanais dans deux camps.
« La communauté internationale pourrait être confrontée à une catastrophe au Darfour », a déclaré António Guterres. « L'éviter nécessitera des mesures énergiques et l'engagement total de l'Union africaine et des Nations Unies. Si nous échouons - si aucune protection physique n'est garantie à ceux qui ont besoin d'aide - nous prenons le risque d'une catastrophe bien plus terrible que ce que nous avons vu jusqu'à présent. »
L'UNHCR travaille dans une douzaine de camps de réfugiés situés dans des zones isolées à l'est du Tchad, pour aider plus de 200 000 Soudanais originaires du Darfour. La plupart d'entre eux ont fui le Darfour en 2003-2004. Cependant, l'UNHCR a indiqué mardi que, depuis le 1er janvier, quelque 800 Soudanais de l'ouest du Darfour étaient arrivés dans ses camps à l'est du Tchad - et que davantage de personnes pourraient être en route vers les camps.
Les nouveaux arrivants sont pris en charge par l'UNHCR et ses partenaires dans le camp de réfugiés de Gaga, situé à l'est de la ville tchadienne d'Abéché. Les réfugiés déclarent qu'ils ont fui les attaques incessantes des milices janjawid, qui pillent leurs maisons et volent leur bétail. Les réfugiés ont aussi exprimé leurs craintes suite aux récentes tensions entre le Tchad et le Soudan, et notamment l'attaque de la ville tchadienne d'Adré, à la frontière, le 18 décembre 2005.
Quelques réfugiés sont venus de plusieurs villages situés à la frontière entre le Tchad et le Soudan, alors que d'autres ont fui les camps de personnes déplacées dans l'ouest du Darfour. Ces camps de déplacés se trouvent notamment à Mornei, Masteri et Ardamata.
De petits groupes de 10 à 20 réfugiés continuent d'arriver quotidiennement au camp de Gaga, le plus récent des 12 camps de l'UNHCR à l'est du Tchad et qui compte actuellement 6 600 résidents. Ils affirment que beaucoup de gens sont prêts à quitter le Darfour à cause de l'insécurité qui perdure.
Pendant que les nouveaux arrivants montaient les tentes et construisaient des clôtures autour d'elles pour les protéger du froid et des tempêtes de sable, ils ont chacun raconté au personnel de l'UNHCR leur version de la tragédie.
« Je viens de Guelo, un village du Darfour. Avec ma femme et mes cinq enfants, nous avons traversé la frontière et marché pendant quatre jours pour arriver à Gaga », explique Djibrine, un vieil homme âgé de 74 ans arrivé récemment au camp. « Nous vivions à Guelo depuis 10 ans déjà et je n'ai jamais assisté à de tels actes de violence. Les assaillants sont arrivés de nuit. Ils ont volé tout notre bétail. Ils ont tué et blessé beaucoup d'entre nous. Par la grâce de Dieu, j'ai pu fuir avec ma famille et arriver en vie à Gaga. »
Beaucoup des nouveaux arrivants disent qu'ils ont voyagé de nuit, à dos d'âne. D'autres ont voyagé par camion depuis El Geneina, la capitale de l'Ouest-Darfour, vers des villages près du camp de Gaga pour un coût de 30 à 40 dollars par personne, une fortune dans cette partie du monde. D'autres ont marché pendant des jours en quête de sécurité, avec seulement leurs maigres possessions.
Haoua raconte l'histoire de sa mère, tout en portant son enfant sur le dos.
« Regardez ma mère : elle est devenue folle parce que les janjawid lui ont pris tout son bétail - 16 vaches et 17 chameaux », explique Haoua en pleurant. « Nous avons quitté Kekebe, notre village au Darfour, car c'est la guerre là-bas. Nous avons d'abord trouvé refuge à Kourboutcha, un village tchadien près de la frontière. Mais même là, les janjawid nous ont poursuivis et nous ont à nouveau tout volé le mois dernier. »
Après leur arrivée dans le camp de Gaga, les nouveaux réfugiés sont enregistrés par l'UNHCR et la CNAR (Commission nationale d'accueil et de réinsertion des réfugiés), l'agence gouvernementale tchadienne pour les réfugiés. Les réfugiés reçoivent des tentes, de la nourriture, des couvertures, des ustensiles de cuisine, des matelas et d'autres articles de secours. Les réfugiés sont également soumis à un examen médical, particulièrement les enfants.
« Les réfugiés nous disent qu'ils se sentent en sécurité à Gaga, et qu'au Darfour ils avaient trop peur de voir leurs villages attaqués par des milices et d'en être les victimes », affirme Claire Bourgeois, déléguée adjointe de l'UNHCR au Tchad.
Par Djerassem Mbaiorem et Ginette Le Breton à l'est du Tchad