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Aidez-nous à vivre sur nos terres ancestrales, demandent les rapatriés afghans kuchis

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Aidez-nous à vivre sur nos terres ancestrales, demandent les rapatriés afghans kuchis

Des milliers d'Afghans appartenant à des tribus nomades sont rentrés dans leur pays depuis le Pakistan. Parmi de nombreux défis, ils sont confrontés à des litiges fonciers.
24 Décembre 2007 Egalement disponible ici :
Les enfants rapatriés kuchis bénéficient d'une éducation basique à Bot Khak.

BOT KHAK, Afghanistan, 24 décembre (UNHCR) - Les Kuchis, des bergers nomades, ont toujours eu l'oeil pour trouver des terres fertiles et riches, durant des siècles de transhumance à la recherche de nouveaux pâturages. Ainsi, quand des milliers d'entre eux sont rentrés depuis le Pakistan dans leur pays, l'Afghanistan, on aurait pu imaginer qu'ils dénicheraient un véritable Jardin d'Eden. Ils n'y ont trouvé que des terrains poussiéreux, parsemés d'explosifs et faisant l'objet de litiges fonciers.

La saga a commencé au printemps cette année, quand les chefs de clans afghans kuchis de la tribu Ahmadzai, présente dans toutes les régions du Pakistan, se sont retrouvés pour débattre de leur situation. « L'un des principaux problèmes rencontrés au Pakistan a été la fermeture des camps comme celui de Kacha Gari. Les chefs ont discuté et ils ont décidé que leurs familles devraient toutes rentrer en Afghanistan, avant que d'autres n'occupent leurs terres », a dit Aziz Khan, l'un des représentants de la tribu kuchie. Par ailleurs, le fait que beaucoup n'aient pas un statut légal au Pakistan leur faisait craindre la détention et l'expulsion, dans le cadre du Foreigners Act pakistanais.

Ainsi quelque 1 000 familles kuchies, vivant dans des camps et dans des villes à travers tout le Pakistan, ont empaqueté leurs possessions et elles sont rentrées dans le cadre de l'un des plus importants mouvements de retour spontané de l'année. Des centaines de camions ont été loués pour transporter les familles élargies, leurs possessions et leur bétail, de retour vers les terres de pâturage de Bot Khak, à environ 25 kilomètres de Kaboul, la capitale afghane.

Cette opération, représentant un important défi logistique, a été organisée par les rapatriés eux-mêmes car la plupart d'entre eux ne possédaient pas la carte d'enregistrement (Proof of Registration), qui avait été distribuée dans le cadre de l'opération d'enregistrement menée récemment par le Gouvernement pakistanais. Ils ont dit qu'ils n'avaient pas demandé ces cartes d'enregistrement car il était culturellement inacceptable que les femmes soient photographiées. Même ceux qui disposent d'une carte d'enregistrement ont choisi de ne pas recevoir l'allocation de 100 dollars versée dans le cadre du rapatriement, préférant rentrer en masse au sein de leur tribu.

La communauté a indiqué que 1 000 autres familles avaient rejoint le groupe depuis le rapatriement, portant ainsi la population de Bot Khak à plus de 2 000 familles. Cependant, ils n'avaient aucun document légal pour revendiquer la propriété de leurs terres, qui avaient été attribuées à d'autres groupes durant leur absence. Alors que les litiges fonciers s'éternisaient, la Commission d'urgence d'Afghanistan a recommandé à la communauté humanitaire de fournir des hébergements temporaires d'urgence, plutôt que des structures permanentes comme des puits et des maisons.

L'UNHCR a distribué des biens de secours et a fourni d'autres aides. L'organisation a mené, conjointement avec de nombreuses agences, un effort de soutien de la tribu depuis son arrivée. Cette opération a consisté au déminage avec le Centre d'action antimines des Nations Unies en Afghanistan, à la distribution de fournitures scolaires par l'UNICEF et à la mise à disposition de réservoirs d'eau temporaires par le ministère des réfugiés et du rapatriement ainsi que la Société du Croissant-Rouge afghan. Bien que les rapatriés ne soient pas autorisés à construire des bâtiments permanents tant que les litiges fonciers ne seront pas réglés, ceux qui en avaient les moyens ont tout de même bâti des maisons et creusé des puits.

« Il n'y a pas d'eau potable ici, nous devons marcher une ou deux heures pour aller chercher de l'eau à la source », a expliqué Aziz Khan. « Nous faisons tous les métiers possibles en tant que journaliers dans la ville de Kaboul, mais la moitié de notre salaire passe dans le transport. Nous avons perdu la plupart de notre troupeau et nous sommes devenus sédentaires durant les années passées au Pakistan. Ici aussi nous pouvons nous sédentariser, mais nous avons besoin de davantage d'assistance. »

Toutefois, lors d'une récente visite sur le site, l'UNHCR a découvert que seulement 200 familles étaient encore présentes. Selon la coutume kuchie, la grande majorité de la population de Bot Khak a fui l'hiver rigoureux pour rejoindre des lieux bénéficiant de températures plus clémentes dans les provinces de Nangarhar et de Laghman, jusqu'à l'arrivée du printemps. Quelques uns des membres de la tribu seraient retournés au Pakistan pour trouver du travail car ils n'en avaient pas trouvé en Afghanistan. La communauté a indiqué qu'avec une aide à l'hébergement et une assistance pour subvenir à leurs besoins, les rapatriés pourraient mener une vie sédentaire, la même que celle qu'ils avaient au Pakistan.

Les 200 familles restant à Bot Khak n'ont pas les moyens de partir et elles partagent des tentes et des abris de transition. « L'hiver arrive et nous n'avons pas de bois de chauffage », a indiqué Aziz Khan. « J'ai bien peur que, dans les familles les plus pauvres, certains enfants pourraient même mourir de froid. »

L'UNHCR a aidé les familles les plus vulnérables en leur distribuant des allocations financières en espèce. Par ailleurs, l'organisation travaille avec des partenaires gouvernementaux et des agences humanitaires pour distribuer du matériel d'isolation et de protection contre le froid à ces familles.

Les besoins à long terme incluent l'éducation pour les garçons et les filles à Bot Khak. « Après les besoins pour la survie - comme l'eau et l'hébergement - l'éducation de nos enfants est notre priorité majeure », a-t-il dit. L'UNHCR a fourni des tentes pour l'école du village et elle assure temporairement des cours pour les enfants. Cependant, les ressources limitées ne permettent que de faire, en même temps, la classe aux élèves de six niveaux différents, rendant ainsi impossible un programme d'enseignement adapté à chaque niveau. L'enseignant ne recevant aucun salaire de l'Etat, il lui serait impossible de continuer sans l'aide reçue de l'agence.

« Les enfants ne sont pas heureux à cause des lacunes de l'enseignement ici. Les services d'éducation étaient bien meilleurs au Pakistan. Nous avons dû renvoyer de nombreux enfants à Peshawar et à Islamabad pour qu'ils puissent y continuer leurs études », a dit Aziz Khan.

En résumant les défis, le directeur de la sous-délégation de l'UNHCR à Kaboul, Maya Ameratunga, a indiqué : « Le rapatriement de cette tribu illustre les difficultés d'un retour effectué sous la pression, après la fermeture de camps par exemple. Les rapatriés se trouvent face à des situations problématiques comme les litiges fonciers. Malheureusement, le manque de projets de réintégration, pour l'éducation et l'emploi par exemple, amène à l'inversion du mouvement avec des retours vers le Pakistan. Cette communauté a démontré une louable auto assistance et nous espérons que, dès la résolution des litiges fonciers, les rapatriés pourront être soutenus pour que leur rapatriement soit durable. »

Récemment, la communauté a reçu, par décret présidentiel, la confirmation de son droit de propriété légitime sur le site de Bot Khak. Désormais, même des tribus traditionnellement nomades comme les Kuchis peuvent savoir où se trouve leur maison. « Avec nos mains, nous allons reconstruire l'Afghanistan, hommes et femmes, tous ensemble », a expliqué Aziz Khan.

Par Vivian Tan à Bot Khak, Afghanistan