Un orchestre de musiciens réfugiés séduit le public européen
Un orchestre de musiciens réfugiés séduit le public européen
C’est un dimanche soir pluvieux, dans la paisible ville de Besançon, dans l'Est de la France. Des applaudissements qui ne s’arrêtent pas font résonner la salle de concert, où huit musiciens réfugiés, originaires de cinq pays différents, saluent le public enthousiaste.
Les musiciens terminent leur premier concert dans la salle du Kursaal, dans le cadre du Festival de Musique de Besançon-Franche-Comté.
La chanson d'amour afghane « Laili Jaan », chantée par l’artiste bangladaise, Azmari Nirjhar, et composée par le défunt chanteur, Ahmad Zahir, clôt la performance. L’air évocateur du morceau rappelle une époque de paix et de liberté pour le peuple afghan.
Les musiciens, submergés par les louanges du public, se sentent musiciens pour la première fois depuis longtemps.
« Je suis très, très heureuse parce que je relance ma carrière après une longue absence, » souligne Nirjhar, la chanteuse. « Au Bangladesh, j'étais une chanteuse professionnelle et tout le monde me connaissait. Ces moments, cette ambiance, ma scène, mes musiciens et tous les instruments me manquaient, » ajoute-t-elle.
Ces musiciens font partie de l'Ensemble interculturel Orpheus XXI, une idée du musicien et joueur de viole de gambe catalan, Jordi Savall. Il souhaite donner aux musiciens réfugiés l'opportunité de travailler avec des membres de son ensemble musical sur un répertoire de musique vocale et instrumentale issue de leurs pays d'origine. Le projet, porté par la Saline royale d’Arc-et-Senans en partenariat avec le Centre international de musique ancienne (Fondation CIMA à Barcelone) ICORN (Réseau International des Villes Refuges) et COOP'AGIR, est financé par la Commission européenne dans le cadre du programme Europe Créative. Il est soutenu par la Fondation Orange ainsi que par les Fondations Edmond de Rothschild.
Vingt musiciens ont été recrutés qui étaient des professionnels dans leur pays, avant d'être forcés de fuir à cause des conflits et de la persécution.
Jordi Savall souhaite faire de la musique un moyen d'expression des traditions des musiciens afin de les unir et de leur redonner une dignité.
Les musiciens répètent à La Saline Royale, construite à la fin du XVIIIe siècle, dans le village d'Arc-et-Senans en France. C’est, aujourd’hui, un patrimoine mondial de l'UNESCO, où des événements culturels et des expositions sont organisés.
Anastasia Louniova, une réfugiée biélorusse qui joue du cymbalum, un instrument à cordes traditionnel d'Europe de l'Est, explique que c'est la première fois que les musiciens se produisent ensemble sur scène. « C'était quelque chose de magique, » dit-elle. « J'avais un peu peur, mais en fait le public nous aide parce qu'ils ont énormément applaudi. »
Les musiciens d’Orpheus XXI sont issus de cultures différentes. Ils ont plusieurs cordes à leur arc : ils interprètent de la musique chantée et instrumentale des traditions populaires de Syrie, d'Afghanistan, de Biélorussie, du Bangladesh et du Soudan. Ils jouent de l'harmonium, du qanûn, un instrument à cordes pincées, et du ney, une flûte traditionnelle, tous deux originaires du Moyen-Orient.
« Je suis très heureuse et tous les musiciens sont des personnes vraiment sympathiques, » dit Nirjhar.
Anastasia Louniova dit que la chanson qu'elle a chantée évoquait un oiseau chantant loin de son pays. « Chanter lui permet de se souvenir de sa famille, de son pays, » explique-t-elle.
Le flûtiste syrien, Moslem Rahal, a dirigé l'ensemble lors du concert à Besançon.
« Ce n'était pas facile, au début, mais finalement c'était vraiment génial, un super concert, » se réjouit-il. « Je suis très heureux parce que les gens ont beaucoup apprécié. Ils ont applaudi pendant très longtemps. C'est très sympa et c'est devenu un vrai concert et non pas un petit projet, avec de super musiciens, » dit-il.
À la fin du spectacle, le public s’est rassemblé autour de la porte du vestiaire des musiciens, impatients de leur parler.
« Le public leur réserve un accueil très chaleureux car ils découvrent de nouveaux instruments et un nouveau répertoire. Ils ont pris conscience qu'au bout du compte, des gens de pays très différents peuvent se réunir grâce à une forme d'art universelle, » explique Serge Bufferne, le coordinateur du projet Orpheus XXI.
Il indique que de tels événements ont eu un effet positif, qui contraste avec les reportages négatifs sur les craintes de l'arrivée des réfugiés en Europe.
La prochaine étape du projet inclut la création d'un orchestre intégrant des enfants.