Vienne, Autriche: Lauréats d'un prix de créativité pour l'insertion des réfugiés
Vienne, Autriche: Lauréats d'un prix de créativité pour l'insertion des réfugiés
VIENNE, Autriche (HCR) — Ali Asgar Tajik fabrique des vêtements depuis qu'il a 11 ans et ça ne lui a pas posé problème de tailler un blouson dans un tissu rétro branché pour son collègue autrichien, Jimmy Nagy,.
Ali a fait encore mieux pour sa fiancée, Zara Tadjek : une robe chasuble plissée noire sur une blouse de soie noire. Ils ont maintenant des raisons de célébrer, car l'entreprise de textile dans laquelle ils sont tous associés, Kattunfabrik, vient de remporter un prix lors d'un salon organisé à Vienne pour mettre en vitrine les idées les plus créatives pour l'intégration des réfugiés dans la société autrichienne.
Ideegration (Des idées pour l'intégration), une initiative regroupant des sociétés et des organisations mondiales œuvrant pour l'entreprise sociale, s'est penchée sur 104 projets avant de retenir 15 finalistes invités au salon qui s'est tenu le 10 novembre dans l'ancienne boulangerie industrielle d’Ankerbrot. Chacun des cinq lauréats a empoché une somme de 10 000 euros pour les aider à développer leur activité.
« Même ceux qui n'ont pas gagné ont pu tirer parti des contacts pris sur place, » a déclaré Christoph Pinter, le représentant du HCR en Autriche, qui était l'un des juges.
« Même ceux qui n'ont pas gagné ont pu tirer parti des contacts pris sur place. »
Parmi les projets, citons un café appelé La Connexion, une initiative de soutien entre voisins appelée Nachbarinnen, et TheaterFlucht, une compagnie de danse et de théâtre. Plusieurs initiatives concernent l'éducation.
Kemal Köse, dont les grands-parents turcs ont immigré en Autriche, est le cofondateur de Georg Danzer Schulhaus, un regroupement de quatre internats destinés aux enfants réfugiés non accompagnés.
« La plupart sont des garçons afghans, » précise-t-il. « Après ce qu'ils ont traversé, j'essaie de les amener à se focaliser sur le positif. « Je leur dis : «Vous vous en êtes super bien sortis, vous avez survécu. Maintenant il est temps de passer à l'étape suivante ». »
M. Köse ajoute : « J'ai eu l'immense chance de naître à Vienne. Nous avons tout ce dont nous avons besoin pour bien vivre, alors si je peux rendre un peu de ce qui m'a été donné, pourquoi pas ? »
À l'autre bout du spectre des projets d'éducation, on trouve Plus d'une perspective, une initiative qui offre aux réfugiés déjà qualifiés 100 heures de cours intensifs d'allemand et d'autres formes de coaching pour les aider à trouver un emploi dans leur domaine.
Eyad Jarach, d'origine syrienne, est inscrit au programme et il a déjà décroché un entretien pour un poste dans son domaine hautement spécialisé. « Je suis spécialisé en ingénierie médicale, » indique-t-il. « En Syrie, j'étais chef de projet et je formais d'autres personnes à l'utilisation de matériel médical, des endoscopes pour être précis. »
Pour Julian Richter, le représentant de Plus d'une perspective, « tout le monde y gagne, les réfugiés et l'Autriche, » si quelqu'un comme Jarach peut retrouver du travail dans sa branche.
Prosa (Projekt Schule für Alle!/HOME), le projet retenu pour l'éducation, donne une éducation de base aux réfugiés qui n'ont pas eu la possibilité d'aller à l'école. Abdiwahab Adan, un Somalien arrivé en Autriche il y a quatre ans, a tiré grand profit du programme. « Maintenant, j'étudie le commerce et j'enseigne dans l'école, » explique-t-il.
« Nous avons tout ce dont nous avons besoin pour bien vivre, alors si je peux rendre un peu de ce qui m'a été donné, pourquoi pas ? »
Parmi les autres projets, citons aussi Heidenspass Basisbildung, consacré au surcyclage des matériaux pour fabriquer, par exemple, des sacs à dos tendance ; ZIAG, qui a pour but de promouvoir l'intégration dans les petits villages et Fremde werden Freunde (Les étrangers deviennent des amis) qui propose des activités via Facebook, comme le sport et les échecs.
Une jeune start-up appelée Refugeeswork s'attache à mettre les nouveaux arrivants en contact avec des entreprises en quête de compétences comme les leurs. Conclusio, l'un des cinq lauréats, vient en aide aux réfugiés qui n'ont pas le droit de travailler tant que leur demande d'asile n'a pas été examinée.
« Ils ont tendance à déprimer ; ils restent couchés à broyer du noir et ce n'est pas bon pour leur santé, » s'inquiète Ingrid Sitter, une infirmière venue d'Autriche supérieure pour représenter Conclusio.
La solution trouvée par Conclusio est non seulement d’encourager les réfugiés à faire du bénévolat, mais aussi de leur procurer des cartes où ou ils peuvent noter tout le travail impayé qu'ils ont fait, comme le jardinage ou des travaux de réparation par exemple.
En contrepartie, ils peuvent suivre des cours d'allemand ou obtenir d'autres formes de soutien de la part des membres de la communauté. Ils se constituent ainsi un CV qui leur sera utile le jour où ils pourront se faire employer.
Certains réfugiés, parfois illettrés dans leur propre langue, peuvent espérer un emploi manuel. « Je les amène dans les bois, » raconte Ingrid Sitter. « On va ramasser des baies. J'essaie de leur montrer les avantages d'un avenir rural. Parce que s'ils vont à Vienne, peut-être que trois sur 20 trouveront un emploi, tandis que dans les villages, ce pourrait être 12 sur 20. »
Indépendamment de l'éducation et du travail, les réfugiés ont besoin de logements abordables, et c'est là qu'intervient un autre des lauréats, le projet Dageko. Dirigé par deux directeurs d'agence immobilière, Dagmar et Georg Kotzmuth, Dageko déniche des appartements à des prix raisonnables à Graz et aide les réfugiés qui ont du mal à payer leur loyer dans les premiers temps.
Emad Dyab est un locataire syrien de Dageko. « Je n'arrive pas à croire que je suis là et que j'étudie à l'Université technique, » dit-il. « Il y a un an et demi, j'étais dans une situation épouvantable et ma vie était en miettes. Et puis, Dagmar et Georg sont venus à mon aide. Ils sont humains. Grâce à Dieu, je reprends ma vie en main maintenant. »
« Il y a un an et demi, j'étais dans une situation épouvantable et ma vie était en miettes »
Ainsi, Kattunfabrik permet aussi de retisser les fils d'une vie normale après que leur existence se soit effilochée. Certains réfugiés ont amené avec eux leur expérience des textiles, qu’ils aient travaillé dans le secteur ou dans des usines turques de vêtements en chemin.
Ali Asgar Tajik, 24 ans, et Zara Tadjek, 25 ans, tous deux originaires d'Herat en Afghanistan, ont trouvé une nouvelle raison d'être depuis qu'ils se sont associés à Jimmy Nagy et Jasmin Bauer, des créateurs de mode autrichiens. Ali, Jimmy et Jasmin se concentrent sur les vêtements tandis que Zara, qui étudie les technologies de l'information, s'emploie à traduire pour leurs 15 apprentis.
Les vêtements qu'ils ont faits jusqu'ici — des jeans surpiqués de vert et des chemises à fleurs — ont été « vendus » pour récupérer des dons, mais Kattunfabrik a l'ambition de redonner vie au secteur du textile en Europe. Pour se développer et négocier, il leur faudra cependant créer leur propre marque.
« On est pas mal bouleversés, » a déclaré Jimmy Nagy en apprenant le résultat du vote, ajoutant que le prix leur permettrait de réaliser certains de leurs projets. Tout d'un coup, le rêve de créer la marque Kattunfabrik devient une possibilité concrète.
Les lauréats
Plattform Rechtsberatung -- FÜR MENSCHEN RECHTE
(Sensibilisation et explication des procédures de demandes d'asile)
Conclusio
(Insertion professionnelle des réfugiés)
Prosa -- Projekt Schule für Alle!/HOME
(Éducation élémentaire pour les réfugiés qui n'ont pas eu de scolarité)
Dageko -- sozialökonomische Hausverwaltung
(Pour des loyers abordables)
Kattunfabrik
(Entreprise textile)