Veillez à ne pas nourrir la propagande des groupes terroristes, déclare Antonio Guterres
Veillez à ne pas nourrir la propagande des groupes terroristes, déclare Antonio Guterres
GENÈVE, 10 décembre (HCR) - Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. António Guterres a averti que la rhétorique anti-islamiste, y compris les pressions pour resserrer les frontières, pourrait produire des effets contraires et donne l'avantage aux groupes terroristes.
« Ce que vous dites (en agissant ainsi) constitue la meilleure propagande possible pour les organisations terroristes, » déclare M. Guterres. Sous des applaudissements nourris, il a ajouté lors d'un TED Global forum à Genève mardi (7 décembre) : « C'est un peu comme leur dire : Vous avez raison, nous sommes contre vous. »
M. Guterres, qui répondait à une question au sujet de l'appel du candidat présidentiel républicain Donald Trump invitant à un « arrêt » de l'entrée de musulmans aux États-Unis, a averti que de telles déclarations seraient entendues par « tous les musulmans en Europe » et du reste du monde, et que ces mots seraient déformés par les groupes extrémistes afin d'aider « à recruter des gens pour commettre des attaques terroristes ».
Le Haut Commissaire du HCR, qui quittera l'organisation à la fin décembre après 10 ans à sa tête, a déclaré être « fermement » persuadé que les importants mouvements de réfugiés de cette année en Europe n'avaient rien à voir avec les récentes attaques.
En rappelant que des milliers d'Européens se sont rendus en Syrie pour combattre aux côtés de tels groupes, M. Guterres a souligné qu'une grande partie du problème était local et il a partiellement fait porter le blâme sur « l'échec des précédentes politiques d'intégration » qui n'ont pas réussi à ancrer les générations précédentes assez fermement au sein des nouveaux pays.
« Prouvez à ces groupes qu'ils ont tort en accueillant et en intégrant ces personnes, » a-t-il déclaré. Il a également encouragé un engagement plus ferme et de plus importants investissements dans le cadre des politiques futures visant à promouvoir la cohésion sociale.
Même avant les attaques de Paris du mois dernier, de nombreux pays européens parlaient déjà de refermer leurs frontières aux réfugiés - ou l'avaient déjà fait - en raison du nombre important de réfugiés.
Toutefois, une grande part de la rhétorique qui lie les réfugiés et les actes de violence émane également des États-Unis où certains politiciens ont menacé de fermer la porte aux réfugiés syriens. La Chambre des représentants américaine a voté à une écrasante majorité pour la suspension du programme du président Barack Obama visant à réinstaller les réfugiés syriens et pour intensifier le processus de contrôle à leur égard.
M. Guterres, qui participait à un événement du TED Global ayant pour thème « Moments décisifs », a déclaré qu'au cours de son mandat, la nature du conflit a changé et le monde est devenu un endroit plus dangereux et complexe, qui a porté aujourd'hui plus de 60 millions de personnes à être déracinées à cause de la guerre ou de la persécution, un phénomène sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.
M. Guterres a indiqué que beaucoup ont fui cette année depuis la Syrie après avoir perdu l'espoir d'une fin possible du conflit qui secoue le pays.
« Il n'y avait pas de lumière au bout du tunnel, » a-t-il conclu, en faisant allusion au fait que 87 pour cent des Syriens en Jordanie et 90 pour cent de ceux au Liban vivent sous le seuil de la pauvreté et que seulement environ la moitié des enfants fréquentent l'école. Par la suite, les rations ont été réduites davantage en raison d'un manque de financement.
« Il y a eu un vide, et les gens ont donc commencé à se déplacer... Si j'avais été là, j'en aurais fait autant, » a-t-il expliqué.
Toutefois, il a observé que la situation s'était envenimée car l'Europe n'était pas préparée et était divisée sur la façon de les recevoir.
« La situation aurait pu être gérée si l'Europe était unie... c'est parfaitement gérable, si on avait géré la situation, » a-t-il poursuivi en répétant que les pays ne devraient pas faire cavalier seul dans cet enjeu. « Nous avons besoin d'une Europe unifiée, non divisée. »
M. Guterres a mis l'accent sur le fait que la majorité des réfugiés se sont tout de même rendus dans d'autres pays en développement à travers le monde et il a rendu hommage aux pays de l'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Asie où il a déclaré que la tendance était tout de même « au maintien de l'ouverture des frontières. »
Par Jonathan Clayton, Genève