Un an après l'assaut sur Marawi City, les habitants ne peuvent toujours pas rentrer chez eux
Un an après l'assaut sur Marawi City, les habitants ne peuvent toujours pas rentrer chez eux
MARAWI CITY, Philippines – Saadodin Riga était étudiant en botanique à l'université de Marawi quand des militants ont lancé une offensive sur cette ville des Philippines, il y a un an.
Alors que les combats faisaient rage dans les rues et que les militants prenaient possession des bâtiments publics, dont l’hôpital, ce jeune homme de 19 ans plutôt timide a parcouru la ville, à la recherche de ses parents et de ses huit frères et sœurs.
Face à l’intensification des combats, ceux-ci avaient décidé d’abandonner leur maison et de fuir avec pour seul bagage les vêtements qu'ils portaient sur le dos. Ils ne se sont finalement retrouvés qu’en fin de journée, en périphérie de la ville, engloutie sous un épais manteau de fumée.
C'est là que Saadodin a retrouvé son jeune frère, Saminodin, âgé de 9 ans, qui souffre de troubles convulsifs et ne peut pas marcher. « Dans la fuite, j'ai dû le porter sur mon dos », explique-t-il.
« Nous étions en fuite et les bombes pleuvaient sur nous », se souvient-il, les yeux encore emplis de peur. « À ce moment-là, nous n’avions aucune idée de ce que nous devions faire. Nous ne savions pas comment nous allions pouvoir nous échapper. »
« Les bombes pleuvaient sur nous. »
Bien décidés à trouver un endroit sûr, ils poursuivirent péniblement leur chemin. Trois jours plus tard, ils trouvèrent refuge à Saguiaran, dans un centre d'évacuation à quelques kilomètres de chez eux.
Comme la famille Riga, plus de 360 000 habitants avaient fui l’offensive des militants qui a transformé la ville en un champ de bataille le 23 mai de l'année dernière. L'armée des Philippines a dû combattre pendant cinq mois pour reprendre le contrôle de la ville, rue par rue.
Les combats ont laissé la ville en ruines : les maisons, les entreprises, les écoles et les lieux de culte, soufflés par les tirs d'artillerie, criblés de balles ou détruits par les incendies. Pour plus de 42 000 familles déplacées, les obus non explosés rendent le retour quasiment impossible.
Dès le 27 mai, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, était sur le terrain pour venir en aide aux personnes déplacées. L'organisation a distribué des bâches, des lampes solaires et des casseroles, et aidé le gouvernement à délivrer des documents d'identité. Les personnes particulièrement vulnérables, comme les personnes âgées ou handicapées, ont obtenu une aide spécifique.
« J'espère que nous pourrons rentrer chez nous, à Marawi. »
Depuis près d’un an la famille de Saadodin vit dans un local de fortune aménagé dans le centre d'évacuation, séparée des espaces réservés à d’autres familles grâce à des planches de contreplaqué. Les bâches en plastique du HCR les protègent des intempéries.
Si Saadodin est reconnaissant de l'assistance offerte à sa famille, il ajoute néanmoins: « Notre vie est bien différente de celle que nous menions à Marawi », où les Riga tenaient un commerce d'aluminium et de verre.
Un retour organisé par le gouvernement entre le 19 et le 22 avril leur a permis d’aller voir leur maison. Située dans l'une des zones les plus gravement touchées par les combats, elle était en ruines.
« J'espère que nous pourrons rentrer chez nous, à Marawi, parce que toute notre vie est là-bas », dit-il. Depuis leur déplacement, il leur a été impossible de relancer leur commerce de verre et d'aluminium. « C'est difficile de monter un commerce ici, parce qu'il y en a déjà beaucoup d'autres. »
Dans l'immédiat, il aide sa mère à s'occuper de Saminodin. Son petit frère n'a plus fait de convulsions ces derniers temps, mais Saadodin veillle sur lui.
Saadodin a interrompu ses études — à titre provisoire, espère-t-il — pour aider sa famille à reprendre pied. La famille a adopté une stratégie de rationnement de l'aide que fournit le gouvernement et ils se débrouillent avec le peu qu'ils ont.
L'année a été dure pour les Riga, mais Saadodin reste optimiste. Il pense à son frère Saminodin et à ses sourires en dépit de la maladie, et il sait qu'il doit garder espoir.
« Ma priorité pour l’instant c'est ma famille », explique-t-il, « et surtout m'occuper de Saminodin. »