Sa mère a tout sacrifié pour lui, un jeune Afghan arrivé seul en Indonésie
Sa mère a tout sacrifié pour lui, un jeune Afghan arrivé seul en Indonésie
DJAKARTA, Indonésie, 5 mai (HCR) - Il a toujours le sourire aux lèvres. Agé de 16 ans, Ghulam Reza* respire la confiance en soi alors qu'il rejoint aux aurores son travail au pas de course dans une boulangerie pour livrer le pain frais. Il rend ensuite une visite amicale à un vieil homme qu'il considère comme son grand-père de substitution.
Par contre, quand on lui parle de sa mère, le jeune réfugié afghan perd instantanément le sourire. Des larmes lui montent aux yeux et il supplie d'une voix tremblante : « S'il vous plaît, ne me demandez pas de vous parler de ma mère. »
C'est au prix de l'énorme sacrifice assumé par sa mère que Ghulam Reza a pu effectuer le pénible voyage vers l'Indonésie pour y trouver la sécurité en tant que réfugié. Sa Maman a renoncé à pratiquement tout son argent pour le faire sortir tout seul d'Afghanistan, tout en sachant qu'elle ne le reverrait peut-être jamais.
Après que le père de Ghulam Reza, un chauffeur, ait été tué par des militants il y a trois ans, la Maman de Ghulam Reza a vendu le terrain appartenant à la famille et ils se sont tous dirigés vers Kaboul, la capitale de l'Afghanistan, pour rejoindre ensuite le Pakistan. Sur la route, Ghulam Reza, sa mère et ses trois jeunes frères ont été enlevés ainsi que leurs 11 compagnons de voyage. Ils étaient détenus dans une maison délabrée de trois étages.
« Les militants nous ont dit qu'ils ne laisseraient pas un seul des jeunes hommes célibataires en bonne santé », s'est rappelé Ghulam Reza. « Ils ont dit qu'ils ne libèreraient les jeunes hommes qu'après nous avoir battus et fait du mal. »
Après trois jours de captivité, Ghulam Reza et un autre garçon ont profité d'une opportunité d'évasion spectaculaire. Les femmes du groupe ont lié bout à bout tous leurs foulards pour former une corde que les adolescents ont utilisée pour se laisser glisser vers le sol trois étages plus bas. Comme un ultime cadeau d'adieu, sa mère a remis à Ghulam Reza l'équivalent de 7 000 dollars, soit presque tout l'argent qu'elle avait reçu de la vente de son terrain, pour payer son voyage vers un lieu sûr au Pakistan.
Il s'est rendu à Kaboul où il attendu six ou sept mois, espérant en vain des nouvelles de sa famille. Puis il a décidé de continuer son voyage en quête de sécurité et il a utilisé l'argent de sa mère pour payer un voyage clandestin en bateau vers l'Australie.
Ghulam Reza est finalement arrivé en Indonésie, où il a été abandonné par les passeurs il y a neuf mois. Il a fini par dormir en plein air dans un parc jusqu'à ce qu'il s'adresse au bureau du HCR et obtienne le statut de réfugié.
Il s'est désormais créé une deuxième famille parmi les huit autres jeunes adolescents dans un centre d'hébergement temporaire situé en banlieue de Djakarta. Le centre est financé par le HCR et géré par Church World Service (CWS), une association religieuse américaine à vocation caritative. Il essaye d'avoir un emploi du temps rempli pour éviter de penser à son passé traumatisant.
A 6 heures du matin, il est déjà debout à son poste de travail dans la boulangerie d'un hôtel près du centre d'hébergement. Puis il livre le pain à ses clients, ce qui lui permet de gagner un salaire équivalent à 2 dollars par jour. « Suffisamment pour me payer deux vrais repas par jour », a expliqué fièrement Ghulam Reza.
Avec d'autres jeunes réfugiés, arrivés comme lui en tant que mineurs non accompagnés en Indonésie, il est scolarisé à l'Ecole internationale de Djakarta dans le cadre d'un arrangement spécial élaboré entre le HCR et son partenaire CWS.
« C'est vraiment important pour ces réfugiés adolescents arrivés ici tout seuls d'avoir non seulement la chance d'aller à l'école, mais aussi de pouvoir reconstruire leur vie et de retrouver le moral, après tout ce qu'ils ont subi », a déclaré Manuel Jordao, délégué du HCR en Indonésie. « Nous sommes très reconnaissants à la fois à l'École internationale de Djakarta et à CWS de leur offrir cette chance. »
En plus de ses études, de son travail et d'un peu de badminton, Ghulam Reza prend le temps de porter une partie de son pain à un réfugié âgé de 65 ans, nommé Ali, à titre d'excuse pour simplement discuter avec lui. Comme il parle farsi, Ali ne trouve pas grand monde à Djakarta avec qui il peut discuter.
« Je voudrais qu'Ali soit heureux car il ne fait que rester assis sur sa chaise, regardant autour de lui et souriant », a expliqué Ghulam Reza. « Il ressemble à mon grand-père. »
Pour ce jeune garçon dont la mère a tout sacrifié pour lui sauver la vie, c'est désormais son seul lien avec son pays d'origine et sa famille.
*Nom fictif pour des raisons de protection
Par Anita Restu
A Djakarta, Indonésie