Réfugiés et demandeurs d'asile en Tunisie : un avenir incertain
Réfugiés et demandeurs d'asile en Tunisie : un avenir incertain
Des employés du HCR et du Croissant-Rouge tunisien distribuent des appareils de chauffage aux résidents d'un foyer pour demandeurs d'asile et réfugiés, en majorité originaires de pays africains, dans la ville de Medenine afin de leur offrir le plus de confort possible pour les mois d'hiver. Des couettes et des bons à échanger contre des vêtements chauds ont également été fournis. © HCR / Francis Markus
MEDENINE, Tunisie, 26 décembre (HCR) - Une forte odeur d'épices s'échappe de la petite cuisine où un ragoût et une casserole de haricots mijotent sur le réchaud. Mais ici, au quatrième étage de ce foyer qui héberge principalement des réfugiés et des demandeurs d'asile africains, même si les besoins élémentaires sont satisfaits, une impression de vie en suspend plane.
« J'aimerais que mes enfants puissent vivre en sécurité dans un pays occidental », supplie Yusuf*, originaire de Somalie, l'une des 40 personnes environ hébergées dans ce bâtiment. Il explique qu'il a fui la Somalie parce que le fait d'appartenir à une tribu minoritaire rendait sa vie de plus en plus difficile.
Il a tenté à trois reprises de poursuivre son chemin vers l'Europe en bateau au départ de la côte libyenne, mais chaque tentative s'est soldée par un échec et par beaucoup de morts. Lors de sa dernière tentative, il y a quelques mois, il faisait partie d'un groupe secouru par les autorités tunisiennes et remis au Croissant-Rouge du pays, qui gère le foyer en partenariat avec le HCR.
Les réfugiés et les demandeurs d'asile n'ont pas tous essayé de se rendre en Europe par bateau. Tesfa*, originaire d'Ethiopie, déclare qu'il souhaitait prendre un navire au départ de la Libye, mais qu'il n'avait pas assez d'argent pour payer les passeurs. De plus en plus effrayé par les combats, il a franchi la frontière terrestre vers la Tunisie.
Ayant rencontré des problèmes avec la police qui avait trouvé le drapeau d'un groupe séparatiste illégal dans le taxi qu'il conduisait, il avait franchi la frontière vers le Soudan, puis vers la Libye après un terrible périple de 6 jours à travers le désert. « Je n'avais pas mis ce drapeau à cet endroit et je n'avais rien à voir avec tout ça, mais ils ne m'ont pas cru », déclare-t-il.
Tesfa affirme qu'il n'est pas sûr d'essayer de retourner en Libye pour faire la traversée - les ports tunisiens sont désormais surveillés si étroitement que l'embarquement est difficile. Beaucoup d'hommes hésitent à dire à un visiteur inconnu qu'ils ont l'intention de refaire une tentative, mais les travailleurs humanitaires expliquent qu'au cours de leurs conversations régulières presque tous les résidents du foyer leur disent que c'est ce qu'ils ont en tête.
Plusieurs résidents ont exprimé l'espoir d'être réinstallés dans un pays tiers. Mais la rareté des places fait que la probabilité est faible, cette option existant seulement pour une partie des personnes les plus vulnérables.
« De nombreux réfugiés et demandeurs d'asile souffrent de stress et d'insomnie », explique un médecin local qui offre des consultations hebdomadaires à ceux qui ont besoin de soins médicaux. Sa récente visite a coïncidé avec une distribution, par le HCR et le Croissant-Rouge tunisien, d'appareils de chauffage, de couettes et de bons à échanger contre des vêtements afin que les résidents du foyer passent l'hiver plus confortablement.
Avec l'intensification des combats en Libye, les travailleurs humanitaires estiment qu'il pourrait y avoir un nouvel afflux à grande échelle de migrants et de réfugiés originaires d'Afrique subsaharienne, ainsi qu'un nouvel exode de Libyens à qui la Tunisie accorde un droit de séjour de plusieurs mois sans visa et qui bénéficient en partie des mêmes droits que les citoyens tunisiens. Selon les estimations, plus d'un million de Libyens séjourneraient déjà dans le pays.
Dans le cadre d'un plan d'intervention d'urgence en cas d'arrivées de plusieurs dizaines de milliers de personnes, le HCR et le Croissant-Rouge tunisien ont installé un bureau de pré-enregistrement dans un conteneur, à cinq kilomètres environ de la frontière libyenne pour interviewer les personnes qui arrivent et déterminer celles qui ont besoin d'une protection internationale.
En collaboration avec les autorités tunisiennes, le HCR a identifié un ensemble de sites, dont des écoles et des bâtiments publics, où de nouveaux arrivants pourraient être hébergés. Naoufel Tounsi, le responsable du bureau du HCR à Zarzis, déclare : « Nous avons beaucoup appris de notre expérience en 2011 », quand plus de 200 000 personnes ont afflué à travers la frontière suite à l'éclatement du conflit en Libye.
Mais satisfaire les besoins des réfugiés et des demandeurs d'asile ne représente qu'une partie du défi. Améliorer la compréhension du public et faire changer les attitudes parfois hostiles sont également des volets essentiels de l'activité du HCR.
Dans une salle de conférence d'un hôtel situé à environ une heure de route de la capitale Tunis, une dizaine de journalistes locaux débattent avec animation du point de savoir quels intérêts - ceux des réfugiés ou de la population locale - devraient être prioritaires si d'éventuelles maladies devaient se déclarer.
« Pour de nombreux Tunisiens, même les journalistes, les concepts de réfugiés et de demandeurs d'asile et la distinction entre eux et les migrants sont encore peu connus. C'est pourquoi nous devons poursuivre et renforcer notre travail afin d'être en mesure de répondre à tous les défis auxquels le pays pourrait être confronté », affirme Mazin Abu Shanab, Représentant du HCR en Tunisie, à l'initiative du séminaire pour les médias.
* Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection
Par Francis Markus à Medenine, en Tunisie