Reconstruire les écoles au Sud-Soudan
Reconstruire les écoles au Sud-Soudan
LUTHAYA, Sud-Soudan, 23 mai (UNHCR) - Lorsqu'il est entré dans les ordres comme prêtre catholique romain, il y a plus de 20 ans, le père Simon Khamis a fait voeu de pauvreté.
« Cela tombe bien », dit-il, avec un rire communicatif. En tant qu'éducateur, il dirige deux écoles soudanaises manquant cruellement de moyens. Il déclare : « Je ne demande aucune rétribution. Mon voeu de pauvreté s'est exaucé. »
Le père Simon, lui-même ancien réfugié, est un des nombreux Soudanais du sud qui se sacrifient pour former la jeune génération. Il y a sans doute peu de gens qui accordent autant d'importance à l'éducation que les Sud-Soudanais : lorsqu'ils se réfugient à l'étranger, ils citent souvent l'éducation, avant même la paix et la sécurité, comme facteur le plus important pour décider de la fin de leur exil et de leur retour au pays.
L'UNHCR et d'autres agences des Nations Unies préparent le retour chez eux de quelque 4,5 millions de personnes (à la fois des réfugiés et des déplacés à l'intérieur du Soudan) en privilégiant la mise en place d'un système d'éducation performant. A Luthaya, à la limite de la province d'Equatoria, l'UNHCR fournit les fonds nécessaires à la reconstruction des écoles primaire et secondaire Saint-Joseph, là où le père Simon travaille.
Mais « reconstruction » n'est pas vraiment le terme le plus approprié. Les bâtiments en briques qui abriteront les salles de classe sont en cours de construction depuis les fondations. En attendant, les enfants, avides d'apprendre, en plein air, suivent les cours sous des arbres. Ils s'assoient sur des piles de briques qui leur servent de tables et de chaises.
Dans l'une de ces classes de plein air, de jeunes enfants chantent dans un anglais joyeux et tonitruant « les roues du bus tournent, tournent, tournent jusqu'à Juba », en faisant référence à une ville toute proche, toujours inaccessible à cause des mines antipersonnel.
Les Nations Unies ont une autre priorité : débarrasser les routes des mines afin d'ouvrir la voie aux camions qui ramèneront les réfugiés chez eux. L'agence pour les réfugiés prévoit que les premiers convois organisés débuteront cette année, après la saison des pluies, peut-être déjà en octobre. Cependant, certains réfugiés rentrent par leurs propres moyens, n'attendant pas l'aide de l'UNHCR.
Alphonse Moi, le directeur de Saint-Joseph, est rentré d'un camp de réfugiés dans le nord de l'Ouganda.
« Nous sommes venus ici pour aider les enfants », dit-il. Il reconnaît que l'éducation gratuite dispensée avec l'aide de l'UNHCR dans les camps en Ouganda, au Kenya et dans d'autres pays, a pour effet de retarder le retour des familles de réfugiés. Les enseignants du Sud-Soudan qui travaillent dans les camps devraient, dit-il, recevoir une incitation financière pour favoriser leur retour au pays. Cela encouragerait les autres à suivre.
Mais l'argent manque partout à Yei. Les enfants viennent à l'école sans uniforme, sans chaussures, sans avoir pris de petit-déjeuner. Et l'école n'a pas de ressource pour servir un repas à midi, ou même offrir de l'eau potable.
« Ils veulent apprendre, mais le problème, c'est la faim », souligne A. Moi, sous l'ombre d'un arbre. « Ils ne peuvent pas apprendre s'ils ont le ventre vide. »
Le T-shirt d'Alphonse Moi, en simple coton, propre et bien repassé, mais au col élimé, atteste de son sacrifice personnel. Les parents des écoliers, dit-il, lui donnent de l'argent et de la nourriture quand ils le peuvent, et sa femme fait vivre sa famille de cinq enfants grâce à ses cultures et leurs récoltes.
« Les Sud-Soudanais attachent réellement beaucoup d'importance à l'éducation », déclare Timothy Brown, expert en éducation de l'UNHCR à Yei, qui a une longue expérience de travail sur le terrain. « Leur idée, c'est d'aller toujours plus loin, de poursuivre leur formation. Dès qu'ils finissent un niveau, ils pensent déjà au diplôme suivant. »
L'approche de l'UNHCR pour la reconstruction du Soudan consiste à financer des projets dont bénéficient non seulement les rapatriés mais aussi l'ensemble des communautés. L'UNHCR et ses partenaires sont en train de réhabiliter 26 écoles, plusieurs dispensaires et de forer des puits absolument essentiels à la survie à cet endroit.
L'UNHCR construit également un dortoir pour un centre de formation de Yei dans lequel les étudiants apprennent la menuiserie, la mécanique et la maçonnerie.
Veronica, 23 ans, mère de deux enfants, est fière d'être une des très rares femmes-maçon dans cette partie du monde. « C'est un emploi inhabituel pour une femme », dit-elle en haussant les épaules, « mais mon mari ne se plaint pas » - probablement parce que cela permet de gagner sa vie dans une ville où les emplois sont toujours rares.
De l'autre côté de la frontière, dans un camp de réfugiés situé à proximité d'Arua, en Ouganda, des femmes et des jeunes filles réfugiées soudanaises déclarent que recevoir une éducation gratuite les encourage à ne pas retourner au Soudan, malgré l'accord de paix signé en janvier de cette année.
« Lorsque je suis arrivée du Soudan, je ne savais pas ce qu'était l'éducation, ni ce qu'était une école », déclare Mary Night, une jeune femme qui a fui le Soudan avec ses parents, il y a dix ans, lorsqu'elle en avait huit. « En fait, j'ai eu de la chance de devenir une réfugiée. Si j'étais restée au Soudan tout ce temps, je ne serais pas allée à l'école. »
Excellente élève et parlant anglais couramment, elle a obtenu de nouvelles opportunités dans le camp et a complètement intégré le discours sur l'égalité des femmes. Agée aujourd'hui de 18 ans, elle a dépassé depuis longtemps l'âge auquel les jeunes filles soudanaises se marient habituellement. Elle dit vouloir attendre encore quelques années avant de se marier.
« Ma priorité actuelle, c'est d'obtenir un diplôme universitaire. Je voudrais étudier l'économie ou la comptabilité », dit-elle fermement. « Ainsi, je pourrai rentrer reconstruire mon pays. » Mais ce n'est pas pour tout de suite : « Ce qui me retient, c'est que je ne suis pas sûre qu'il y ait un système d'éducation performant au Soudan. »
Par Kitty McKinsey, au Sud-Soudan et dans le nord de l'Ouganda