Myanmar : L'appel du chef du HCR pour l'unité dans l'État de Rakhine
Myanmar : L'appel du chef du HCR pour l'unité dans l'État de Rakhine
MAUNGDAW, Myanmar – Dans un contexte de peur, de défiance et de sous-développement, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a lancé un appel à l'unité aux communautés de l’État de Rakhine, en proie à l’instabilité.
Durant sa première visite officielle en Asie du Sud-Est, M. Grandi a rencontré des déplacés, des communautés locales et des représentants officiels des villes de Sittwe et Maungdaw afin de mieux comprendre leurs besoins et leurs difficultés.
En octobre dernier, quelque 20 000 personnes ont été déplacées aux abords de Maungdaw lors d'une opération de sécurité déclenchée à la suite d’attaques menées contre plusieurs postes de contrôle aux frontières. La plupart des déplacés sont rentrés chez eux, mais certains sont toujours hébergés chez des villageois de la zone dans l'attente d'un accord sur leur rapatriement et leur lieu de réinstallation. À proximité de Sittwe, 120 000 personnes vivent toujours dans des camps pour déplacés internes depuis que les violences interethniques de 2012 les ont obligés à fuir.
Masoota Hatu vit depuis cinq ans dans le camp de Dar Paing à Sittwe, confrontée à des problèmes de santé qu'elle n'a pas les moyens de faire soigner. Seuls deux de ses quatre enfants sont scolarisés, car il n'y a pas de collège dans le camp.
« Nous devons passer de la survie à la vraie vie, une vie ouverte sur l’avenir. »
« C'est très difficile, » a confié cette veuve de 55 ans à Filippo Grandi. « Je ne souhaite rien de plus que de retourner dans mon village afin que nos vies puissent s'améliorer. »
Comme nombre de musulmans établis dans l’État de Rakhine, les apatrides tels que Masoota ne peuvent se déplacer librement sans autorisation et n'ont pas aisément accès aux services de base tels que les soins de santé, l'éducation et leurs moyens de subsistance.
« Ces gens méritent un avenir meilleur que leur situation actuelle qui est caractérisée par la pauvreté extrême, les privations et l'isolement. Nous devons passer de la survie à la vraie vie, une vie ouverte sur l’avenir, » a déclaré le Haut Commissaire. « C’est une situation extrêmement complexe, mais il existe des solutions auxquelles nous devons œuvrer. »
Désignée par le gouvernement, la Commission consultative sur l’État de Rakhine a présenté en mars un rapport intérimaire formulant des recommandations sur les étapes à suivre pour mettre un terme aux déplacements et promouvoir le dialogue intercommunautaire. Ce rapport a été approuvé par le gouvernement qui a accepté d'en appliquer les recommandations.
Ce ne sera pas chose facile, car le climat reste tendu à Maungdaw après les violences d'octobre qui auraient été perpétrées par les membres d'un groupe militant.
Mardi, M. Grandi a rencontré un groupe de villageois établis près d'un village musulman à Maungdaw. Ils lui ont raconté que dans le passé, les communautés vivaient et travaillaient ensemble.
« Mais après les violences d'octobre, on avait peur de sortir de chez nous pour ramasser du bois de feu ou pêcher pour gagner notre vie. Nos enfants ne vont plus à l'école et restent à la maison. Nous avons besoin d'aide pour que les choses s'améliorent, » a confié un dirigeant communautaire.
Le Haut Commissaire a vivement incité les deux communautés à reprendre le dialogue. « Vous partagez les mêmes craintes pour vos familles, les mêmes angoisses pour trouver comment subvenir à leurs besoins, » a-t-il déclaré. « L'aide humanitaire est importante, mais elle aura une fin. En apprenant à vivre ensemble en paix, vous jetez les bases de la prospérité et du développement. »
À Maungdaw, M. Grandi a visité un projet soutenu par le HCR, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, pour promouvoir une coexistence pacifique au moyen de cours de formation professionnelle. Les cours réunissent 20 musulmanes et villageoises de Rakhine qui apprennent la couture, des rudiments de lecture et d'écriture ainsi que d'hygiène et de santé. Même si elles n'ont pas grand-chose en commun a priori, nombre de ces femmes n'ont reçu aucune éducation ou ont dû quitter l'école pour subvenir aux besoins de leurs familles.
May Than New, 23 ans, a quitté l'école après le collège parce que ses parents ne pouvaient plus financer ses études. Avant de suivre les cours de couture, elle vendait de l'essence dans un magasin. Aujourd'hui, elle espère s'installer comme couturière et enseigner la couture une fois qu'elle aura obtenu son diplôme.
« Mes parents ont toujours eu des amis musulmans à la maison et nous pensons que la discrimination ne fait qu'engendrer les problèmes, » dit-elle. « Cette formation m'a permis de mieux comprendre mes amies musulmanes. »
Somira, 19 ans, qui suit la même formation a ajouté : « Avant, je ne connaissais aucune femme de Rakhine, mais maintenant je me suis fait des amies en cours. »
« Cette formation m'a permis de mieux comprendre mes amies musulmanes. »
Le HCR a également contribué à la création d'un marché dans le centre de Maungdaw où quelque 2000 familles originaires de Rakhine et des familles musulmanes, hindouistes et d’autres groupes minoritaires se rencontrent chaque jour en faisant leurs emplettes.
Quand on lui a demandé ce qui pourrait améliorer leur existence, un villageois musulman de Maungdaw a simplement dit : « Nous voulons juste vivre en paix, avoir des papiers d'identité et les mêmes droits que les autres. »
Mercredi, le Haut Commissaire a rencontré la conseillère d'État Aung San Suu Kyi et d'autres ministres pour discuter de la situation dans l'État de Rakhine, des déplacements dans l'État de Kachin et dans celui de Shan, au nord du pays, ainsi que des possibilités de rapatriement volontaire pour certains réfugiés en Thaïlande, notamment les Karen.
Après le Myanmar, Filippo Grandi poursuivra sa mission en Thaïlande et au Bangladesh où il discutera de la question des réfugiés dans les deux pays avant d'achever sa visite régionale le 11 juillet.