Les Rohingya prennent la mer pour chercher la sécurité au Bangladesh
Les Rohingya prennent la mer pour chercher la sécurité au Bangladesh
SHAMLAPUR, Bangladesh – Encore trop jeune pour être nommé, ce nourrisson a déjà souffert davantage que la plupart des gens en une vie tout entière.
L'enfant est né neuf jours plus tôt, juste après que sa famille eût perdu la totalité de ses biens. « Ils ont brûlé notre maison et nous ont forcés à partir en nous tirant dessus. On a marché pendant trois jours à travers la jungle. C'est là qu'il est né, » raconte son père Mohamed, en montrant une petite boule de vie encore toute ridée.
Les sept membres de la famille comptent parmi les quelque 164 000 personnes qui ont fui le nord de l'État de Rakhine depuis l'explosion de violences du 25 août.
« Ils ont brûlé notre maison et nous ont forcés à partir en nous tirant dessus. On a marché pendant trois jours à travers la jungle. »
Ils ont passé une nuit à la frontière du pays avant d'embarquer sur un bateau de pêche pour rejoindre le Bangladesh, bravant cinq heures de traversée sur la mer démontée de la Baie du Bengale.
Au cours des derniers jours, ils sont des centaines, voire des milliers à avoir débarqué sur les plages de Teknaf au sud-est du Bangladesh. Les bateaux de pêche à poupe relevée qui transportent habituellement du poisson ont embarqué ces réfugiés contre paiement. Les passagers payent entre 5000 et 10 000 takas bangladeshi (60-122 dollars) par personne.
Les réfugiés racontent que ceux qui ne peuvent pas payer sont détenus par le propriétaire du bateau jusqu'à ce que leurs parents aient payé ou que la police intervienne.
Les bateaux de pêche s'égrènent le long du littoral de Teknaf. Ils s’approchent au plus près et larguent leur chargement humain dans un mètre d'eau. Épuisés après une traversée longue et périlleuse, ils doivent trouver un dernier sursaut d'énergie pour marcher jusqu'à la plage en portant les enfants et les vieillards. Certains s'écroulent sur la plage, à bout de force. D'autres sourient, soulagés d'être enfin parvenus à se mettre en sécurité.
Hafez Mohammed, 45 ans, et les 10 membres de sa famille sont enfin arrivés. Ils comptent parmi les mieux équipés et traînent derrière eux des pots, du riz et des nattes.
« Ils sont encore très nombreux à attendre des bateaux, » dit-il en évoquant ceux qui attendent au port qu'il vient de quitter au Myanmar. « Ça prendra un bon mois pour les transporter tous. »
Les Rohingya composent la minorité islamique apatride du Myanmar, ce qui leur a valu de connaître la discrimination et la pauvreté extrême depuis des décennies.
Des enfants, des femmes et des familles abandonnent leurs maisons et tout ce qu'ils possèdent pour entamer à pied des voyages longs, épuisants et incertains avec l'espoir de trouver la sécurité dans les camps de réfugiés déjà surpeuplés du Bangladesh. Ils ont faim, ils sont en piètre condition physique et ont besoin d'un soutien vital après leurs terribles épreuves.
« Ils sont encore très nombreux à attendre des bateaux. Ça prendra un bon mois pour les transporter tous. »
La plupart passent la nuit dans le village voisin de Shamlapur qui a accueilli de nombreux réfugiés rohingya depuis la fin des années 70. Selon un chef local appelé Shahid, plus de 10 000 personnes seraient arrivées dans son seul village en l'espace de quelques jours.
À partir de là, les réfugiés prennent contact avec d'éventuels membres de leurs familles au Bangladesh. Ceux qui n'ont aucune relation poursuivent leur route en quête d'une assistance pour rejoindre des camps de réfugiés tels que Kutupalong ou des installations de fortune comme Balukhali à une quinzaine de kilomètres de là.
Ils n'ont pas fini de marcher mais, cette nuit au moins, ils savent qu'ils pourront dormir en paix.
Le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille sur le terrain avec ses partenaires pour leur offrir protection et une aide vitale sous forme d’abris, de nourriture, d’eau et de soins de santé. Elle demande à tous les réfugiés de se faire enregistrer dès leur arrivée pour permettre à tous ceux dans le besoin d'avoir accès aux services nécessaires.