Les rapatriés, acteurs-clé de la bataille des ondes en Afghanistan
Les rapatriés, acteurs-clé de la bataille des ondes en Afghanistan
KABOUL, Afghanistan, 21 décembre (UNHCR) - Les décennies de violence qui ont dévasté l'Afghanistan se sont achevées mais, dans tout le pays, une nouvelle bataille est engagée. Cette campagne se déroule autant dans les maisons en terre des fermiers en zone rurale que les maisons clinquantes des nouveaux riches de Kaboul.
Sous le régime des taliban, quiconque aurait été trouvé en possession d'une télévision pouvait être battu voire emprisonné. Aujourd'hui, les Afghans ont à leur disposition un nombre sans précédent de chaînes de télévision et de radio qui se concurrencent pour attirer leur attention. Plusieurs des chefs de file de cette bataille des ondes sont d'anciens réfugiés, notamment des femmes.
A l'ouest de Kaboul, anciennement traversée par une ligne de front durement combattue pendant la guerre civile en Afghanistan, Fariba Charkhi discute du programme de la semaine à venir avec les équipes techniques de la chaîne de télévision Aryana. Fariba est l'une des figures emblématiques de la station et, en tant que directeur exécutif, elle est également responsable de plus de 30 émissions.
Neuf ans plus tôt, lorsque les taliban avaient pris le contrôle de Kaboul et de la plupart du pays, Fariba, femme mariée et mère de trois enfants, avait quitté le pays avec sa famille pour Peshawar au Pakistan. Durant cinq ans, ils ont vécu de petits travaux en tant que réfugiés, en espérant qu'ils pourraient rentrer un jour. Début 2002, ils étaient parmi les premiers à faire le voyage de retour dans l'Afghanistan de l'après-taliban, grâce à l'opération de l'UNHCR pour le rapatriement organisé.
La radio-télévision d'Etat afghane, auparavant réduite à une seule station de radio avec pour unique programmation des débats religieux et des lectures du Coran, a repris ses activités de télévision et avait besoin de talentueux présentateurs en direct.
« Il est alors apparu une soudaine demande de femmes dans les médias », indique Fariba. « Mais la plupart des femmes ne voulaient même pas présenter des programmes radio, et encore moins télévisés, de peur d'être reconnues. »
Fariba est très vite apparue sur les écrans de télévision à travers tout le pays. Sa décision de jouer un rôle dans les médias émergents du pays a été soutenue par son époux, mais beaucoup d'autres y étaient opposés. « Les premiers jours, des étrangers venaient à ma rencontre dans la rue et m'insultaient. Même ma famille a dit que ce n'était pas encore le moment pour que les femmes soient visibles. Maintenant, lorsque quelqu'un s'approche de moi, c'est pour me faire un compliment ou commenter une de nos émissions. »
La chaîne TV Aryana fait partie des quatre stations de télévision privées qui diffusent actuellement en Afghanistan, et une cinquième devrait voir le jour dans les prochains mois. A l'exception de l'une d'entre elles, elles ne fonctionnent que depuis moins d'un an, ce qui fait du personnel de TV Tolo, ou Dawn, des vétérans dans le paysage audiovisuel afghan évoluant rapidement. Diffusant depuis 2004, Tolo a été lancée après le succès d'une radio jumelle Radio Arman, ou Espoir.
Nilab Ahmadi a commencé à travailler pour Radio Arman il y a un an, après avoir passé un tiers de sa vie comme réfugiée en Iran. En 2003, avec l'aide de l'UNHCR, elle et sa famille sont rentrées à Kaboul où elle a pu, grâce à son anglais parfait, travailler comme interprète. Après avoir travaillé à mi-temps sur Radio Arman, elle est devenue la première présentatrice du programme du soir et présente maintenant une émission nocturne de trois heures mêlant une programmation musicale et des appels d'auditeurs.
« Au début, les gens se plaignaient beaucoup de nos émissions », indique-t-elle, se rappelant les débuts tumultueux de la première station de radio privée. « Ils n'aimaient pas la musique que nous programmions, et ils n'aimaient particulièrement pas que les hommes et femmes présentateurs discutent et rient ensemble en direct. »
Les appels reçus concernent souvent la demande d'une chanson ou des doléances sur un comportement supposé inapproprié. Nilab est en contact avec une audience composée en majorité de jeunes, elle est donc parfaitement au courant du profond changement en Afghanistan, et de ce qu'il reste encore à faire. « Tout le monde a un téléphone portable maintenant, alors on peut nous appeler et nous raconter sa vie. Nous recevons encore de nombreux appels de jeunes filles qui disent que leur famille ne les laisse pas sortir ou aller à l'école. »
De retour à Kaboul, Nilab et sa famille ont dû endurer un style de vie très différent de celui adopté pendant sept ans à Téhéran, la capitale iranienne. Nilab avait passé son adolescence entourée d'émissions radio et télévisées et travaillé dans un magazine pour les réfugiés afghans. L'absence de tels débouchés dans son propre pays l'a frappée.
A Kaboul et dans tout le pays, ce manque a rapidement été comblé et pour Nilab et les autres rapatriés travaillant avec elle à Radio Arman, le retour leur a permis de saisir l'opportunité de faire un métier qui participe au profond changement de l'Afghanistan.
Dans les bureaux de la chaîne Aryana, Fariba Charkhi a confiance dans les médias qui peuvent constituer une force de changement positif. « Je crois fermement que nous allons dans la bonne direction », dit-elle en entrant au studio. « Dans nos émissions, nous pouvons informer les gens sur leur quotidien et influencer leur opinion. Je veux y participer et je suis fière de ce que je fais. »
Par Tim Irwin à Kaboul