Le conflit syrien entre dans sa 5e année : l'avenir s'assombrit pour les réfugiés
Le conflit syrien entre dans sa 5e année : l'avenir s'assombrit pour les réfugiés
GENEVE, 12 mars (HCR) - Alors que le conflit syrien entre dans sa cinquième année, des millions de réfugiés dans les pays voisins ainsi que les personnes déplacées internes en Syrie endurent des situations qui se dégradent de façon alarmante. Leurs perspectives d'avenir pourraient encore s'assombrir sans davantage de soutien international, selon une mise en garde lancée ce jour par le HCR.
En l'absence d'une solution politique en vue pour le conflit, la plupart des 3,9 millions de réfugiés syriens- qui se trouvent en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Iraq et en Égypte - ne voient aucune perspective de retour dans leur pays d'origine dans un proche avenir. Ils ont peu de possibilités de recommencer une nouvelle vie en exil. Plus de la moitié des réfugiés syriens au Liban vivent dans des lieux d'habitation précaires - contre un tiers l'année dernière - ce qui pose un problème constant pour assurer leur sécurité et leur bien-être. Selon une enquête menée auprès d'un échantillon de 40 000 familles syriennes vivant en milieu urbain en Jordanie, deux tiers des réfugiés vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés António Guterres a réitéré que bien davantage doit être fait pour soutirer les Syriens à leur cauchemars et à leurs souffrances. « Après des années d'exil, les réfugiés est depuis longtemps épuisé leur épargne. De plus en plus d'entre eux ont recours à la mendicité, à la prostitution de survie et au travail des enfants. Des familles issues de la classe moyenne avec des enfants survivent avec peine dans les rues : un père de famille explique que la vie en tant que réfugié, c'est comme des sables mouvants - chaque fois qu'on bouge, on s'enfonce, selon lui.
« C'est la pire crise humanitaire de notre époque et elle devrait générer un soutien à l'échelle mondiale. Au lieu de cela, l'aide décroit. Les appels humanitaires sont systématiquement sous-financés. Il n'y a tout simplement pas assez d'aide pour répondre aux immenses besoins - ni assez de soutien au développement pour les pays hôtes qui sont mis à rude épreuve sous la charge représentée par tant de réfugiés », a ajouté António Guterres. Il a souligné qu'avec l'afflux massif de réfugiés syriens ces quatre dernières années, la Turquie était devenue le plus important pays hôte de réfugiés au monde et ce pays a dépensé plus de six milliards de dollars pour l'aide directe aux réfugiés.
Face aux préoccupations croissantes de sécurité et au soutien international insuffisant, plusieurs pays voisins de la Syrie ont pris des mesures ces derniers mois pour endiguer l'afflux de réfugiés, depuis de nouvelles réglementations de gestion des frontières à des procédures plus onéreuses et plus complexes pour que les réfugiés puissent prolonger leur séjour.
De plus en plus de Syriens perdent espoir. Des milliers d'entre eux ont tenté de rejoindre l'Europe en empruntant des voies terrestres ou maritimes souvent meurtrières, après avoir dépensé au bénéfice de passeurs les économies qu'ils avaient accumulées durant toute leur vie. Beaucoup sont morts en route. Ceux qui arrivent à rejoindre l'Europe font face à une hostilité croissante en tant que réfugiés et ils sont confrontés à des problèmes de sécurité dans un climat de panique croissante.
« Les réfugiés sont les boucs émissaires par rapport à certains problèmes allant du terrorisme aux difficultés économiques et à des menaces perçues par rapport au mode de vie de leurs communautés hôtes. Mais nous devons nous rappeler que la menace principale ne provient pas des réfugiés, mais qu'elle se dirige contre eux », a indiqué António Guterres.
A l'intérieur de la Syrie, la situation se détériore rapidement. Plus de 12 millions de personnes ont besoin d'aide pour leur survie. Près de huit millions d'entre elles ont été forcées de quitter leurs maisons. Les déplacés internes partagent des salles bondées avec d'autres familles ou elles campent dans des bâtiments abandonnés. Environ 4,8 millions de déplacés syriens se trouvent dans des endroits difficiles d'accès, y compris 212 000 personnes prises au piège dans des zones assiégées.
Des millions d'enfants souffrent de traumatismes et de problèmes de santé. Un quart des écoles en Syrie ont été endommagées, détruites ou alors elles sont utilisées en tant qu'abri. Plus de la moitié des hôpitaux en Syrie sont détruits.
Plus de 2,4 millions d'enfants à l'intérieur de la Syrie sont déscolarisés. Parmi les réfugiés, près de la moitié des enfants exilés ne reçoivent aucune éducation. Au Liban, il y a davantage de réfugiés en âge d'être scolarisés que l'ensemble des places disponibles dans les écoles publiques du pays. Seulement 20 pour cent des enfants syriens sont inscrits. Des chiffres similaires sont observés parmi les réfugiés vivant hors des camps en Turquie et en Jordanie.
« Il est encore possible d'intervenir maintenant car cette génération potentiellement perdue affronte actuellement de nombreux défis pour construire son avenir. Abandonner les réfugiés au désespoir ne les expose qu'à davantage de souffrances, d'exploitation et d'abus dangereux », a averti António Guterres.
On compte aujourd'hui davantage de Syriens déracinés qui sont pris en charge par le HCR que toute autre nationalité à travers le monde. Pourtant, à la fin de l'année dernière, seulement 54 pour cent des fonds nécessaires pour aider les réfugiés à l'extérieur de la Syrie ont été collectés. A l'intérieur de la Syrie, les organisations humanitaires ont reçu encore moins.
En décembre, les Nations Unies ont publié le plus important appel de fonds pour un montant de plus de 8,4 milliards de dollars. Entièrement financé, il permettrait de couvrir les besoins essentiels des réfugiés, tout en aidant les communautés hôtes à renforcer leur infrastructure et les services. Le HCR espère d'importantes promesses de dons lors de la conférence de financement au Koweït le 31 mars.
« Abandonner encore davantage les pays d'accueil pour qu'ils gèrent eux-mêmes la situation pourrait entraîner de graves déstabilisations régionales, augmentant la probabilité de problèmes de sécurité ailleurs dans le monde », a déclaré António Guterres.