L'absence de documents fait courir encore plus de risques aux déplacés syriens
L'absence de documents fait courir encore plus de risques aux déplacés syriens
ALEP, Syrie – Samira se souvient du jour où, fin 2012, elle et son mari Wael ont pris leur nouveau né et fui leur foyer situé à l’est d’Alep. Sans certificat de mariage ni carte d’identité valide, ils ont dû éviter les points de contrôle et les poches de combat. Ce qui devait être seulement un court trajet vers l’ouest de la ville s’est transformé en un long et dangereux périple.
« Cela a été un périple difficile et compliqué », raconte-t-elle. « Nous avons essayé d’éviter les points de contrôle et emprunté des itinéraires alternatifs plus dangereux ». Bien qu’ils soient en sécurité à Alep-Ouest où ils sont déplacés depuis lors, l’absence de documents risque d’avoir des conséquences graves pour ce couple et leurs jeunes enfants.
Mariés peu avant l’éclatement du conflit, ils n’ont pas pu se rendre dans la ville natale de Wael, située à quelque 50 kms de là, près d’Idlib, pour enregistrer leur mariage à cause des combats intenses sévissant sur cet axe. « Nous avons déjà eu du mal à passer de l’est à l’ouest d’Alep ; nous rendre si loin hors de la ville aurait été une mission impossible », explique Samira.
« Cela a été un périple difficile et compliqué »
Sans certificat de mariage, ils n’ont pas pu enregistrer la naissance de leurs deux enfants, Mohammed, 4 ans, et Shaza, 2 ans. « Sans certificat de naissance, mes enfants ne pourront sans doute pas bénéficier d’une éducation ou de soins de santé adéquats », ajoute Samira.
En plus d’avoir provoqué le déplacement de 6,3 millions de personnes à l’intérieur du pays et d’avoir forcé 5 millions d’autres personnes à l’exil dans toute la région, le conflit syrien qui dure depuis six ans a également laissé des centaines de milliers de citoyens sans documents d’état civil valides.
Les réfugiés syriens nés hors de Syrie et dépourvus de certificat de naissance risquent de venir s’ajouter aux 10 millions de personnes apatrides environ dans le monde, surtout si leur père ne peut pas ou ne veut pas certifier leur filiation pour diverses raisons. Pour d’autres, notamment les personnes déplacées à l’intérieur du pays comme Samira et Wael, l’absence de documents peut également être un obstacle à la réunification familiale et restreindre leur liberté de circulation.
« L’absence de documents rend également les personnes plus vulnérables aux harcèlements, à l’extorsion et à l’exploitation », explique Abdul Karim Ghoul, Représentant adjoint du HCR à Damas.
Comme beaucoup de personnes ne connaissent pas les procédures pour obtenir des documents ou ne peuvent pas payer les frais afférents, qui ont augmenté récemment, le HCR – l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés – offre une aide juridique à celles qui en ont besoin afin de remédier à cette situation. Il fournit également une assistance pour l’enregistrement des naissances afin de réduire le risque d’apatridie et d’assurer l’accès aux services.
Dans le cas de Samira, l’aide juridique est fournie par l’intermédiaire d’un avocat qui représente le couple devant les tribunaux et les autorités d’état civil en vue d’enregistrer officiellement leur mariage et d’obtenir la délivrance de certificats de naissance pour leurs enfants.
Un exemple notable est celui d’un centre communautaire du HCR dans la ville côtière de Tartous où l’Agence et ses partenaires juridiques ont aidé 5 000 personnes déplacées d’Alep et de Deir-ez-Zor à obtenir de nouvelles cartes d’identité. Grâce aux efforts déployés par les avocats intervenant pour des ONG locales financées par le HCR ainsi qu’à la compréhension et à la coopération des services d’état civil, des cartes d’identité ont été délivrées sans que les personnes concernées aient eu besoin d’effectuer le déplacement dangereux vers leurs villes d’origine.
Khalaf, un déplacé syrien originaire de Deir-ez-Zor qui vit avec cinq membres de sa famille dans un abri collectif à Tartous, explique l’importance d’avoir obtenu une nouvelle carte d’identité après avoir perdu la précédente au cours de sa fuite.
« Sans ma carte d’identité, je ne pouvais pas me déplacer librement ni chercher un emploi », explique-t-il. « Désormais je peux franchir les points de contrôle sans m’inquiéter pour ma sécurité ». Khalaf a également été en mesure d’enregistrer la naissance de sa fille.
« Sans ma carte d’identité, je ne pouvais pas me déplacer librement ni chercher un emploi »
« Cette opération est un grand succès », déclare M. Ghoul. « Ces personnes n’avaient qu’un accès limité ou aucun accès au travail et aux soins de santé, et leur liberté de circulation était gravement restreinte. Désormais ils peuvent obtenir un emploi ou accéder aux soins de santé, aux services de base et à l’aide humanitaire et peuvent prouver leur état civil et leur nationalité, ainsi que ceux de leurs enfants ».
En s’appuyant sur un réseau composé actuellement d’environ 120 avocats locaux dans l’ensemble de la Syrie, le HCR a fourni une aide juridique à 75 000 déplacés internes et membres de la communauté d’accueil affectés en 2016. En outre, 54 700 personnes ont bénéficié de sessions de sensibilisation à diverses questions juridiques. Ces activités ont été menées dans le cadre de la réponse de protection basée dans les communautés que le HCR met en œuvre à travers un réseau de 74 centres communautaires gérés par des ONG nationales, deux centres d’aide juridique et plus de 1 770 bénévoles mobiles, y compris des bénévoles syriens spécialement formés à l’accompagnement juridique. Les centres communautaires fournissent un ensemble de services intégrés de protection, notamment une aide juridique et s’appuient sur des équipes mobiles qui offrent une aide juridique dans les abris collectifs et les endroits isolés/difficiles à atteindre où vit un nombre élevé de déplacés internes. Malgré les difficultés d’accès aux déplacés internes dans les zones peu sûres ou difficiles à atteindre, le HCR souhaite renforcer les services d’aide juridique en 2017 en étendant son réseau d’avocats et d’intervenants de proximité dans les communautés mal desservies et veiller à ce que davantage de Syriens bénéficient des services et du soutien dont ils ont désespérément besoin.
En savoir plus sur la campagne #IBELONG pour mettre fin à l’apatridie