Faire face à l'asile en Irlande
Faire face à l'asile en Irlande
DUBLIN, Irlande, 6 juillet (UNHCR) - Les visiteurs du Centre Ilac, l'une des plus importantes bibliothèques publiques de Dublin, montrent beaucoup d'intérêt pour cette exposition tout aussi originale qu'interpellante sur la vie des demandeurs d'asile en Irlande.
Le témoignage en images du photographe Howard Davies des vies des demandeurs d'asile en Irlande, incluant les femmes et les enfants, s'appelle « Terre d'asile », comme la publication mensuelle du Conseil irlandais des réfugiés qui est à l'origine de ce projet.
« Les photographies vous vont droit au coeur », explique Pat Guerin, du Conseil irlandais pour les réfugiés. « Elles captent votre attention tout au long de cette exposition. Elles veulent vous faire comprendre ce qu'est la vie d'un réfugié ou d'un demandeur d'asile dans une contrée lui étant aussi inconnue que l'Irlande, par exemple. »
Il ajoute, « l'Irlande n'est probablement pas le pire des pays pour dépeindre la vie des demandeurs d'asile, mais il y a malgré tout de nombreux exemples négatifs. Les images des longues files d'attente sont toujours reprises par les médias irlandais aussi bien en presse écrite qu' audiovisuelle, même si cela fait très longtemps qu'il n'y a pas eu de longues queues devant le centre de demandes d'asile à Dublin. »
Pat Guerin constate que les demandeurs d'asile sont à tort associés à la criminalité et à la maladie, ou bien sont décrits en termes de flux ou d'afflux, et que certains politiciens et une partie des médias se réfèrent à eux de manière péjorative.
Mais il demeure optimiste quant aux opportunités offertes par l'exposition pour sensibiliser le public irlandais. « Les photos de Howard font un formidable travail pour expliquer la réalité des choses », poursuit Pat Guerin. « Il met une visage humain sur les statistiques concernant les demandeurs d'asile. J'espère que l'exposition « Terre d'asile » permettra de faire comprendre aux gens que les demandeurs d'asile et les réfugiés sont des gens comme nous, avec leurs craintes et leurs espoirs. Que ce ne sont pas des monstres à deux têtes. »
Décrivant son expérience de l'Irlande, le photographe Howard Davies dit : « Généralement, mon impression est que la situation des demandeurs d'asile en Irlande est plus acceptable, mais c'est peut être aussi parce que la situation des demandeurs d'asile au Royaume-Uni de façon générale est tellement difficile. La diabolisation et la stigmatisation des demandeurs d'asile au Royaume-Uni par certains journaux ont conduit à des attaques à leur encontre et à un climat où il y a généralement une perception négative de leur condition. »
Il ajoute que l'on a pu prouver que de nombreux articles de la presse britannique étaient erronés, mais que même s'ils étaient suivis d'un démenti, le mal était fait, les gens se souvenant seulement des gros titres, comme celui sur des demandeurs d'asile mangeant les cygnes royaux, une histoire qui comme beaucoup d'autres s'est avérée fabriquée de toutes pièces.
« Sur une note plus positive », dit Howard Davies « l'Irlande semble relativement bien s'occuper de ses demandeurs d'asile à travers ses législations d'assistance, comparée au Royaume-Uni où les demandeurs d'asile sont souvent disséminés dans des logements plutôt précaires. En Irlande, les enfants sont autorisés à intégrer l'école, alors qu'au Royaume-Uni, il y a maintenant des propositions pour ouvrir des centres, sur le modèle des centres de détention, où les demandeurs d'asile et leurs enfants devraient rester. »
Le photographe pense qu'il est important de parler des demandeurs d'asile en faisant un effort pour pallier les dommages causés par les reportages négatifs. « Je suis allé parler à un groupe d'enfants lors des événements organisés dans le cadre de la Journée mondiale du réfugié au Royaume-Uni et je leur ai montré quelques photographies de demandeurs d'asile et de réfugiés. A la fin, ils m'ont dit que leur opinion sur les demandeurs d'asile avait changée. Ils se montraient plus compréhensifs. »
Howard Davies a travaillé comme photographe de presse pendant plus de 15 ans, et a couvert les grandes crises de réfugiés en Afrique, en Asie et dans les Balkans. Il a également couvert la crise des réfugiés rwandais pendant trois ans au milieu des années 90. Il a également retenu en tant que lauréat potentiel du prix du photojournalisme d'Amnesty. En 2001, il a fondé Images d'Exil, une agence représentant les photojournalistes couvrant des sujets aussi divers que les conflits, les réfugiés, l'asile en Europe, les désastres, les catastrophes humanitaires, le SIDA et l'éducation dans le monde en développement.
En évoquant sa carrière, il confie « j'ai couvert des conflits durant toutes ces 20 dernières années. Beaucoup n'ont pas fait l'objet d'un reportage. Par exemple la situation au Congo ou au nord de l'Ouganda, ou encore les abus de l'Armée de résistance du Seigneur, qui ont contraint tant de personnes à un déracinement forcé. Les réfugiés ne quittent pas facilement leurs maisons. Ils partent à cause d'une peur réelle, mais il y a une attitude qui prévaut en Europe, c'est que les réfugiés sont de « faux réfugiés ». L'Europe, de beaucoup de manières, a de plus en plus une vue restreinte du monde. Nous n'entendons parler que brièvement des conflits quand ils font les gros titres. C'est une vue étroite, avec des oeillères.
Howard Davies est motivé par les expériences des gens qu'il a vus souffrir. Il dit « en étant au Congo et ailleurs, je me sens motivé par tout ce que j'ai vu. Au Royaume-Uni par exemple, c'est choquant que le Ministère de l'intérieur puisse refuser les demandeurs d'asile du Zimbabwe et essaie de renvoyer les Zimbabwéens également, alors que le Ministère des affaires étrangères a clairement condamné ce régime et que d'autres Etats ont mis en évidence les atteintes aux droits de l'homme. Ce monde devient fou. »
L'exposition « Terre d'asile » au Centre Ilac de Dublin prend fin le 8 juillet. Elle partira pour la Bibliothèque centrale de Cork, deuxième plus grosse ville d'Irlande, la dernière semaine d'août et la première quinzaine de septembre.
Par Steven O'Brien, UNHCR Irlande