Des travailleurs communautaires bravent les dangers pour aider les survivants des violences en RD Congo
Des travailleurs communautaires bravent les dangers pour aider les survivants des violences en RD Congo
En descendant la colline de Kibarizo, petit village reculé de la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, Lidia Ajuwa, 30 ans, est accueillie chaleureusement lorsqu'elle passe devant des rangées de petites maisons aux toits de chaume. Elle est une figure familière et amicale dans cette région qui, depuis des années, est aux prises avec l'insécurité.
Elle a marché pendant des heures sur des routes boueuses impraticables pour les véhicules afin d’atteindre la maison d'Agizo*, une femme de 38 ans précédemment déplacée par la violence. Cette dernière a été violée lorsque des hommes armés ont attaqué le village quelques jours auparavant.
« Je ne sais pas d'où ils venaient. Ils ont tué mon mari puis cinq d'entre eux m'ont violée. Je suis restée là à hurler de douleur, sans l'aide de personne », soupire-t-elle.
Lidia l'écoute attentivement, prenant des notes dans son carnet. Une fois qu'Agizo a fini de relater les détails déchirants, Lidia l'oriente vers un centre de santé situé à une vingtaine de kilomètres pour une prise en charge médicale et psychologique et lui donne de l'argent pour le transport.
« Derrière chaque histoire, il y a un humain. »
Pour Lidia, il s'agit d'une journée de travail typique dans le cadre de son travail de monitoring de protection pour l’ONG INTERSOS, un partenaire du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Depuis sa prise de fonction en 2019, elle fait souvent partie de l'équipe des premiers intervenants en cas de violences sexuelles et autres violations des droits humains à l'encontre de personnes déjà déplacées de chez elles par la longue histoire de conflit de cette région.
L’état de siège appliqué par les autorités congolaises à travers les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri depuis mai 2021 visait à mettre un frein à l'anarchie et aux violences perpétrées par d'innombrables milices. Cependant, ce dispositif n'a apporté qu'un répit limité aux populations locales, dans un contexte de violences persistantes.
- Voir aussi : Le HCR préoccupé par la montée de la violence à l’encontre des civils déplacés dans l’est de la RD Congo
« J'entends tous les jours des histoires comme celle d'Agizo », confie Lidia. « Derrière chaque histoire, il y a un humain qui traverse des souffrances difficiles à imaginer pour la plupart d’entre nous. Étant moi-même une femme, j'ai peur car je sais que cela peut m'arriver également. »
Lidia et les 77 autres agents de protection qui travaillent dans la région doivent affronter des conditions de terrain difficiles et des dangers fréquents pour atteindre les personnes dans le besoin et les mettre en relation avec l'assistance vitale fournie par le HCR et ses partenaires, y compris des soins de santé, une aide juridique ou un soutien psychosocial.
« Notre travail est complexe, et notre réponse est basée sur ce qui est possible », explique Lidia. « Si nous pouvons apporter une solution immédiate, nous le faisons. Mais nous travaillons souvent dans des zones reculées. Nous devons souvent orienter la victime vers un endroit où elle peut obtenir une assistance, comme des soins médicaux. »
La plupart des zones où ils travaillent étant inaccessibles, même en moto, Lidia et ses collègues parcourent souvent de longues distances à pied, ce qui les expose à la violence ou aux risques d'enlèvement dans les zones contrôlées par divers groupes armés.
« Parfois, la violence nous empêche d'atteindre notre destination », explique-t-elle. « Je dois rester vigilante, sinon je peux moi aussi devenir une victime. »
Chaque semaine, des centaines d’attaques contre des civils sont enregistrés dans l'est de la RDC par des personnes comme Lidia. En 2021, le HCR, par l'intermédiaire d'INTERSOS, a enregistré plus de 65 000 violations distinctes des droits humains uniquement dans l'est du pays. Plus de 5,6 millions de Congolais étaient déplacés à l'intérieur du pays à la fin de 2021, la majorité dans les quatre provinces de l'est, le Nord et le Sud-Kivu, l'Ituri et le Tanganyika.
Obed*, 25 ans, n'oubliera jamais le jour où il a été pris entre les feux croisés de deux groupes armés.
« Nous ne pouvions pas échapper aux combats, nous étions juste allongés sur le sol alors que les balles fusaient au-dessus de nous », se souvient-il. « À un moment donné, j'ai remarqué que mon pied avait gonflé et j'ai réalisé que j'avais été touché par une balle ».
Lidia a entendu parler de l'attaque et s'est rendue au domicile d'Obed une fois que les combats se sont arrêtés. Avec un collègue, elles ont emmené Obed dans un dispensaire du village, mais il n'y avait pas de médicaments. Elles ont alors payé une moto pour l'emmener dans la ville voisine afin qu'il se fasse soigner.
« Lidia et son collègue m'ont vraiment aidé », témoigne Obed. « Je ne peux que les remercier, car sans leur aide, je serais mort ».
Le HCR coordonne les efforts conjoints avec d'autres agences des Nations Unies et des organisations partenaires telles qu'INTERSOS pour venir en aide aux personnes dans le besoin.
Associé à la protection du HCR basé à Goma, Alexis Baruti souligne le rôle crucial que jouent Lidia et les autres agents de protection dans la région.
« En répondant aux alertes de protection, des personnes comme Lidia peuvent mettre les survivants en relation avec des services de secours et améliorer la protection des droits des communautés de la région », souligne-t-il.
La collecte systématique d'informations sur les violations des droits humains et autres incidents de protection permet d'analyser les tendances par région et par secteur, révélant certains des facteurs déterminants tels que les tensions interethniques, l'impunité des auteurs et les abus de pouvoir.
Le HCR collecte également des alertes auprès d'autres partenaires afin de disposer de données complètes sur les violations des droits humains dans les zones accueillant des déplacés internes.
« Ainsi, nous pouvons plaider pour des actions et des réponses appropriées au sein de la communauté humanitaire », ajoute Alexis Baruti.
Dans une région toujours en proie à la violence et à l'insécurité, le travail de Lidia ne prend jamais vraiment fin. Mais lorsqu'elle se rend sur un autre site, elle est motivée par le fait que chaque personne qu'elle aide fait la différence.
« Ce que j'aime dans ce travail, c'est que je peux contribuer à la lutte de mon peuple et aider à faire de la loi une réalité pour eux. »
* Les noms ont été changés pour des raisons de protection.