Des hindous du Myanmar bien accueillis au Bangladesh
Des hindous du Myanmar bien accueillis au Bangladesh
HINDU PARA, Bangladesh - Deux villages voisins étaient déjà en flammes lorsque des hommes en noir, aux visages couverts, se sont approchés de la maison d'Onou Bala au nord de l'État de Rakhine, au Myanmar.
Alors qu'ils jetaient des projectiles incendiaires dans les maisons, elle a couru vers la forêt avec ses trois filles, âgées de trois à huit ans. Elles y sont restées deux nuits sans abri, privées d’eau et de nourriture.
Onou est maintenant en sécurité dans ce petit village du sud-est du Bangladesh, où elle vit dans un ancien élevage de poulets, reconverti en hébergement communautaire, et elle s’interroge encore sur ce qui s'est passé.
« Je ne sais pas qui ils étaient, la seule chose que je pouvais voir, c'était leurs yeux... qu’on soit hindou ou musulman ne faisait aucune différence... ils brûlaient tout », raconte-t-elle, assise les jambes croisées sur un sac de riz en toile de jute.
Si la grande majorité des réfugiés qui fuient vers le Bangladesh sont musulmans, une petite partie d’entre eux, comme Onou, sont hindous. Ils parlent le même dialecte, se reconnaissent comme rohingya, et ont été emportés par la purge qui a poussé un demi-million de femmes, d'enfants et d'hommes à fuir de l'autre côté de la frontière.
Au total, 101 familles hindoues, comprenant 523 personnes, vivent en ce moment à Hindu Para, un village agricole bordé par la forêt, qui avait été créé suite à un précédent afflux de réfugiés hindous dans les années 1990.
« Ils étaient armés de fusils, de couteaux et de cocktails Molotov. »
Nironjon Rudro, un coiffeur père de quatre enfants, est également présent dans le centre d'hébergement communautaire. Il se souvient de son village natal comme d'une communauté d’agriculteurs musulmans, d'ouvriers hindous et de petits commerçants qui ont vécu côte à côte « en harmonie, pendant des années ». Cette vie pacifique s’est arrêtée brutalement le 26 août, lorsque son oncle est arrivé en courant du village voisin pour annoncer un meurtre.
Une multitude d’hommes masqués s’était introduite dans le village, massacrant un proche avant de mettre le feu aux maisons. L'avertissement arriva trop tard, le village de Nironjon était déjà encerclé. « Ils étaient armés de fusils, de couteaux et de cocktails Molotov », se souvient-il.
Leurs ravisseurs parlaient le birman et le rohingya, de sorte qu’il ne savait pas bien qui ils étaient. Ils ont gardé les villageois en otage pendant cinq jours, mais lorsque la nouvelle de violences dans un autre village a détourné leur attention, Nironjon et sa famille ont tenté leur chance : « Nous nous sommes enfuis et avons couru vers les collines, sans rien d’autre que les vêtements que nous portions. »
Maintenant au Bangladesh, entouré de survivants de son village dans la maison longue, il repense à leur situation au Myanmar. En tant que membre d'une minorité au sein d'une minorité elle-même persécutée, il se sentait « mal à l’aise » et « en danger ». « Dans la communauté hindoue, personne ne nous défendait. Nous ne sommes que de simples travailleurs. »
Après avoir atteint le Bangladesh, où la plupart des 500 000 réfugiés rohingyas nouvellement arrivés peinent à survivre dans des camps improvisés, les familles hindoues se sont plaintes de heurts persistants et d’actes de violence isolés. En réponse, le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, les a réinstallées à Hindu Para, où elles ont reçu un soutien et de l’assistance de la part du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires.
Dans ce hameau de petites maisons de briques d’argile aux toitures en paille de riz, des donateurs privés du Bangladesh et d'ailleurs leur sont venus en aide, avec une gentillesse qui constitue un bon remède aux violences et conflits sectaires qu'ils ont fuis.
Récemment, trois groupes émanant de religions différentes ont parcouru la piste boueuse avec de l'aide humanitaire. Un groupe musulman de la ville de Cox's Bazar, située non loin, a déposé un don de riz, de pommes de terre et de légumes. Un peu plus tard, des volontaires sikhs venus de l'État du Punjab, dans le nord de l'Inde, sont arrivés en camion avec des repas à base de lentilles, cuits dans de grands chaudrons au-dessus d'un feu de bois.
« S'ils souffrent, s’ils éprouvent de la douleur, nous ressentons leur douleur et nous y répondons. »
« Tous les êtres humains sont les mêmes pour nous. Peu importe qu'ils soient hindous, bouddhistes ou musulmans, » dit Harpreet Singh, un porte-parole de ce groupe qui fournit des repas chauds au Bangladesh depuis 10 jours. « S'ils souffrent, s’ils éprouvent de la douleur, nous ressentons leur douleur et nous y répondons. »
Les dons sont consignés par un représentant local du Conseil Bangladais de l'Unité des chrétiens, des hindous et des bouddhistes, puis distribués à ceux qui en ont besoin. Pour sa part, le HCR a effectué une deuxième livraison de matériel humanitaire à Hindu Para, veillant à ce que chaque famille de réfugiés ait à sa disposition des jerrycans, des bâches en plastique, des couvertures, des moustiquaires, des casseroles et des lanternes solaires.
A l'intérieur de la maison longue où la plupart sont logés, l’ambiance est sereine. Les poutres sont ornées des dons provenant d'organisations humanitaires et de donateurs privés. Cela a l’air ordonné, sec et relativement confortable. Des enfants utilisent de vieux tee-shirts pour nettoyer le revêtement en plastique du plancher. Alors qu’un semblant de vie normale reprend doucement, certains réfugiés commencent à se tourner vers l'avenir.
Le HCR appelle les autorités du Myanmar à mettre fin aux violences dans l'État de Rakhine afin que des solutions puissent être envisagées, y compris le retour des réfugiés. Mais Nironjon dit ne plus vouloir retourner dans son village, et avoir renoncé à récupérer ses biens. « Je ne serais pas en sécurité là-bas, mais peut-être à Rangoun », dit-il, faisant référence à l'ancienne capitale du Myanmar.
Onou, quant à elle, est indécise. Quand on lui demande ce qu'elle compte faire, elle vous retourne la question. « Est-il préférable pour nous de rester ou de rentrer ? Vous nous le dites », demande-t-elle. « Si nous retournons au Myanmar, ils nous massacreront à nouveau, ils nous tueront encore. »
Lassée d’appartenir à un petit groupe au sein d’une minorité déjà rejetée, les Rohingyas étant privés de nationalité et même de leurs droits fondamentaux par les autorités du Myanmar, elle aimerait se rendre en Inde, où plus des trois quarts de la population partagent sa religion.
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