Des déplacés iraquiens quittent le camp surpeuplé d'Arbat pour un nouveau site au Kurdistan d'Iraq
Des déplacés iraquiens quittent le camp surpeuplé d'Arbat pour un nouveau site au Kurdistan d'Iraq
ARBAT, IRAQ, 29 juin (HCR) - A 7h du matin, des équipes de travailleurs ont commencé à démonter les tentes à la périphérie du camp de déplacés près de Sulaymaniyah dans la région du Kurdistan iraquien. En une heure, les familles avaient empaqueté leurs possessions pour effectuer le court trajet en voiture vers le nouvel emplacement du camp, à seulement cinq kilomètres.
« Nous sommes tous prêts et nous attendons juste la permission de partir », a déclaré Asma, assise avec ses filles à l'ombre de la tente d'un voisin qui était encore en place. En face d'elle se trouvent les affaires accumulées ces derniers mois en tant que déplacés depuis leur domicile de Yithrib, Salaheddine : des tentes, des matelas de mousse, des sacs en plastique bourrés de vêtements, des marmites et des casseroles.
A cause de lenteurs bureaucratiques, les familles attendent encore trois heures supplémentaires. Toutefois, quand les températures au camp atteignaient 37 degrés Celsius juste avant midi, les effets personnels d'Asma et de sa famille ont été chargés dans un camion. Puis la famille a été transportée à bord d'un minibus pour le voyage.
Avec près de 3000 familles vivant dans un site conçu initialement pour 700 personnes, le camp de déplacés d'Arbat est l'un des plus surpeuplés d'Iraq. L'eau y est rare, la distribution d'électricité intermittente et les systèmes d'assainissement insuffisants. Dans certaines parties du camp, plus de cinq familles se partagent un seul WC.
Comme la plupart des camps accueillant désormais des Iraquiens chassés de leurs foyers par les combats entre les forces liées au Gouvernement iraquien et les militants, Arbat était initialement conçu en tant que camp de « transit » où seul un logement temporaire était fourni. Toutefois, comme la crise en Iraq entre dans sa deuxième année sans aucune solution politique ou militaire en vue, le gouvernement et les organisations humanitaires ont été forcés de chercher des solutions humanitaires à plus long terme pour plus de trois millions de personnes déplacées par les violences à travers le pays.
Afin de soulager la pression, le HCR et ses partenaires commencent à transférer les résidents dans des sites mieux équipés. L'un des premiers, connu sous le nom camp d'Ashti, a été récemment achevé et pourra accueillir jusqu'à 1000 familles.
Quand ce camp a été ouvert, des familles ont été transférées dans ce qui ressemble à un nouveau village. Au lieu d'être montées sur la terre battue, ici les tentes sont établies sur des fondations en béton. Le réseau de plomberie est souterrain et le câblage électrique sur des poteaux ponctue les allées à travers tout le camp.
« Honnêtement, ici c'est bien, nous nous sentons tellement mieux », explique Yacine, 35 ans, également originaire de la province de Yithrib, Salaheddine. En une après-midi, sa famille s'était déjà installée dans ce nouvel environnement. Derrière lui, sa femme rafistole des déchirures dans la toile de leur tente avec une aiguille et du fil. « Nous manquions de tout, tout était surpeuplé », déclare-t-il au sujet de la vie au camp de déplacés d'Arbat. Ici, il s'attend à une meilleure qualité de vie, mais il demeure également prudent : « C'est seulement notre premier jour ici aujourd'hui, nous sommes encore dans la phase de découverte. »
Les fonctionnaires du HCR espèrent que, non seulement, ce transfert va améliorer la vie des familles déplacées à Ashti, mais qu'il permettra également d'améliorer la vie à Arbat en ayant soulagé quelque peu la pression sur les ressources.
« Aujourd'hui, c'est une bonne journée », a déclaré Anne Dolan, chef du bureau du HCR à Sulayminayah. Alors que les premières familles étaient transférées vers Ashti, elle explique qu'au total 1000 familles seront transférées vers Arbat. « C'est bien pour les personnes transférées et c'est bien aussi pour le camp d'Arbat », ajoute-t-elle.
Alors que le camp d'Ashti fournit aux familles les installations nécessaires pour un séjour à durée indéterminée, les familles vivant dans ce camp expliquent qu'aujourd'hui, elles peuvent moins subvenir à leurs besoins qu'il y a un an lorsqu'elles venaient de fuir leurs maisons.
Yassin était agriculteur à Salaheddine. Depuis qu'il a fui avec sa famille en décembre dernier, il a épuisé ses économies de toute une vie et il n'a pas pu retrouver du travail. Il est donc entièrement dépendant des organisations humanitaires pour la nourriture, l'eau et les soins médicaux.
« Nous avions l'habitude de notre maison et de nos voitures », explique Yacine au sujet de sa vie dans son village d'origine. Depuis son arrivée à Sulayminayah, il déclare n'avoir pu trouver que quelques jours de travail en tant qu'ouvrier intermittent. Il explique n'avoir aucun espoir de reconstruire une nouvelle vie pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. « Mes terres se trouvent à Salaheddine. Ici, je dois louer ou acheter des terres et c'est impossible pour moi actuellement. »
L'expérience de Yacine reflète celle de nombreux déplacés iraquiens ayant trouvé refuge dans la région du Kurdistan iraquien. La main-d'oeuvre est surpeuplée du fait de la présence de réfugiés syriens ainsi que de déplacés iraquiens. La région est affectée par un ralentissement économique suite à des différends d'ordre budgétaire avec Bagdad ainsi qu'une baisse des prix du pétrole.
« [Pour que nous puissions] rentrer chez nous, l'Iraq doit devenir un pays régi par des lois », explique Yacine. Il indique que sa ville natale, Yithrub à Salaheddine, a été reprise aux militants par les forces loyales au Gouvernement iraquien il y a déjà plusieurs mois. Toutefois, il ne se sent pas encore suffisamment en sécurité pour rentrer car il ne fait plus confiance aux forces de sécurité iraquiennes pour le protéger. « Tout le monde se défend lui-même… les partis politiques, les milices, il n'y a plus de gouvernement central », déclare-t-il.
Tabarak, le frère de Yacine, hoche la tête pour exprimer son accord distraitement, tout en tapant sur un smartphone et en essayant de se connecter à Internet pour consulter sa page Facebook. Alors que la conversation était teintée d'espoir sur l'avenir, l'énergie de Yacine se dissipe et le désespoir s'installe.
« Bien sûr, si nous pouvions rentrer, nous le ferions », explique-t-il, « nous aimerions rentrer demain. »
Par Susannah George, en Iraq