Des Africains et des Asiatiques traversent l'Amérique latine dans leur itinéraire de migration
Des Africains et des Asiatiques traversent l'Amérique latine dans leur itinéraire de migration
MEXICO, Mexique, 10 novembre (HCR) - Yakpaoro appartient à une nouvelle tendance en Amérique du Sud. Ce réfugié originaire de Guinée vient grossir les rangs d'Africains et d'Asiatiques se dirigeant vers ce continent pour rejoindre les itinéraires de la migration mixte du sud vers le nord. Un grand nombre d'entre eux sont des réfugiés.
Les statistiques du HCR montrent que, cette année, entre cinq et 40 pour cent du total des demandes d'asile effectuées dans de nombreux pays d'Amérique latine ont été déposées par des personnes originaires d'Asie et d'Afrique. Dans le passé, ces pays accueillaient quasi exclusivement des réfugiés originaires de pays de la région, tout spécialement la Colombie.
Cette nouvelle tendance dans la région ainsi que les risques encourus par les personnes prises dans les flux migratoires - l'enlèvement, l'extorsion, le viol et d'autres graves violations des droits humains - seront passés en revue lors d'une importante réunion se déroulant jeudi à Brasilia sur la protection des réfugiés, l'apatridie et les mouvements migratoires mixtes dans les Amériques. Des responsables du HCR se joindront aux représentants de 20 pays lors de cette réunion facilitée par le Ministère brésilien de la justice.
Les participants passeront en revue les développements intervenus dans la région depuis la réunion de novembre 2009 au Costa Rica sur la protection des réfugiés et la migration internationale. La réunion de Brasilia lancera également les commémorations du 60e anniversaire du HCR dans les Amériques.
Un grand nombre des personnes, qui voyagent vers les pays d'Amérique du Sud depuis d'autres continents, souhaitent rejoindre l'Amérique du Nord, soit pour rejoindre des membres de leur famille soit pour améliorer leur situation économique. Toutefois, d'autres comme Yakpaoro, fuient la persécution ou le conflit dans leurs pays d'origine. Ces personnes relèvent de la compétence du HCR, tout spécialement car un grand nombre d'entre eux ne connaissent pas leurs droits en matière d'obtention du statut de réfugié.
Yakpaoro étudiait et se préparait à une carrière dans le cinéma ou la télévision lorsque la Guinée a été frappée par un coup d'Etat fin 2008. Le jeune homme a pris part aux manifestations, mais il a décidé de fuir après que les troupes de la nouvelle junte aient lancé une répression brutale sur ses opposants.
« Certains de mes amis ont également participé aux manifestations et ils ont été emprisonnés. Mon frère, qui était policier, a également été emprisonné. Je ne voulais pas gâcher mes chances », a-t-il expliqué. Yakpaoro a fui vers le Guatemala via Cuba et il a indiqué aux fonctionnaires des services de l'immigration qu'il recherchait un bureau du HCR pour obtenir des conseils et déposer une demande d'asile.
Ils lui ont dit qu'il n'y avait pas de bureau du HCR au Guatemala. Après avoir passé plusieurs jours à errer dans les rues de la ville de Guatemala, il a appris par d'autres étrangers francophones que le HCR avait des bureaux au Mexique. Comme de nombreux migrants et réfugiés avant lui, il a décidé de traverser la frontière.
Il a été détenu dans la ville frontalière mexicaine de Tapachula, où le HCR a enregistré plus de 1 000 dossiers de demande d'asile en 2003, soit environ 40 pour cent des demandes d'asile déposées au HCR pour tout le Mexique. Yakpaoro a demandé l'asile et il a obtenu le statut de réfugié après avoir passé 100 jours dans un centre de rétention de migrants.
Le Guinéen se sent désormais en sécurité. Toutefois, comme d'autres personnes originaires d'Asie ou d'Afrique, il est confronté à de nombreux défis au Mexique contrairement à d'autres demandeurs d'asile d'origine sud-américaine. L'obstacle le plus important est la maîtrise de la langue espagnole, essentielle pour trouver un emploi.
Il a commencé à suivre des cours d'espagnol, mais il a abandonné. « Je ne pouvais pas aller au cours et chercher un emploi en même temps », a-t-il indiqué, en ajoutant : « Je suis ici depuis quelques mois mais on m'a dit qu'il n'y avait pas d'emploi ici. » J'en ai conclu que « la vie en tant que réfugié est faite d'incertitudes. »
L'expérience n'est pas plus facile pour les personnes qui sont originaires de nations de l'Amérique latine et qui emprunte cet itinéraire couramment utilisé pour la migration mixte. Ils viennent grossir les rangs des personnes se dirigeant du sud vers le nord, aux côtés des personnes originaires de pays comme le Bangladesh, la République démocratique du Congo, l'Erythrée, l'Ethiopie, l'Iran, le Pakistan, le Népal, le Nigéria, Sri Lanka et le Soudan.
Monica, une Colombienne, a fui son pays et elle a fini par arriver au Guatemala après avoir été enlevée et torturée dans son pays par des membres d'un groupe irrégulier armé. Elle s'en est fallu de peu qu'elle ne passe le reste de sa vie en tant que prostituée. Elle a fui vers le Mexique avec sept autres migrants dépourvus de documents d'identité et elle a demandé le statut de réfugié avec l'aide du HCR après un coûteux voyage à pied de 15 jours avec des passeurs.
Yakpaoro et Monica ne sont que deux parmi de nombreuses personnes prises dans des flux migratoires et ayant un besoin en matière de protection internationale. Vingt pays avaient confirmé leur engagement pour aider ces personnes en signant le Plan d'action de Mexico en 2004, qui sera discuté et passé en revue durant la réunion de jeudi à Brasilia.
Fernando Protti Alvarado, le délégué du HCR au Mexique, a expliqué que les défis en matière de protection dans la région sont « relativement importants » et il a souligné qu'il était « crucial pour les autorités, particulièrement pour les fonctionnaires des services de l'immigration, d'identifier les demandeurs d'asile et les réfugiés présents au sein de mouvements plus larges de migration de masse. »
« Une fois que cet objectif sera atteint, nous soutiendrons les efforts du gouvernement pour protéger et répondre aux besoins spécifiques de groupes vulnérables, comme des enfants non accompagnés ou des femmes victimes de la traite d'êtres humains », a-t-il ajouté.
Le HCR travaille étroitement avec des partenaires de la société civile qui aident à identifier les demandeurs d'asile, en leur fournissant une aide juridique pro bono et en couvrant leurs besoins élémentaires. Une coopération est développée avec les médiateurs et les médias pour sensibiliser sur les droits des réfugiés, prévenir la discrimination et faire connaître les défis auxquels les réfugiés sont confrontés.
Par Mariana Echandi à Mexico, Mexique