Décès ou survie : Les témoignages de personnes évacuées après le typhon Haiyan
Décès ou survie : Les témoignages de personnes évacuées après le typhon Haiyan
CEBU, Philippines, 15 novembre (HCR) - Jane Ilagan savait que quelque chose ne tournait pas rond quand elle s'est aperçue que « la pluie avait un goût salé. » La forte marée - liée à la tempête qui a accompagné le typhon Haiyan dans les premières heures du 8 novembre - a inondé sa maison d'eau de mer et l'a poussée à fuir avec sa famille vers un lieu plus en altitude. Même là, l'eau lui arrivait encore jusqu'à la poitrine.
« Pendant sept heures jusqu'à ce que le niveau de l'eau redescende, nous avons dû lever les enfants pour qu'ils ne soient pas entièrement recouverts d'eau. Il faisait très froid et leurs lèvres devenaient noires », a expliqué cette mère d'un enfant et âgée de 33 ans, originaire de Guiuan. Sa ville est située dans le Samar oriental, au centre des Philippines. Cette province a été la première à avoir été frappée par le typhon dévastateur.
« Toutes les personnes qui vivaient près de la côte [à Guiuan] sont mortes », a expliqué Jane Ilagan. « J'ai de la chance d'être encore en vie. » Selon les Nations Unies, 11,8 millions de personnes ont été affectées par la catastrophe, y compris plus de 920 000 sans-abri. Les autorités estimaient jeudi le nombre de décès à plus de 3 600, mais ce nombre pourrait être plus élevé.
Walter Alvarez a failli mourir. Cet habitant de Tacloban, l'une des villes les plus durement frappées, est âgé de 23 ans. Il a retrouvé les corps sans vie de sa femme, sa fille et sa belle-mère quand l'eau s'est retirée. Deux autres de ses enfants sont portés disparus. Il a survécu car il s'est tenu à un cocotier. Il a serré l'arbre si fort qu'il s'est blessé aux bras et aux jambes. Une semaine après, les cicatrices disparaissent lentement.
Sa douleur d'avoir perdu des êtres chers est très vive. « Je ne peux pas supporter le chagrin et le traumatisme en restant à Tacloban », a-t-il indiqué, en expliquant la raison pour laquelle il avait décidé d'embarquer à bord du vol C130 de livraison d'aide géré par les militaires à Cebu il y a quelques jours.
A la fois Walter et Jane font partie des dizaines de personnes au centre de transit à Cebu pour les personnes évacuées par avion depuis des zones affectées par le typhon. Ici ils se sont enregistrés. Ils reçoivent des repas chauds et on leur a fourni des vêtements donnés par la communauté. Ils dorment dans le centre ou en plein air dans le jardin. Ils font la queue pour aller à l'un des deux toilettes disponibles.
Certains sont partis par leurs propres moyens mais beaucoup attendent une occasion de rejoindre Manille, la capitale des Philippines.
Jane a expliqué que sa famille élargie avait quitté Guiuan car les cocotiers étaient tous tombés. Pour les personnes qui comptent sur ces arbres pour tisser des matelas en tant que gagne-pain, les perdre veut dire perdre aussi son travail. Pour eux, c'est le moment d'aller voir ailleurs pour trouver les moyens de survivre.
« Nous n'avons pas d'argent pour aller à Manille par nos propres moyens », a indiqué Jane, qui se trouve au centre de transit de Cebu avec sa famille élargie depuis samedi. « Nous espérons que nous pourrons rejoindre Manille à bord d'un avion d'aide humanitaire. »
Walter soupire : « Je ne sais pas comment je vais y arriver tout seul. Je prévois d'aller à Manille et de recommencer une nouvelle vie. Peut-être qu'un jour, quand j'irai mieux, je retournerai à Tacloban. »
Le HCR travaille à Cebu pour coordonner la logistique de l'acheminement du matériel de secours pour les rescapés du typhon. L'organisation transporte par avion-cargo des tentes et des articles non alimentaires pour 80 000 personnes. Elle prévoit également de distribuer des lampes à énergie solaire pour renforcer la sécurité des femmes et des enfants vulnérables. En tant que co-chef de file, avec les autorités, du groupe de travail sur la protection dans le cadre de la réponse interagence à cette catastrophe naturelle, le HCR assure également une coordination et des prestations en matière de protection, en identifiant les personnes les plus vulnérables et en leur assurant l'accès à l'assistance et aux services essentiels.
Par Vivian Tan à Cebu, Philippines