De retour à Ramadi et à Fallouja, les déplacés mesurent l'ampleur de la tâche de reconstruction
De retour à Ramadi et à Fallouja, les déplacés mesurent l'ampleur de la tâche de reconstruction
RAMADI/FALLOUJA, Iraq – Ibrahim Khalil montre le bâtiment à moitié détruit qui était auparavant la maison de sa famille dans le quartier Al Aramil de Ramadi, à 110 km à l’ouest de Bagdad, la capitale iraquienne. « Notre maison était pleine de vie ; nous en étions très fiers et ne l’aurions échangée pour rien au monde », déclare-t-il.
Ce cultivateur et grutier de 25 ans a fui Ramadi il y a trois ans avec sa femme, sa mère et ses sœurs lorsque des groupes extrémistes sont arrivés dans la ville. Ils sont partis dans une telle précipitation qu’ils ont même laissé des documents et quelques économies dans leur maison.
La famille a passé les deux années suivantes dans un camp de déplacés à Bzeibiz mais quand le gouvernement a repris le contrôle de la ville début 2016, Ibrahim a pris le risque de rentrer prudemment pour évaluer l’étendue des dégâts.
« Toute la zone avait été piégée et nous avons dû payer des équipes de déminage pour nettoyer notre rue. Ils ont trouvé 13 engins explosifs ici même », explique-t-il en montrant sa maison dont la moitié a été détruite par des explosions de pièges du même type que ceux posés dans la maison du voisin qui n’est plus qu’un tas de ruines.
« Tous les meubles avaient été emmenés, l’argent, les documents… il ne restait plus rien », raconte-t-il. Une grande pièce est encore totalement démolie et une partie du toit est ouverte sur le ciel.
« Toute la zone avait été piégée et nous avons dû payer des équipes de déminage pour nettoyer notre rue ».
Ramadi a subi d’énormes dégâts pendant les mois de combats qui ont fait rage pour reprendre la ville. Même aujourd’hui, soit un an et demi après la fin de la bataille, une grande partie de la ville est toujours en ruines. Malgré les ravages, 62 000 familles déplacées – soit environ 370 000 personnes – sont rentrées pour s’atteler à la tâche de la reconstruction.
Les habitants indiquent qu’il y a eu peu de soutien extérieur pour les efforts de reconstruction, de nombreuses familles s’endettant fortement pour commencer à reconstruire leurs maisons.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que des ONG partenaires, ont aidé plus de 500 familles de Ramadi comme celle d’Ibrahim à effectuer des réparations dans leur habitation, pour une valeur maximale de 5000 dollars. Par ailleurs, 150 familles dont les maisons étaient totalement détruites ou inhabitables se sont vu allouer de robustes unités d’habitation pour réfugiés comme abris temporaires.
Dans le cas d’Ibrahim, l’aide du HCR lui a permis de replâtrer deux chambres, remplacer les fenêtres et portes cassées et rebrancher l’électricité. Mais beaucoup reste à faire. « La principale difficulté est le manque d’argent », explique-t-il. « Je veux terminer toutes les réparations dans la maison. Mon fils n’a que deux ans et demi et j’espère qu’il ne connaitra pas tous les problèmes et difficultés que nous avons traversés ».
Le tableau est similaire à Fallouja, située à environ 50 kms à l’est de Ramadi, en direction de la capitale iraquienne. Près de 400 000 habitants qui avaient été déplacés à cause des combats menés pour reprendre la ville aux mains des groupes armés sont rentrés depuis que l’opération militaire a pris fin il y a un peu plus d’un an.
Bien que les destructions infligées à la ville aient été moins sévères dans leur ensemble qu’à Ramadi, de nombreuses maisons ont été en partie détruites, pillées ou abîmées par le feu. A son retour il y a sept mois, Ammar Sajit Mutlaq, ancien chauffeur de taxi de 40 ans et père de six enfants, a retrouvé sa maison encore debout mais il a été anéanti en constatant que la bâtisse avait été incendiée.
« Une aide supplémentaire est nécessaire d’urgence pour les aider à reconstruire leurs maisons et leurs vies et à retrouver confiance dans l’avenir ».
« C’était une maison récemment construite ; tout était complètement neuf et nous avons tout perdu », raconte-t-il. Même aujourd’hui, une légère odeur de fumée persiste encore à l’intérieur et les murs intérieurs et le toit restent noircis par le feu. « Nous avons été anéantis. Nous étions si fiers de notre maison », ajoute Bahiya, la femme d’Ammar.
Le HCR a aidé Ammar et 600 autres familles de la ville à effectuer des réparations dans leur habitation, tandis que 443 autres se sont vu allouer des unités d’habitation temporaires. « Nous sommes très reconnaissants pour l’aide que nous avons reçue » déclare Ammar, en montrant les murs replâtrés, les nouvelles fenêtres et le toit réparé. « Nous n’aurions jamais pu payer tout cela nous-mêmes ».
Certains habitants de Ramadi et de Fallouja ont affirmé que des leçons pouvaient être tirées de leurs expériences pour les personnes déplacées pendant la bataille de Mossoul qui retournent actuellement chez elles. A Ramadi, dont les dégâts ont atteint le même niveau qu’à Mossoul, Ibrahim a donné ce conseil : « Soyez patients. Cela ne sera pas facile. Mais essayez de vous débrouiller seuls. Les choses seront difficiles mais tout ce qui a commencé doit avoir une fin ».
« L’Iraq fait encore face à d’énormes défis en raison de la crise massive de déplacements internes et de l’ampleur immense du travail nécessaire pour reconstruire les principales zones de conflit », explique le Représentant du HCR en Iraq Bruno Geddo.
« Alors que tous les regards sont tournés vers Mossoul, nous ne devrions pas oublier les difficultés auxquelles sont également confrontées les personnes qui rentrent dans leurs zones d’origine à Fallouja et à Ramadi. Une aide supplémentaire est nécessaire d’urgence pour les aider à reconstruire leurs maisons et leurs vies et à retrouver confiance dans l’avenir ».