De l'atelier de couture à la médecine ? lmpossible n'est pas roumain
De l'atelier de couture à la médecine ? lmpossible n'est pas roumain
Baia Mare, Roumanie, 20 octobre (HCR) - Kamal Saadik commence sa journée à cinq heures du matin par une brève séance d'entraînement, une pomme pour le petit-déjeuner et un trajet vivifiant à vélo vers son lieu de travail. Il travaille huit heures par jour debout à sa planche à repasser dans une usine de vêtements, au nord de la Roumanie.
Son lieu de travail est une grande salle remplie de plus de 50 travailleurs, qui peut sembler, pour le visiteur occasionnel, un labyrinthe surchargé de machines à coudre, de morceaux de tissu maniés rapidement et de planches à repasser, le tout dans un bruit assourdissant.
Toutefois, pour ce réfugié iranien âgé de 26 ans, cet atelier de couture est un havre de paix, un endroit qu'il peut appeler son chez-soi. « Ce lieu est agréable, propre et ensoleillé. J'y suis bien », explique-t-il debout devant sa planche à repasser et une grande fenêtre ouverte. Ses collègues de travail et les Roumains qu'il a rencontrés durant son voyage ont remplacé ses proches restés en Iran.
« Son travail n'est pas facile du tout », indique la responsable de Kamal, connue de tous sous le nom de Mother Mia. « Je ne sais pas comment il fait, mais il ne se plaint jamais et il a toujours un mot gentil pour les autres. Nous l'apprécions beaucoup. »
Pour preuve, l'hiver dernier, ses collègues lui ont fabriqué une couette chaude pour les nuits froides de la ville. « C'était mon cadeau de Nouvel An, le plus beau que j'ai reçu depuis longtemps », ajoute Kamal.
Pendant des années, Kamal n'avait plus aucune raison de sourire. Il décrit son pays natal, à l'ouest de l'Iran, dans un langage très imagé - ses montagnes majestueuses, ses sources cristallines, les terrasses sur le toit des maisons de pierre. Mais quand il en arrive aux événements l'ayant forcé à fuir en laissant derrière lui ses parents, les mots lui manquent. « Des choses sont arrivées et j'ai dû fuir », dit-il simplement.
Après un voyage périlleux à travers la Turquie et la Bulgarie, le jeune homme a trouvé la sécurité en Roumanie, où il a demandé l'asile. Il a obtenu le statut de réfugié il y a deux ans. Kamal a commencé sa nouvelle vie dans un centre d'accueil géré par les autorités roumaines à Somcuta Mare, une petite ville située près de la frontière.
La langue roumaine s'est avérée être le premier de nombreux défis. Lorsqu'il faisait ses courses dans une petite épicerie, Kamal devait montrer du doigt les produits dont il avait besoin, mais il s'est trouvé un allié en la personne d'un commerçant local. « Le commerçant me disait « c'est du pain, répète après moi, du pain. » C'est comme ça que j'ai appris mes premiers mots de roumain », se souvient Kamal, qui parle désormais couramment le roumain avec un accent local.
Depuis, il a recruté beaucoup d'autres « tuteurs ». Lors de son éducation formelle, l'un de ses professeurs était Anca Pascui. Elle explique que Kamal avait dû tout recommencer à zéro avec l'apprentissage de l'alphabet latin ainsi que de la langue roumaine.
Elle se souvient de Kamal comme étant très ambitieux. « Un jour, il m'a raconté sa première blague en roumain. La joie se lisait dans ses yeux qui semblaient me dire : 'Tes efforts n'ont pas été vains'. Ce fut un moment magique. »
L'ambition de Kamal ne se limite pas à sa planche à repasser dans une usine de vêtements. Son véritable rêve est de devenir médecin. Dans sa hâte de quitter l'Iran, il a laissé derrière lui tous ses documents prouvant qu'il avait terminé l'école secondaire. C'est ce qui l'a, jusqu'à présent, empêché d'entrer à l'université en Roumanie.
Mais, une fois de plus, la communauté roumaine est venue à son secours. Plus tôt cette année, son professeur de roumain, Anca Pascui, et les autorités locales ont collaboré pour aider Kamal à s'inscrire à un programme d'éducation pour adultes qui devrait être, à terme, une passerelle vers l'université.
Cela prendra peut-être plusieurs années pour qu'il réalise son rêve de devenir médecin, mais le jeune homme debout devant sa planche à repasser est convaincu qu'il y arrivera. « Si vous entretenez un rêve avec force et énergie, alors il devient réalité », dit-il avec conviction.
Par Gabriela Leu à Baia Mare, Roumanie