Dans les camps iraquiens, des Syriens cherchent un répit face aux épreuves de l'exil
Dans les camps iraquiens, des Syriens cherchent un répit face aux épreuves de l'exil
ERBIL, Kurdistan iraquien - Par un matin d'hiver dans la banlieue d'Erbil, Ahmed, un Syrien père de sept enfants, se prépare à déplacer sa famille encore une fois. Cette fois-ci, la situation est différente : depuis quatre ans qu'ils ont fui leur maison, la famille a demandé à être hébergée dans un camp de réfugiés.
« On a été si heureux quand on m'a appelé pour me dire qu’on allait maintenant être logés au camp », dit Ahmed, 46 ans. « Bien sûr, c'était une décision difficile. Je ne voulais pas m'installer dans un camp, mais les circonstances m’y ont contraint. Ici, on pourra être aidés, on n'a pas à payer de loyer et mes enfants peuvent de nouveau aller à l'école. »
« Ici, on pourra être aidés, on n'a pas à payer de loyer et mes enfants peuvent de nouveau aller à l'école. »
Le soulagement qu'a éprouvé la famille en apprenant son déménagement prochain au camp de réfugiés d'Erbil, construit et administré par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, offre un contraste saisissant avec les efforts qu'elle a déployés pendant les quatre dernières années pour vivre aussi normalement que possible, hors des camps.
En 2013, la famille a abandonné sa maison de Kobané, une ville du nord de la Syrie, peu de temps après des groupes armés assiègent la région. À son arrivée dans le Kurdistan iraquien, elle s'est d'abord installée à Makhmour, une ville située à environ 80 kilomètres au sud-est de Mossoul. Ahmed a réussi à trouver un travail de garde de sécurité dans une exploitation agricole mais, en 2014, la famille a de nouveau été obligée de fuir pour survivre quand des groupes armés ont pris le contrôle de la ville.
Pendant un an et demi, ils ont vécu dans un petit bâtiment en construction dans une exploitation agricole de la banlieue d'Erbil, la capitale du Kurdistan iraquien, où Ahmed, sa femme Ameera et deux de leurs fils étaient employés à récolter des salades. Chacun d'eux gagnait 7 USD pour une journée de huit heures, mais l'emploi était irrégulier et il leur arrivait souvent de ne pas avoir de travail pendant des jours d'affilée.
Alan, 22 ans, l’aîné de leurs fils, a trouvé à s'employer chez un concessionnaire automobile, à quelque 30 kilomètres de la maison. Quand il finit tard ou que le temps est trop mauvais, il lui est souvent impossible de rentrer chez lui et il doit alors dormir au travail où il n'a ni lit, ni nourriture.
Face aux siens, serrés les uns contre les autres dans une pièce sombre et froide, sans électricité, avec seulement un chauffage au gaz, Ahmed repensait aux bouleversements successifs qui avaient condamné ses enfants, jusque-là bons élèves, à devenir de futurs tâcherons.
« La vie en exil est très difficile. À Kobané, nous avions des amis, des amis d'enfance avec lesquels nous avions grandi ainsi que des parents aimés. Quand on est arrivé ici, on ne connaissait personne », raconte-t-il. On a dû se mettre à tout rationner, à se priver de nombreuses choses pour économiser de quoi payer le loyer et parfois, il a aussi fallu sauter des repas. »
« La vie en exil est très difficile… Quand on est arrivé ici, on ne connaissait personne. »
Avec l'enlisement du conflit syrien désormais dans sa sixième année, on compte plus de 228 000 réfugiés syriens dans le Kurdistan iraquien, une région productrice de pétrole qui a souffert de la chute des prix des hydrocarbures au cours des dernières années. La situation s'est encore aggravée du fait des différends budgétaires qui pèsent sur les Iraquiens comme sur les réfugiés.
Malgré l'accueil chaleureux réservé aux réfugiés syriens — dont plus de la moitié vit hors des camps — la détérioration de la situation économique a enflammé la compétition pour l'accès aux rares emplois disponibles, aux logements bon marché, à l'éducation et aux services de santé, et beaucoup se sont retrouvés incapables de faire face à l'augmentation du coût de la vie.
De ce fait, plus de 4300 familles syriennes de la région sont actuellement en attente d'une place dans un camp de réfugiés. Faute de disposer de terrains suffisants pour construire ou développer les camps, le HCR s'attache à identifier les familles les plus vulnérables afin de les reloger. Les familles inscrites sur les listes d'attente sont évaluées par les employés du HCR et une aide financière leur est apportée dans la mesure du possible en attendant de pouvoir les reloger.
Le HCR préfère malgré tout aider les familles à développer leur autosuffisance en dehors des camps. Son assistance prend notamment la forme d'allocations en espèces destinées à aider les individus vulnérables à couvrir leurs divers besoins au quotidien.
Pour Ahmed, c'est l'avenir des enfants qui a pesé le plus lourd dans sa décision de venir s'installer au camp avec sa famille. Faute de pouvoir payer les frais de transport, il a été obligé de les déscolariser pendant les quatre dernières années. Au camp, ils pourront de nouveau aller à l’école et il espère que la chance leur sourira et qu'ils pourront s'en sortir.
« Nous voulons rentrer chez nous mais l'insécurité est telle en ce moment que ce n'est pas possible. »
Ahmed et les siens sirotent leur thé en attendant la voiture qui les conduira au camp. Ils en profitent pour regarder les photos de leur ancienne vie en Syrie : les enfants dans leur uniforme scolaire, les sorties scolaires avec les amis, les promenades familiales dans Alep et leur beau jardin à Kobané.
Ahmed espère bien rentrer un jour à Kobané pour y reprendre leur existence d'antan mais pour le moment, il sait que le mieux à faire, c'est de se contenter de la sécurité relative que leur offre le camp.
« Bien sûr que nous voulons rentrer chez nous », dit-il. « Mais l'insécurité est telle en ce moment que ce n'est pas possible. Notre maison a été détruite, il ne reste que des gravats. Alors pour le moment, nous ne pouvons pas rentrer chez nous. Il n'y a pas de travail et pas d'avenir pour mes enfants. »