Au Tchad, la pêche est une bouée de sauvetage pour des réfugiés nigérians
Au Tchad, la pêche est une bouée de sauvetage pour des réfugiés nigérians
TAGAL, Tchad, 5 avril (HCR) - Remailler les filets, nettoyer les poissons et les disposer au-dessus du feu près du village de Tagal, au Tchad, rend à Abakar Garba Ibrahim sa dignité, selon ses propres termes.
« Accomplir ces tâches me donne l'impression d'avoir été sauvé des flammes », explique Abakar, qui a fui la violence au Nigéria l'année dernière. « Je passais mes journées à dormir, à ne rien faire et à attendre une aide. Aujourd'hui, je suis quelqu'un. »
Pêcheur de son état, Abakar a perdu son gagne-pain après que des militants de Boko Haram l'ont chassé de son village il y a plus d'un an. Il reprend pied au Tchad grâce à un projet financé par le HCR.
Abakar Garba Ibrahim a 16 enfants et deux femmes. Il fait partie des 100 réfugiés arrivés récemment du Nigéria qui ont la chance de pouvoir pêcher dans un camp près de Tagal, une petite collectivité située sur l'un des bras du lac Tchad, dans l'ouest du Tchad.
Pêcher est important pour l'économie régionale, l'activité fournissant les marchés locaux, en particulier le marché hebdomadaire populaire de Baga Sola, à une douzaine de kilomètres, et d'autres marchés dans le Cameroun, le Niger et le Nigéria voisins, dont les frontières convergent au lac.
Le projet, créé par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, de concert avec l'organisme à but non lucratif local Secours Catholique et Développement (SECADEV), a démarré en décembre avec des réfugiés du camp de Dar Es Salaam, situé au nord de Baga Sola.
Le programme vise à fournir aux réfugiés des permis de pêche, de petits bateaux et des filets de pêche respectueux de l'environnement qui permettent aux jeunes alevins de s'échapper et aident à préserver cette ressource importante, qui demeure un élément vital pour de nombreuses collectivités riveraines, en dépit des effets du changement climatique. Les réfugiés reçoivent une formation sur les bonnes pratiques en matière de pêche et de gestion, ainsi que sur les techniques de stockage du poisson.
Le projet procure aux participants de nombreux avantages. Il leur donne à manger, un revenu et quelque chose à faire, selon Lydie Navigue, responsable du bureau du HCR à Baga Sola.
« Il donne à ses cent bénéficiaires la possibilité de gagner de l'argent et de compléter l'aide alimentaire et non alimentaire qui leur est fournie », déclare Lydie Navigue. « Il apporte aussi un peu de normalité à leur expérience de réfugié, car ils peuvent prendre en main certains aspects de leur vie en faisant une activité qu'ils avaient l'habitude de faire avant de quitter le Nigéria. »
Abakar avait six bateaux et d'autres intérêts commerciaux au Nigéria. Aujourd'hui, il partage un bateau avec neuf autres pêcheurs réfugiés du camp de Dar Es Salaam, conformément à un planning qu'ils ont eux-mêmes établi.
Deux de ses fils l'aident au camp de pêche situé en bordure du lac, mais, comme d'autres réfugiés, Abakar a laissé le reste de sa famille au camp de Dar Es Salaam ; il leur rend visite de temps en temps.
« Seuls deux de mes garçons sont ici avec moi », dit-il. « C'est dur, mais c'est mieux ainsi, car l'école et le dispensaire sont dans le camp. Ici, les conditions sont difficiles, mais nous arrivons à nous en sortir. »
Un autre pêcheur réfugié, Omar Maikanti, profite aussi du projet. Alors qu'il vend ses prises sur la berge, il explique fièrement qu'il a gagné 2 000 nairas (la devise nigériane est utilisée en plus du franc CFA) et qu'il a envoyé la moitié de l'argent à sa femme au camp. « Je suis un bon mari, subvenant à nouveau aux besoins de ma famille grâce aux fruits de mon dur labeur », indique-t-il en souriant.
Par Ibrahima Diane à Tagal, au Tchad