Ruud Lubbers donne un aperçu des moyens de mieux gérer les problèmes de réfugiés dans l'Union européenne
Ruud Lubbers donne un aperçu des moyens de mieux gérer les problèmes de réfugiés dans l'Union européenne
LUXEMBOURG, 29 janvier (UNHCR) - Les pays de l'Union européenne peuvent améliorer la gestion des problèmes de réfugiés en s'appliquant à renforcer la protection dans les régions d'origine, à développer les capacités dans les pays de transit et à améliorer la qualité des systèmes d'asile de l'UE, a déclaré aujourd'hui le Haut Commissaire pour les réfugiés Ruud Lubbers.
M. Lubbers s'est exprimé ainsi lors d'une réunion informelle des ministres européens de l'intérieur, tenue samedi à Luxembourg. « Nous devons assurer aux réfugiés une protection et des solutions durables aussi rapidement que possible, a-t-il déclaré. En renforçant la protection dans les régions d'origine et veillant à ce que les réfugiés puissent y trouver des solutions, nous pouvons réduire l'éventualité de déplacements secondaires. »
Le Haut Commissaire a indiqué qu'il faudra pour cela disposer de ressources accrues et établir une coordination plus étroite entre les ministères de l'intérieur, des affaires étrangères et du développement ainsi qu'avec la Commission européenne.
Il a noté que malgré la diminution du nombre de réfugiés dans le monde - ils sont aujourd'hui un peu moins de 10 millions, soit la moitié environ de ce qu'ils étaient il y a 10 ans - il y a encore trop de problèmes de réfugiés qui se posent de longue date.
« Nous comptons 38 situations de réfugiés prolongées dans le monde, qui touchent plus de six millions de personnes. Dans une situation de ce genre, les réfugiés sont dans l'incertitude. Certes, leur vie n'est pas toujours menacée, mais leurs droits fondamentaux ne sont pas réalisés et leurs besoins essentiels ne sont pas satisfaits. Ils dépendent de l'aide extérieure et n'ont aucune perspective de solution durable. »
M. Lubbers a cité le cas de l'Afghanistan - le pays d'origine du groupe le plus important de demandeurs d'asile en Europe en 2001 - comme un exemple de la manière dont un effort concerté dans la région d'origine peut contribuer à réduire les flux de populations vers l'Europe. « Il existe indéniablement un lien entre la forte baisse du nombre de demandeurs d'asile afghans en Europe et le retour massif en Afghanistan », a-t-il déclaré.
M. Lubbers a relevé que l'amélioration des conditions de l'asile dans les pays de transit - les pays que traversent les réfugiés et les migrants économiques pour arriver en Europe - serait, elle aussi, de nature à réduire les mouvements secondaires. « Mais il faudra du temps. Je conseille donc vivement de s'abstenir de déclarer, dans la précipitation, ces pays comme sûrs, en l'absence de garanties de protection acceptables. »
Il a aussi commenté la question, négligée, de l'interception en mer, qui a déchaîné les passions dans certains pays de l'UE au cours l'été et de l'automne 2004 : « Nous devons mettre au point un ensemble de dispositifs de partage des responsabilités pour traiter de façon équitable les cas des personnes interceptées ou sauvées en mer. Il y aura parmi elles des demandeurs d'asile et des réfugiés. Il est important de disposer d'un dispositif efficace pour déterminer leur statut et trouver des solutions durables - y compris à travers la réinstallation. »
Au sujet de la réinstallation - un système par lequel les réfugiés ayant un problème particulièrement urgent ou insurmontable dans le pays de premier asile sont emmenés vers une vie nouvelle dans un pays tiers - M. Lubbers a souligné que « les pays d'immigration » (Australie, Canada, Etats-Unis et Nouvelle-Zélande) avaient proposé l'an dernier des places de réinstallation pour jusqu'à 100 000 réfugiés, alors que l'Europe dans son ensemble n'en avait proposé que 4 700.
S'appuyant sur ce qu'il avait déjà dit quant aux multiples avantages qu'il y a à consacrer des ressources accrues à l'amélioration de la protection dans les régions d'origine, il a déclaré, « nous devons peu à peu aller vers davantage de réinstallation et moins de mouvements clandestins.... Avec le temps, la disponibilité d'une telle voie d'accès à l'Europe pourrait contribuer à atténue la pression des arrivées spontanées. Bien sûr, cela sera d'autant plus le cas si les voies de la migration économique sont elles aussi ouvertes ».
Le Haut Commissaire a ensuite évoqué les systèmes d'asile de l'UE, dont « les dimensions internes et externes sont inextricablement liées ».
Depuis que l'UE a engagé son processus d'harmonisation des lois et pratiques de l'asile en 1999, le nombre des demandeurs d'asile a fortement chuté. « Cette évolution élimine en grande partie les pressions que les gouvernements ont subi ces dernières années, et qui ont favorisé des politiques et des pratiques parfois difficilement compatibles avec les normes de la protection des réfugiés », a-t-il relevé avant de mentionner trois domaines essentiels auxquels l'UE doit, selon l'UNHCR, consacrer de l'attention.
Au sujet de la qualité et de la cohérence dans la prise de décisions relatives à l'asile, M. Lubbers a déclaré : « il me semble inacceptable que le même demandeur d'asile - un tchétchène par exemple - n'ait pratiquement aucune chance de trouver une protection dans tel Etat membre, ait 50 % de chance d'y parvenir dans un autre et près de 100 % dans un troisième. »
M. Lubbers a évoqué l'absence de système de partage des responsabilités lorsqu'un Etat de l'UE assume une trop lourde charge : « Je crains qu'il soit difficile de maintenir des normes élevées de protection dans un système qui transfère la responsabilité aux Etats situés aux frontières de l'UE, parmi lesquels beaucoup ont une capacité d'asile limitée. »
Il a en outre demandé que l'intégration bénéficie d'une attention considérablement accrue et a salué l'adoption des principes d'intégration alors que les Pays-Bas assuraient, récemment, la présidence de l'UE.