Au moins 100 personnes seraient mortes ou portées disparues, suite à la dernière tragédie de la traite d'êtres humains au Yémen
Au moins 100 personnes seraient mortes ou portées disparues, suite à la dernière tragédie de la traite d'êtres humains au Yémen
Le 26 mars 2007
GENEVE - Au moins 29 personnes sont mortes et près de 71 autres sont portées disparues après que des passeurs, couteaux à la main, aient forcé quelque 450 Somaliens et Ethiopiens à sauter dans des eaux démontées le long des côtes yéménites, a indiqué ce jour l'agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Cet incident, le plus récent d'une série de tragédies impliquant des bateaux de passeurs transportant des personnes à travers le Golfe d'Aden depuis la Somalie, s'est produit jeudi dernier, le long d'une bande reculée de la côte yéménite, à Ras-Alkalb. Cela porte à 262 le nombre total de morts et de disparus cette année au Yémen.
« Nous sommes horrifiés par cette dernière tragédie », a indiqué la Haut Commissaire assistante pour la protection Erika Feller, qui rentrait à peine d'une mission de cinq jours au Yémen, destinée à passer en revue les opérations de l'agence dans le pays. « Ces trafiquants brutaux se moquent du sort des personnes qui sont leur proie - à la fois des réfugiés et des migrants illégaux désespérés qui tentent de fuir les persécutions, la violence et la pauvreté dans la Corne de l'Afrique. »
Certains des 293 survivants et d'autres témoins ont expliqué que quatre bateaux de passeurs transportant 450 passagers s'étaient approchés de la côte jeudi matin très tôt, dans une mer agitée et traversée de forts courants. Les passeurs ont forcé leurs passagers à sauter par dessus bord alors qu'ils étaient encore loin du rivage. Certains survivants ont dit que ceux qui résistaient avaient été poignardés et passés à tabac avec des massues en bois et en métal, puis jetés dans les eaux. Certains ont ensuite été attaqués par des requins. Plusieurs des corps qui ont été récupérés portaient de graves signes de mutilation.
Les survivants ont également raconté que plusieurs femmes éthiopiennes et au moins une Somalienne avaient été violées et abusées par les passeurs pendant la traversée depuis Bossasso, dans la région somalienne du Puntland. Toujours selon les rescapés, des agents faisant partie des forces de sécurité yéménites auraient confisqué leur argent, une fois arrivés à terre.
Les autorités estiment que 74 Ethiopiens et 26 Somaliens sont morts ou portés disparus. Un autre groupe de 57 Ethiopiens se serait rapidement dispersé une fois arrivé sur les côtes, craignant d'être détenu par les forces de sécurité.
Les 293 survivants qui restaient ont été emmenés au centre de réception de l'UNHCR de Mayfa'a, où on leur a prodigué des soins médicaux et l'assistance nécessaires.
Selon les chiffres de l'UNHCR, quelque 26 000 personnes ont fait la traversée périlleuse du Golfe d'Aden en 2006, et au moins 330 y ont perdu la vie ; près de 300 autres personnes seraient mortes ou portées disparues. Depuis le début de cette année, près de 4 400 personnes ont accosté sur le territoire yéménite et au moins 166 ont perdu la vie. Nombre de gens sont portés disparus. Deux bateaux supplémentaires avec à leur bord 330 Somaliens et Ethiopiens sont arrivés au Yémen samedi, mais il n'y aurait pas eu de victimes.
Cette dernière tragédie a eu lieu juste après la mission au Yémen d'Erika Feller, la Haut Commissaire assistante, et de Radhouane Nouicer, le directeur du bureau de l'UNHCR pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Durant cette visite, les deux représentants de l'UNHCR et les autorités yéménites ont convenu de renforcer leur coopération pour soulager le sort des populations mixtes, composées de réfugiés et de migrants irréguliers arrivant au Yémen. L'UNHCR, qui gère un centre de réception et un camp de réfugiés au Yémen, va lancer un appel de fonds supplémentaire et demander une action de la communauté internationale pour aider le Yémen à gérer cette crise. Cela permettra à l'organisation de mettre en oeuvre davantage de projets pour améliorer les conditions de vie et l'autosuffisance des réfugiés au Yémen. L'UNHCR a proposé son soutien aux autorités yéménites pour gérer les flux migratoires mixtes de façon à s'assurer de la protection et de la recherche de solutions durables pour ceux qui en ont besoin, et à organiser le retour chez eux dans la sécurité de ceux qui n'en ont pas besoin.
L'UNHCR et d'autres organisations travaillent aussi dans la région de la Corne de l'Afrique pour encourager les autorités à sévir contre la traite d'êtres humains et pour sensibiliser la population aux dangers de recourir à des passeurs pour traverser le Golfe d'Aden. Mais Erika Feller a indiqué que la communauté internationale devra être beaucoup plus impliquée pour améliorer les conditions dans les régions d'origine.
« Nous ferons tout notre possible pour répondre aux besoins humanitaires et de protection. Toutefois, nous craignons que tant que les causes de la pauvreté, de la persécution et du conflit ne seront pas traitées, des personnes désespérées qui n'ont plus rien à perdre continueront à risquer leur vie », a-t-elle indiqué.