Le Haut Commissaire demande des solutions durables aux problèmes des réfugiés dans le monde
Le Haut Commissaire demande des solutions durables aux problèmes des réfugiés dans le monde
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Ruud Lubbers, a lundi prévenu que l'incapacité de la communauté internationale à trouver des solutions durables aux problèmes de millions de réfugiés les pousse toujours davantage à avoir recours aux trafiquants d'êtres humains et provoque une vague croissante de xénophobie et d'intolérance dans les pays d'asile.
A l'ouverture de la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR, qui se déroulera sur une semaine, M. Lubbers a, devant les 57 membres du Comité, souligné que trop de réfugiés de par le monde languissent sans fin dans des camps et que notre incapacité à trouver des solutions à leurs problèmes nous rend tous « coupables de leur dégradation ».
« Cette situation peut aussi entraîner une hausse de la criminalité et renforcer la menace de nouveaux conflits ou d'instabilité » a jugé le Haut Commissaire.
« Nous devons nous garder de laisser le champ libre à un état des choses où toujours plus de situations sont irrésolues, plus de réfugiés languissent dans des camps, plus de réfugiés s'en remettent à des mécanismes extrêmes dans leur recherche de sécurité et d'un avenir meilleur et plus de réfugiés se font exploiter par les réseaux criminels. »
Déclarant que la protection des réfugiés, en l'absence de solutions durables, n'est pas une « réelle protection », M. Lubbers a indiqué que le HCR et la communauté internationale devaient davantage concentrer leurs efforts sur le rapatriement volontaire, l'intégration locale dans le premier pays d'asile ou la réinstallation dans un pays tiers.
« Les entrées clandestines et la traite d'êtres humains sont en hausse », a déclaré M. Lubbers. « Les voies d'arrivée légales se trouvant fermées, nombre de réfugiés n'ont d'autre choix que d'avoir recours à des trafiquants pour trouver un refuge, malgré les dangers et le coût que cela représente. D'autres migrants se font passer pour des réfugiés afin de surmonter les barrières d'immigration. Résultat : les réfugiés sont souvent mal perçus par l'opinion publique. Pour y remédier, les gouvernements doivent trouver les moyens de traiter les demandes d'asile plus rapidement et plus équitablement, et les hommes politiques et les habitants des pays d'accueil doivent éviter les stéréotypes sur les demandeurs d'asile, les formules telles que 'faux ', 'bidons' ou même 'criminels'. »
Le Haut Commissaire a aussi regretté la « vague croissante de xénophobie et d'intolérance » suite aux attentats du 11 septembre dernier et prévenu que la lutte contre le terrorisme ne doit pas se transformer en guerre contre les Afghans ou contre l'Islam. Aucun peuple, aucune région ni aucune religion ne doit être condamnée à cause des actes innommables de quelques individus.
« Les réfugiés et les demandeurs d'asile sont déjà l'objet de méfiance et d'hostilité et ils sont particulièrement vulnérables dans le climat qui prévaut actuellement. Méfions-nous de ces politiciens qui se vantent de défendre l'intérêt public mais ne font en fait qu'exploiter les instincts racistes des populations. Nous devons tous faire de la lutte contre la xénophobie une priorité. »
Les Afghans, a noté le Haut Commissaire, sont particulièrement vulnérables.
« Même avant les actes barbares du 11 septembre, les Afghans constituaient déjà la plus grande population réfugiée au monde, avec quelque 4 millions de réfugiés répartis entre le Pakistan, l'Iran et une multitude d'autres pays », a-t-il déclaré. « Une guerre contre le terrorisme ne doit pas se transformer en guerre contre les Afghans. Ni en guerre contre l'Islam. »
Selon M. Lubbers, les attaques terroristes ainsi que la crise humanitaire qui se déploie en Afghanistan et dans les pays voisins « nous rappellent que les situations d'urgence sont difficiles à prédire ». Tandis que les difficultés budgétaires forçaient cette année le HCR à entreprendre des coupes importantes dans son budget et son personnel, l'agence doit toujours être prête, a-t-il dit, à réagir aux nouvelles crises.
« Nous préparons une vaste opération d'assistance » a-t-il déclaré en référence à la situation d'urgence en Afghanistan et au plan d'urgence du HCR prévoyant l'arrivée possible de 1,5 million de réfugiés dans les pays voisins de l'Afghanistan. « J'espère que les donateurs réagiront positivement à notre appel de 268 millions de dollars pour couvrir les six prochains mois. »
En d'autres points du globe, les réfugiés et les demandeurs d'asile font aussi la une des médias depuis plusieurs mois - de l'Afrique de l'Ouest à la France, des Balkans au pont d'un cargo norvégien surchargé de demandeurs d'asile, au large de l'Australie.
« Chacune de ces situations a illustré la gravité du problème des réfugiés », a dit M. Lubbers, qui a pris ses fonctions en début d'année. « Chacune a aussi illustré le besoin, pour le HCR, de s'adapter à un contexte politique mondial en évolution - mais une évolution dans le sens d'un durcissement. »
« De nombreuses menaces nous guettent », a-t-il continué. « Par exemple, les interprétations restrictives de la Convention de 1951 sur les réfugiés ; la détérioration des conditions d'asile ; les coûts élevés engendrés par les réfugiés et le fardeau qu'ils constituent - surtout lorsqu'une situation se prolonge, sans qu'une solution ne se fasse jour - ainsi que l'abus du droit d'asile. »
C'est dans ce contexte que le HCR a l'année dernière lancé les Consultations mondiales sur la protection internationale, afin de promouvoir l'application entière et effective de la Convention de 1951 et de développer de nouvelles approches, de nouvelles normes et de nouveaux outils pour assurer que les réfugiés reçoivent et bénéficient de la protection et des solutions durables qu'ils méritent. La première réunion jamais organisée entre les Etats parties de la Convention de 1951 est prévue pour décembre à Genève.
M. Lubbers a mentionné d'autres défis que doit confronter le HCR, comme la sécurité du personnel - un aspect tragiquement mis en évidence par l'assassinat, au cours de l'année passée, de cinq employés du HCR sur le terrain. La gestion des « flux migratoires mêlés », où réfugiés, demandeurs d'asile et autres migrants se mélangent, ainsi que les migrations à « motifs multiples », provoquées par une combinaison de raisons politiques, économiques et autres, représentent d'autres grands défis.
Pour relever tous ces défis, a-t-il poursuivi, le HCR a besoin d'une source de financement stable, soulignant que cette année l'organisation a dû réduire son personnel de 16 % et son budget de près de 10 % afin d'ajuster ses dépenses au revenu anticipé. Le HCR s'occupe de 21,7 millions de personnes dans le monde avec un budget de $882 millions de dollars, à l'exclusion de la nouvelle urgence en Afghanistan.
« Notre budget actuel équivaut à moins de 40 dollars par année et par personne relevant de la compétence du HCR. Cette somme est considérablement inférieure à celle dont nous disposions au cours des années précédentes. Je considère ce budget comme un strict minimum.... S'il y a des gouvernements qui estiment que le HCR peut faire convenablement son travail avec moins d'argent, j'aimerais bien qu'ils m'expliquent comment. »