La protection des réfugiés n'est pas un choix mais un devoir humanitaire, plaide la directrice de la protection du HCR
La protection des réfugiés n'est pas un choix mais un devoir humanitaire, plaide la directrice de la protection du HCR
GENEVE, 5 octobre (UNHCR) - L'UNHCR s'efforce de protéger des millions de réfugiés et de personnes déplacées dans un environnement de plus en plus hostile, caractérisé par la violence, des atteintes répétées aux droits de l'homme et la diminution de la générosité des pays traditionnellement hospitaliers, a dit mercredi Erika Feller, directrice de la protection internationale à l'UNHCR.
Erika Feller a expliqué aux représentants des 68 nations qui font partie du Comité exécutif de l'agence, son organe directeur, que de « nombreux obstacles » - dont la plupart ne peuvent être réduits, et encore moins éliminés par l'agence - empêchent de fournir une protection efficace à des millions de personnes déracinées.
Lors de la présentation de sa note annuelle sur la protection internationale, Madame Feller a cité de nombreux exemples.
« Le contexte de la protection en 2005, c'est par exemple celui du banditisme et des meurtres dans le camp de réfugiés de Lukole, dans l'ouest de la Tanzanie. C'est aussi une détérioration notable de la sécurité au Darfour : la dernière attaque meurtrière, la destruction du camp pour déplacés internes d'Aru Sharow, a entraîné la mort de 30 personnes ; 10 personnes ont été gravement blessées », a-t-elle dit le troisième jour de réunion de la session annuelle du Comité exécutif, qui durera 5 jours.
« Mais c'est également l'arrestation arbitraire d'avocats que l'UNHCR avait encouragés à défendre des causes telles que celles des femmes du Darfour : violées, enceintes, elles ont été emprisonnées car le système refuse de reconnaître ce crime pour ce qu'il est », a-t-elle ajouté.
« C'est également l'assassinat de sang-froid de jeunes garçons en Colombie par des groupes armés irréguliers, dans le but d'intimider les communautés qui fuient la violence et l'insécurité. Ce sont aussi ces corps en état de décomposition qui échouent sur les plages de la Méditerranée et du golfe d'Aden, dont certains avec les poings liés pour qu'ils ne puissent s'échapper, pas même de la noyade. Ce sont enfin des témoignages bouleversants de personnes à qui on a refusé l'entrée dans un pays où ils résidaient précédemment et qu'on a empêché de rentrer sur le territoire où ils étaient nés, où ils avaient grandi et vécu, simplement parce qu'ils ont été déclarés apatrides. »
« Les mauvais traitements infligés aux enfants, la violence contre les femmes, le refoulement des réfugiés et les restrictions de certains droits fondamentaux, comme la liberté de mouvement, prennent des proportions énormes dans beaucoup de situations d'exode » a-t-elle déclaré. « On a assisté à des progrès notables dans la mise en place de systèmes d'asile dans un certain nombre de pays d'accueil, mais d'autres ont renforcé leurs contrôles par peur des terroristes et à cause du phénomène de plus en plus complexe de l'immigration. A de nombreuses reprises, les réfugiés ont été pris pour des criminels, des « terroristes potentiels » ou des immigrés illégaux dont la protection importe peu ... »
Dans cet environnement complexe, l'UNHCR accorde une importance primordiale au renforcement du caractère opérationnel de son travail de protection à tous les niveaux et veille à remplir son mandat. S'adressant ce lundi au Comité exécutif, le Haut Commissaire António Guterres a souligné dans son discours d'ouverture que la mission principale de l'UNHCR consiste à protéger les réfugiés et que l'ensemble de son personnel doit assumer cette responsabilité. Plus de 6 000 employés de l'UNHCR, déployés dans le monde entier, assistent quelque 19 millions de réfugiés et autres personnes qui relèvent de la compétence de l'agence.
Madame Feller a répété que la protection n'est pas un choix, mais un devoir humanitaire : les gouvernements ne doivent pas considérer l'octroi de l'asile comme un acte hostile.
« Les Etats ont confié [à l'UNHCR] un mandat très spécifique de protection qui ne permet pas de tergiversations quant à son application : il est obligatoire et non à la discrétion des Etats » a-t-elle déclaré. « Nous comprenons que, dans certains cas, l'application par l'UNHCR de ses responsabilités soit gênante pour certains gouvernements. C'est pourtant inhérent à notre mandat, qui impose que nous ne nous bornions pas à fournir de l'aide et des conseils techniques, mais que nous intervenions pour défendre les droits des réfugiés lorsque ceux-ci sont menacés, y compris lorsque la cause en est l'inaction, l'incompétence ou les actes délibérés des acteurs concernés de l'Etat. L'UNHCR intervient de façon humanitaire, apolitique, en tant qu'agent de la communauté internationale. Le jugement que nous portons s'arrête à la situation de certaines personnes qui réclame une protection. Les Etats ont déclaré de façon formelle - dans la Convention de 1951 - que l'octroi de l'asile ne peut être considéré comme un acte hostile. C'est un devoir humanitaire. »
Même si l'UNHCR ne peut contrôler nombre de ces obstacles extérieurs, Madame Feller a expliqué que l'agence était en train de mettre en oeuvre une série de réformes internes pour s'assurer que la protection fait partie intégrante de toutes les opérations de l'UNHCR. Cela passe notamment par une attention renouvelée à la formation et un renforcement des effectifs et des ressources, afin d'assurer davantage de solutions durables, en particulier la réinstallation de réfugiés.
Elle a également déclaré que l'UNHCR s'efforce d'améliorer la qualité et la régularité de ses activités de détermination du statut de réfugié - la procédure par laquelle les personnes qui ont besoin d'une protection internationale sont identifiées. Certains Etats ont parfois remis en cause le droit de l'UNHCR de participer à la détermination du statut. Madame Feller a souligné que la détermination du statut de réfugié, ou DSR, fait partie du mandat de l'agence, et qu'elle l'accomplit actuellement dans plus de 80 pays. En outre, a-t-elle ajouté, l'UNHCR a au moins un rôle de conseil ou est consulté dans les 102 autres pays qui ont leurs propres procédures de DSR.
« L'UNHCR a la compétence de fournir une protection internationale aux réfugiés et de déterminer les personnes éligibles pour recevoir une telle protection. Cette compétence est indépendante de l'obligation des Etats de fournir une protection internationale selon la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 » a-t-elle déclaré. « Le mandat de l'agence s'inscrit dans un statut qui n'a pas de limites géographiques : il s'applique dans tous les Etats, signataires ou non. Il est évident que l'UNHCR peut difficilement mener à bien sa mission de protection, si les réfugiés ne sont pas identifiés comme tels. »