Quelles solutions durables pour les réfugiés en Afrique du Sud ?
Quelles solutions durables pour les réfugiés en Afrique du Sud ?
Depuis quelques années, les demandes de réinstallation ont augmenté de façon spectaculaire en Afrique du Sud. Pour les personnes qui ne peuvent être réinstallées, des solutions de protection sont proposées au niveau local. Ilija Todorovic, Responsable du programme de réinstallation pour l’Afrique Australe, a récemment expliqué lors d’un entretien, comment le HCR propose des solutions durables aux réfugiés souvent victimes de la xénophobie.
Pouvez-vous présenter le programme de réinstallation ?
Depuis le commencement du programme de réinstallation du HCR en 2008, le Bureau régional de l’Afrique australe s’emploie activement à répondre aux besoins de protection des réfugiés et à les aider à trouver des solutions durables. La réinstallation s’applique aux cas pour lesquels un rapatriement volontaire ne peut être envisagé et où l’intégration sur le territoire local est impossible pour des raisons de protection ou de sécurité.
Depuis quelques années, les demandes augmentent de manière dramatique. En 2008, nous avions présenté les candidatures de 1 267 personnes pour l’Afrique australe (principalement l’Afrique du Sud, la Zambie et le Malawi), l’année dernière nous sommes passés à 4 283 ! En tout, depuis 2008, le programme de réinstallation a permis d’évacuer près de 28 000 réfugiés depuis l’Afrique australe vers les États-Unis, le Canada, l’Australie ou l’Europe.
Quelle est la situation en Afrique du Sud ?
L’Afrique du Sud a joué un rôle important ces huit dernières années, car elle accueille un nombre très élevé de réfugiés (principalement des Congolais, Somaliens, Burundais, Érythréens et Rwandais). Malheureusement, et malgré les efforts du gouvernement, ils sont confrontés à de très graves problèmes liés à des attaques xénophobes. Pour cette raison, c’est le principal pays d’Afrique australe depuis lequel nous avons présenté des candidatures pour la réinstallation. L’année dernière, quelque 1 431 personnes sont parties depuis l’Afrique du Sud vers d’autres pays.
Où sont réinstallés ces réfugiés ?
De 2008 à 2016, les États-Unis ont accueilli 61% de nos demandes, le Canada 14%, l’Australie 9%, la Finlande 3%, le Danemark 2%, la Suède 2% et la France moins de 1 %... Cependant, il y a une nette progression pour la France, qui a accueilli l’année dernière plus de cas que sur l’ensemble de ces huit dernières années ! Nous nous en réjouissons, car une large majorité de nos réfugiés viennent de la République démocratique du Congo et sont donc francophones…
Combien de cas sont réinstallés en France ?
Nous avons un petit quota de réfugiés réinstallés en France, mais c’est très loin d’être la majorité ! En général, ce sont des cas avec des besoins spécifiques ou particulièrement urgents, car le processus est très rapide pour la France, ou des cas qui nécessitent des soins médicaux particuliers… Les raisons de leur départ sont toujours quantifiables et justifiables. Par exemple, sur les 4 283 cas présentés l’année dernière dont je vous parlais, seules 42 personnes sont aujourd’hui en France.
Y a-t-il d’autres alternatives ?
Pour l’Afrique du Sud, la réinstallation n’est pas considérée comme une solution à privilégier de manière globale mais réservée à des cas très précis, qui sont extrêmement vulnérables. Avant de proposer leurs dossiers à la réinstallation, nous essayons de mettre en place d’autres solutions de protection au niveau local. Nous avons développé depuis 2012 une équipe pluridisciplinaire, qui va sur le terrain pour essayer d’identifier les personnes ayant des besoin de protection. Nous déterminons ensuite quel type d’aide est la plus adaptée : une protection physique ? sociale ? légale ? Grâce à une collaboration efficace avec nos différents partenaires, nous ne nous limitons pas aux cas qui se présentent spontanément dans nos bureaux de terrain, mais nous allons à la rencontre de ces communautés, et nous tenons vraiment à développer cet aspect.
Enfin, les personnes avec des besoins spécifiques, qui ne peuvent pas être protégées ou dont la protection a échoué au niveau local - principalement des survivants d’attaques xénophobes en ce qui concerne l’Afrique du Sud -, sont identifiées pour la réinstallation. Moins de 1% des réfugiés en bénéficient, c’est donc une sélection très stricte, basée sur des preuves objectives et un processus réfléchi sur lequel nous sommes complètement transparents.
Quels sont les critères pour déterminer les cas avec des besoins spécifiques ?
Nous vérifions d’abord le statut de ces personnes car seules celles reconnues comme réfugiées peuvent bénéficier de la réinstallation. Puis nous regardons, si ces familles peuvent ou non effectuer un retour volontaire et comment se passe l’intégration locale. Nous évaluons ensuite si le cas correspond aux critères pour la réinstallation, qui sont au nombre de sept :
- Survivants de violences ou de tortures
- Femmes en situation de vulnérabilité
- Enfants et adolescents en situation de vulnérabilité
- Absence de perspective d’intégration locale
- Besoin de protection légale ou physique
- Besoins médicaux
- Réunification familiale
Quels types d’aides sont donnés aux réfugiés une fois réinstallés ?
Ça dépend du pays d’accueil et de sa politique d’intégration, puisque ce sont les pays d’accueil, qui financent tout le processus de réinstallation. Les plus généreux sont probablement les pays nordiques, qui mettent beaucoup de moyens pour un accueil très fonctionnel. D’autres pays considèrent qu’il faut aider les réfugiés pendant seulement une ou deux années, après quoi ils sont supposés se débrouiller. Au Canada par exemple, il y a un suivi très poussé pendant deux ans, mais après, les réfugiés doivent être indépendants. Certains programmes d’aide sont mis en place par le gouvernement, d’autres par les ONG locales…
L’intégration se passe-t-elle mieux dans le cadre d’une réinstallation ?
La réinstallation ne profite, on l’a dit, qu’à 1% des réfugiés dans le monde. C’est un nombre infime ! Pourtant, c’est la solution durable que beaucoup de réfugiés recherchent. C’est pourquoi le processus doit être effectué, surveillé et supervisé avec beaucoup d’attention, pour s’assurer qu’il est ouvert, transparent et qu’il bénéficie aux personnes qui en ont le plus besoin.
Ceci dit, les réfugiés à qui l’on a donné cette seconde chance en sont très conscients. La reconnaissance est extrêmement forte envers le pays d’accueil et ils font de leur mieux pour s’intégrer et s’impliquer localement. D’autres finissent par retourner dans leur pays d’origine et se battent pour changer les choses . Vous n’imaginez pas le nombre d’anciens réfugiés, qui sont aujourd’hui à des postes importants, voire à la tête de certains États !