Deux frères syriens se retrouvent à Londres
Deux frères syriens se retrouvent à Londres
Londres, Royaume-Uni, 28 janvier (HCR) - Les yeux d'Ali se remplissent de larmes quand il voit son jeune frère Ahmed pour la première fois depuis plus d'un an.
La porte du bureau des gardes-frontières à la gare de Saint-Pancras s'ouvre. Il se jette dans les bras de son frère Ahmed et les larmes roulent sur ses joues. Ali *, 21 ans, n'arrive toujours pas croire ce qui se passe réellement.
Hier, il a reçu un appel de l'avocat mais il avait peine à croire les nouvelles annoncées. C'était presque au-delà de ses rêves.
Ahmed *, 16 ans, est l'un des quatre jeunes Syriens - avec Khalil *, 16 ans, Abdul *, 17 ans, Mohammad *, 26 ans - qui sont arrivés il y a moins d'une heure en train par l'Eurostar depuis la France, après une décision historique qui a mis fin à quatre mois de vide juridique et de vie dans le camp de fortune surnommé « la jungle » à Calais.
« Je suis vraiment, vraiment heureux et reconnaissant auprès du gouvernement ici et j'espère qu'ils pourront aider le reste des réfugiés à Calais », m'a dit Ahmed qui tenait son frère par le bras.
La veille, le Tribunal britannique d'Immigration et d'Asile avait rendu une décision selon laquelle le groupe de trois jeunes et un jeune homme pourrait entrer dans le pays et y rester durant l'examen de leurs demandes d'asile. Ils vivront chez des proches jusqu'à l'obtention du statut de réfugié. L'un des arrivants s'est félicité de la décision du tribunal en la qualifiant de moyen d'aider les gens à rejoindre le Royaume-Uni « légalement et en toute sécurité ».
Ahmed habitait à Deraa, en Syrie, et il a fui la guerre en 2015. Il a entrepris un voyage difficile et dangereux vers l'Europe via la Turquie, la Grèce et les Balkans pour tenter de rejoindre son frère, qui était parti l'année précédente vers le Royaume-Uni.
« Je pense à ma famille en Syrie. La vie y est très, très difficile. »
A l'arrivée à Calais, il a constaté qu'il ne pouvait pas aller plus loin en raison de contrôles plus stricts et de restrictions frontalières depuis que son frère avait emménagé dans une nouvelle maison en Ecosse.
« J'ai quitté la Syrie parce que la vie y est très difficile. C'est la guerre et vous ne pouvez pas y vivre. C'est la raison pour laquelle je rejoins la Grande-Bretagne. Je veux aussi voir si je peux y faire venir ma famille. Je pense à ma famille restée en Syrie. La vie y est très, très difficile », a déclaré Ahmed à propos de la situation à Deraa, une ville localisée à environ 90 kilomètres au sud de la capitale syrienne, Damas. Plus de 13 000 personnes - dont de nombreux enfants - y ont été tués lors de violents combats depuis 2011, l'année de l'éruption de la guerre.
Les parents d'Ahmed et trois autres frères et soeurs se trouvent toujours à Deraa.
Le tribunal a reconnu l'urgence et l'importance capitale du regroupement familial. Il a jugé que les demandes d'asile de ces quatre jeunes doivent être examinées au Royaume-Uni dans le cadre du règlement de Dublin, la pierre angulaire du régime d'asile européen. L'affaire a été portée devant le tribunal par Citizens UK, the Migrants Law project and Bhatt Murphy Solicitors.
Ahmed n'arrêtait pas de sourire. Il avait souri tout le chemin entre Calais à Londres : à la gare de Calais, quand il a entendu une annonce selon laquelle le train allait entrer dans le tunnel sous la Manche, à l'arrivée à Londres, et encore largement quand il a finalement posé le pied sur le sol britannique.
« Ces garçons sont comme mes enfants, comme mes fils. »
Quelques heures plus tôt, il avait dit adieu à ses amis et à un dirigeant bénévole de la communauté syrienne, Abou Omar Ali, qui s'était lié d'amitié avec ces jeunes et qui avait fait connaitre leur situation à l'attention de l'organisation Citizens UK avec qui il travaille en étroite collaboration.
Abou Omar Ali est venu à la gare de Calais pour leur adresser un dernier au revoir.
« Ces garçons sont comme mes enfants, comme mes fils. Merci », m'a-t-il indiqué tout en agitant les billets de train à la gare TGV de Calais-Fréthun.
Ce fut une journée très importante pour Abou Omar Ali, car il a été le premier bénéficiaire d'un regroupement familial légal depuis Calais à Londres.
« Si ces jeunes vont au Royaume-Uni, c'est ... parce qu'ils veulent aller au Royaume-Uni pour rejoindre leurs familles », a ajouté Abou Omar Ali.
Environ 4000 à 5000 réfugiés et migrants vivent désormais dans « la jungle », une installation spontanée de tentes de fortune montées dans des champs boueux et gorgés d'eau. La plupart ont fui la guerre ou la persécution. Ils viennent du Soudan, d'Afghanistan, d'Érythrée, d'Irak, de Syrie et de quelques autres pays.
« Nous sommes ici à cause de la guerre. Il y a la guerre dans notre pays depuis cinq ans », a déclaré Abou Omar Ali. « Je suis sûr que tous les Syriens rentreront quand la guerre sera finie dans notre pays, car notre pays, notre famille, notre terre nous manquent. »
« Je suis sûr que tous les Syriens rentreront quand la guerre sera finie dans notre pays, car notre pays, notre famille, notre terre nous manquent. »
Parmi les 45 000 réfugiés et migrants qui sont arrivés en Europe par la mer cette année, 17 pour cent sont des femmes et 27 pour cent sont des enfants, y compris un grand nombre qui sont séparés de leurs familles.
Après leur arrivée à Saint-Pancras, les jeunes ont été transportés par taxi jusqu'à l'hôtel, où une réunion et un dîner ont été organisées, avant de continuer leur voyage pour passer leur première nuit avec leurs familles.
L'atmosphère était détendue, mais certains demeuraient pensifs.
« Je suis heureux d'être ici, mais je suis triste aussi car j'ai laissé des amis à Calais. Ils ont aussi la famille ici. J'espère que d'autres personnes qui se trouvent dans la jungle seront également en mesure de rejoindre leurs familles », a déclaré Ahmed, avec nostalgie.
Dans un coin de la salle, les bénévoles de l'organisation Citizens UK discutaient d'autres cas de regroupement familial.
« Je suis heureux d'être ici, mais je suis triste aussi car j'ai laissé des amis à Calais. »
« Nous voulons assurer que cessent les décès d'enfants durant le voyage périlleux pour rejoindre des proches. La pression est forte et la responsabilité est énorme, car nous devons assurer que tous ceux qui ont ces droits puissent les exercer », a déclaré George Gabriel, porte-parole pour Citizens UK.
* Les noms ont été modifiés pour des raisons de protection.
Par Céline Schmitt