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Des réfugiés pratiquent le canoë-kayak pour s'intégrer à Séville

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Des réfugiés pratiquent le canoë-kayak pour s'intégrer à Séville

Le projet Crew Together dans la ville espagnole de Séville s'appuie sur le canoë-kayak comme outil pour favoriser l'intégration des réfugiés tout en veillant à leur bien-être physique et mental.
5 Août 2024 Egalement disponible ici :
Des hommes, des femmes et des enfants pagaient sur un canoë décoré de lanternes en papier vertes et orange et de ballons.

Des réfugiés et des demandeurs d'asile de tous âges, originaires de pays tels que l'Ukraine, la Biélorussie, la Colombie, le Venezuela ou le Pérou, pagaient sur le fleuve Guadalquivir à Séville. 

Après avoir fui la guerre, Anastasia a traversé tout un continent en train pour atteindre Séville, dans le sud de l'Espagne. Aliou a passé des jours en mer au cours d'un dangereux périple vers les îles Canaries pour échapper à la persécution. Bien que leurs pays d'origine soient séparés par des milliers de kilomètres et qu'ils parlent des langues différentes, ils ont découvert à Séville une passion commune : le canoë-kayak sur le fleuve Guadalquivir, qui traverse la ville.

Il y a un peu plus de deux ans, Anastasia était en première année de journalisme à l'université de Kyiv. Elle vivait avec sa mère et sa jeune sœur et menait la vie normale d'une jeune fille de 18 ans. Mais un matin de février, sa vie, comme celle de millions d'Ukrainiens, a pris un tournant dramatique.

Au début de l'invasion de l'Ukraine, Anastasia et sa famille se sont réfugiés dans une station de métro. Mais après une semaine d'angoisse et d'incertitude, ils ont décidé de partir. Une femme rencontrée dans le métro leur a proposé de se rendre ensemble à Séville, où son amie avait mis à leur disposition un endroit où loger. Après des jours de voyage, des nuits passées dans des gares et des milliers de kilomètres parcourus, Anastasia se souvient de son arrivée dans une ville au ciel bleu et dégagé « où nous pouvions enfin respirer ».

Au début, les choses n'ont pas été faciles. Il fallait s'adapter à un nouvel environnement et à une langue inconnue, tout en faisant face à la douleur d'avoir laissé derrière soi ses proches et son pays. Mais Anastasia était déterminée à apprendre l'espagnol et à aller de l'avant, et la famille a reçu le soutien de l'ONG espagnole Accem.

C'est par l'intermédiaire d'Accem qu'Anastasia, sa mère et sa sœur ont entendu parler du projet The Crew Together de Dársena Deportiva Sevilla, une association à but non lucratif qui promeut les sports nautiques en tant qu'outil d'inclusion sociale.

Portrait tête et épaules d'Anastasia, réfugiée ukrainienne.

Anastasia, réfugiée ukrainienne, a découvert le projet The Crew Together après son arrivée à Séville avec sa mère et sa sœur. 

Faire tomber les barrières

Après avoir fait découvrir le canoë à des catégories sociales particulièrement vulnérables, comme les personnes en situation de handicap et les victimes de violences, Dársena Deportiva Sevilla a lancé avec succès son premier projet destiné aux réfugiés à l'automne 2023. L'initiative répondait à un engagement pris lors du forum Spain with Refugees organisé par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus tôt dans l'année. « Nous avons compris que pour avoir un véritable impact, nous ne pouvions pas nous contenter d'une activité ponctuelle. En réalité, il faut que les gens développent une relation avec notre projet, [et] apprennent à connaître différentes personnes », explique le président de l'association, José Viñas.

« Le besoin était clair », ajoute-t-il, « les réfugiés et les demandeurs d'asile ont du mal à accéder au sport, que ce soit en raison de facteurs économiques et sociaux ou d'un manque d'information, alors que les sports nautiques ont un énorme potentiel pour les aider à s'intégrer dans la ville et à améliorer leur santé physique et mentale ».

Au cours des derniers jours, le monde entier a pu constater que le sport a le pouvoir de faire tomber les barrières et de faire évoluer les mentalités, grâce à la participation de l'équipe olympique des réfugiés (lien en anglais) aux Jeux de Paris 2024. Quatre des 37 membres de l'équipe sont des canoéistes, dont Amir Rezanejad Hassanjani (lien en anglais), qui a déclaré que le club de canoë-kayak où il s'entraîne depuis son arrivée en Allemagne en 2021 est devenu comme une seconde famille pour lui.

Amir, portant un casque et un dossard olympique, dirige un canoë pendant une course.

Amir Rezanejad Hassanjani lors de l'épreuve de slalom en canoë aux Jeux de Paris le 27 juillet. 

À l'approche des Jeux olympiques, le chef du HCR, Filippo Grandi, a souligné le fait que le sport joue un rôle essentiel pour des millions de personnes réfugiées et déplacées de force. « Il rapproche les gens, est bénéfique pour la santé mentale et physique, offre aux enfants des modèles positifs et enseigne de précieuses leçons de vie », a-t-il déclaré.

À son arrivée à Séville, Anastasia observait les embarcations qui traversaient le Guadalquivir et espérait pouvoir embarquer à bord de l'une d'entre elles. Elle admet s'être sentie un peu nerveuse le jour de son premier cours de canoë, « mais aussi pleine d'énergie et d'adrénaline parce que j'allais enfin pouvoir essayer ».

Une fois à l'eau et la pagaie en main, ses angoisses se sont envolées. « Pendant une heure, j'ai oublié tout ce qui me préoccupe - le travail, les études, la guerre - et j'ai pu me détendre. »

Pagayer ensemble

Anastasia fait partie des 300 réfugiés et demandeurs d'asile qui ont participé au programme The Crew Together. Chaque session réunissant une vingtaine de personnes commence par des jeux et des exercices de mise en condition destinés à favoriser les contacts entre les participants. Des bénévoles et des instructeurs, au nombre de quatre à six par classe, animent ensuite un groupe d'enfants et d'adultes. Tout le monde porte le même t-shirt, symbolisant le fait qu'au sein de The Crew, tout le monde est sur un pied d'égalité.

« Par les regards, les gestes, les mots, nous communiquons très bien », explique Andrés, l'un des instructeurs. « Ce sport repose sur la coopération : si nous ne pagayons pas tous au même rythme, le canoë n'avance pas. C'est comme dans la vie : quoi qu'il arrive, il faut pagayer. »

En plus du HCR, l'initiative compte sur le soutien des institutions publiques d'Andalousie, d'ONG, de l'université de Séville, du club d'aviron de Séville et de la Fédération andalouse de canoë-kayak.

Aliou, portant un gilet de sauvetage orange, pose avec une pagaie.

Aliou, demandeur d'asile sénégalais, avant l'une des sessions de canoë-kayak auxquelles il participe en tant que bénévole. 

Preuve de l'impact positif de ce programme, des personnes qui avaient commencé en tant que participants ont fini par s'engager en tant que bénévoles. C'est le cas d'Aliou, un graphiste de 27 ans, qui est arrivé à Séville depuis le Sénégal en octobre 2023, après être passé par les îles Canaries. Après moins d'un an dans la ville, Aliou se sent déjà chez lui, en partie grâce à la camaraderie qu'il a trouvée dans le cadre du projet de canoë-kayak.

Après un voyage en mer très risqué, l'eau a aujourd'hui sur lui un effet libérateur, presque thérapeutique. « Je me sens libre. Je ne me soucie de rien, juste de pagayer et de faire du sport », dit-il en souriant. Bien qu'il soit passionné par ce sport, il insiste sur le fait que le travail d'équipe et le contact avec des personnes d'autres cultures sont les aspects les plus positifs du projet.

L'autre secret du succès de The Crew Together est probablement la possibilité de découvrir Séville sous un autre angle. Les instructeurs et les bénévoles locaux font découvrir les traditions de la ville aux participants.

« Pagayer le long du Guadalquivir me fait tomber amoureuse de Séville, chaque jour davantage », confie Anastasia.