Les inondations récurrentes au Soudan contraignent réfugiés et communautés d’accueil à se déplacer
Les inondations récurrentes au Soudan contraignent réfugiés et communautés d’accueil à se déplacer
Nyalan Goldit, 37 ans, est debout au milieu des ruines de l’abri qui lui tenait autrefois lieu de maison. Le conflit l’a d’abord forcée à fuir son pays et maintenant les inondations l’ont contrainte de quitter le foyer où elle espérait prendre un nouveau départ.
Elle a perdu la plupart de ses biens pendant les fortes inondations qui ont balayé l’État du Nil blanc au Soudan en novembre dernier. Après une saison des pluies de quatre mois, les habitants avaient repris une vie normale lorsque le Nil blanc est sorti de son lit, prenant tout le monde par surprise avec des niveaux d’eau sans précédent et des dommages provoquant le déplacement de plus de 8000 personnes vivant dans les camps de réfugiés et les communautés d’accueil environnantes.
« L’eau nous arrivait jusqu’aux genoux et nous avons dû abandonner nos maisons », raconte cette mère de sept enfants, contrainte de trouver refuge avec ses voisins sur un terrain en hauteur.
Ce dont je rêve en ce moment, c’est de retrouver mon abri.
« Comment puis-je rêver sans espoir et si je n’ai même pas un endroit où vivre ? Ce dont je rêve en ce moment, c’est de retrouver mon abri et de le faire réparer. »
À quelques mois seulement de la prochaine saison des pluies, le camp de réfugiés Al Redis 1, où Nyalan vit, reste entouré par une grande étendue d’eau et n’est accessible qu’en pirogue.
Nyalan a fui le conflit au Soudan du Sud en 2014. Elle a dû marcher pendant sept jours pour atteindre le Soudan alors qu’elle était enceinte de neuf mois. Malgré ce trajet difficile, elle dit s’être sentie en sécurité quand elle est arrivée au Soudan. Mais ce sentiment de sécurité s’est envolé à cause des inondations de plus en plus fréquentes et graves.
Le Soudan a connu ses pires inondations en 100 ans en 2020, avec plus de 800 000 personnes affectées dans tout le pays, dont des réfugiés.
D’après les Nations Unies, plus de 349 000 personnes sur l’ensemble du territoire, y compris des réfugiés et des communautés d’accueil, ont de nouveau été affectées par les fortes pluies et les inondations dévastatrices en 2022.
Triza Amum, 45 ans, également arrivée au Soudan en 2014 avec sa famille, subit encore les effets des inondations.
Mère seule avec neuf enfants à charge, elle part habituellement travailler dans un État voisin pendant la saison des récoltes. Comme beaucoup d’autres réfugiés, elle dépendait de l’argent gagné à cette période pour compléter l’aide reçue et faire vivre sa famille. Mais cette année elle n’a pas pu y aller.
« Je ne pouvais pas laisser ma famille. Sans abri et sans sécurité, je devais rester pour eux », dit-elle.
Le Nil blanc déborde tous les ans, mais jamais aussi abondamment par le passé. Les experts relèvent que des précipitations anormales ont eu lieu le long du fleuve, conduisant à un volume d’eau inattendu au barrage de Jebel Aulia, situé à quelque 260 kms de là, près de Khartoum.
« Les températures mondiales continuent d’augmenter, provoquant des événements climatiques extrêmes, notamment des inondations et des sécheresses qui ne feront qu’empirer dans les années à venir », explique Pankaj Singh, Chef des opérations au HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, au Soudan. Il ajoute que les réfugiés vivant dans des zones inondables continueront d’en subir les effets et lutteront constamment pour se remettre des dommages répétés à leurs abris et aux infrastructures des camps, causés par les inondations récurrentes.
L’État du Nil blanc accueille la deuxième plus importante population de réfugiés au Soudan, avec plus de 280 000 personnes, dont 84% de femmes et d’enfants.
En collaboration avec des organisations partenaires, le HCR a distribué des articles de secours essentiels tels que des couvertures, des lampes solaires, des jerrycans, des ustensiles de cuisine et des bâches en plastique aux personnes déplacées à cause des inondations.
L’Agence a également construit des digues pour empêcher les eaux de crue d’envahir les camps et utilise des systèmes de pompage pour évacuer l’eau des zones affectées.
Bien que ces mesures aient empêché que les abris subissent d’autres dégâts, les réfugiés restent entourés par les eaux de crue, ce qui restreint leur accès aux services de base et aux moyens de subsistance.
Afin de se préparer à la prochaine saison des pluies qui commence en mai, le HCR a réalisé une étude dans les camps de réfugiés et les communautés d’accueil voisines également affectées pour aborder la question de l’accessibilité. Les digues doivent être renforcées, et des produits alimentaires et non alimentaires doivent être prépositionnés plus près des camps. Des travaux de voirie, des ponts et des bateaux à moteur sont à l’étude pour améliorer l’accès humanitaire et éviter que les communautés qui vivent sur la berge ouest du Nil blanc soient isolées à cause des eaux de crue.
Mais alors que le changement climatique aggrave les besoins humanitaires, les organisations humanitaires, dont le HCR, sont de plus en plus débordées. En 2022, le HCR Soudan n’a reçu que 43% des 349 millions de dollars nécessaires pour répondre efficacement et fournir une protection et une aide vitale aux réfugiés, aux déplacés internes et à leurs communautés d’accueil dans l’ensemble du pays.
- Voir aussi : Les personnes déplacées en première ligne face au changement climatique font entendre leur voix à la COP27
Reuel Christopher Nettey, Responsable de l’antenne du HCR dans l’État du Nil blanc, explique que le sous-financement des réponses humanitaires au Soudan et ailleurs conduit à un manque de ressources pour renforcer les infrastructures et les systèmes permettant de résister aux effets du changement climatique. « Il est nécessaire d’aller au-delà des solutions d’urgence et d’améliorer la préparation tout en renforçant la résilience de ces communautés grâce à des interventions dans le secteur du développement pour réduire les risques associés à la prochaine saison des pluies », précise-t-il.
Après avoir passé près de 10 ans au Soudan, Triza et Nyalan ont reconstruit leur vie dans l’État du Nil blanc et n’aspirent qu’à pouvoir y vivre en toute sécurité. « Le Soudan est mon pays maintenant », déclare Nyalan. « C’est là que ma famille a repris espoir en l’avenir. »