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Allocution prononcée par M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion informelle des représentants à Genève des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 13 juin 1986

Discours et déclarations

Allocution prononcée par M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion informelle des représentants à Genève des Etats membres du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire, le 13 juin 1986

13 Juin 1986
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Le 13 juin 1986

Monsieur le Président,
Excellences
Mesdames, Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi que de vous rencontrer tous à nouveau en cette occasion. J'en suis déjà venu à la conclusion que nos deux réunions informelles constituent une excellente occasion de maintenir des contacts à la fois réguliers et étroits avec le Comité exécutif dans son ensemble, et d'échanger des idées et des impressions sur les grands problèmes auxquels sont confrontés tous ceux qui consacrent leurs efforts à la cause des réfugiés. J'apprécie au plus haut point la perspective d'un dialogue significatif et constructif dans cette enceinte. Je souscris donc pleinement à la suggestion du Président d'ouvrir ce dialogue sur chacun des thèmes qui vous ont été communiqués au début de cette semaine sous la forme de points saillants. En conséquence, je me bornerai à une brève déclaration liminaire, mais je me ferai cependant un plaisir de répondre plus en détail à vos préoccupations et questions spécifiques au cours de la discussion qui s'ensuivra.

Depuis que je me suis adressé à vous lors de notre réunion de janvier, je n'ai eu qu'un peu plus de quatre mois pour traduire dans les faits les priorités et les plans dont je vous avais livré une esquisse à cette occasion. Dans un laps de temps manifestement aussi court, je n'ai guère pu faire davantage que me pencher sur les graves problèmes auxquels le Haut commissariat doit faire face. Ces quelques mois m'ont permis de me familiariser directement et de l'intérieur avec le fonctionnement du HCR en tant qu'institution. J'ai ainsi pu faire moi-même l'expérience, en tant que Haut Commissaire, des situations de réfugiés dans le monde et des perspectives en ce domaine. A titre d'exemple, je me suis rendu au Pakistan, pays qui accueille aujourd'hui la population réfugiés la plus importante du globe, et j'ai beaucoup appris, tant en visitant des camps qu'en rencontrant ceux qui consacrent de si grands efforts à la solution des problèmes que rencontrent les réfugiés dans ce pays. Je m'attacherai dans les mois à venir à me faire ainsi une idée personnelle de chacune des situations de réfugiés les plus complexes. Immédiatement après cette réunion, je me rendrai dans la Corne de l'Afrique, où les gouvernements, déjà aux prises avec d'énormes problèmes de développements, doivent en outre faire face à d'importants afflux de réfugiés. D'ici à ma prochaine réunion avec le comité exécutif en octobre, j'espère visiter l'Asie de l'Est et du Sud-est, une région qui, depuis presque une décennie, n'a cessé d'être le théâtre de graves situations de réfugiés. D'ici à la fin de l'année, j'espère également avoir l'occasion de me rendre compte, par moi-même, de la situation en Amérique centrale et au Mexique, qui constitue depuis peu de temps un des plus importants champs d'action du HCR et où nos responsabilités revêtent une complexité et une signification toutes particulières. En Europe, je me suis penché sur les problèmes des personnes en quête d'asile et je m'efforcerai sans relâche de leur trouver une solution dans le cadre du processus amorcé lors des consultations intergouvernementales de La Haye, en avril dernier.

J'ai également mis au rang de mes priorités les rencontres avec un certain nombre de dirigeants afin de leur faire partager ma vision du rôle et des préoccupations du Haut commissariat et de connaître leurs opinions sur certains problèmes humanitaires. Une des toutes premières rencontres de ce type m'a permis de m'entretenir avec le Président en exercice de l'OUA, Monsieur Abdou Diouf, Président du Sénégal, qui m'a reçu à Dadar et que j'ai eu le privilège de rencontrer à nouveau à New York à l'occasion de la récente session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies. Je suis heureux d'avoir eu d'autres occasions semblables de partager mes idées avec plusieurs des dirigeants et hauts fonctionnaires d'Europe et d'Amérique du Nord qui nous ont toujours accordé leur appui. J'espère que dans les mois à venir cette liste s'allongera pour inclure bien d'autres pays dont la générosité et la coopération permettent au Haut commissariat de remplir son mandat.

Outre mes voyages et mes fréquents contacts avec les membres du Comité exécutif, j'ai trouvé particulièrement gratifiants les échanges informels que j'ai eus ici, à Genève, avec un certain nombre de groupes régionaux dont certains pays ne sont pas membres du Comité exécutif. J'entends absolument donner suite à ce processus de consultation et de dialogue conformément aux principes d'universalité et de partage international de la charge qui doivent toujours guider les activités de HCR.

Monsieur le Président, après seulement quatre mois, il serait hasardeux de tirer des conclusions profondes ou de se prononcer définitivement sur certaines questions. Mais cela peut suffire pour confirmer les grandes orientations que doit se donner le Haut commissariat s'il veut s'acquitter de ses responsabilités comme il se doit. Je vous ai suggéré en janvier dernier les deux grands axes sur lesquels le HCR doit fonder son action. Tout d'abord, nous devons réagir face aux crises actuelles et nouvelles dans le domine des réfugiés en adoptant une approche à trois volets : une réaction d'urgence efficace, l'établissement rapide de services de base, et des mesures promptes dans le domaine des activités génératrices de revenus qui redonneront vite aux réfugiés le sens de leur dignité. En deuxième lieu, et presque simultanément, nous devons nous lancer dans une recherche systématique et dynamique de solutions afin de mettre fin aux problèmes des réfugiés. Ce n'est, j'en suis convaincu, qu'en suivant de façon résolue et constructive ces deux grandes lignes que nous nous acquitterons avec succès des responsabilités assignées au Haut Commissaire. Il m'a déjà été récentes et actuelles. L'afflux soudain de dizaines de milliers de réfugiés en somalie du nord-ouest, qui s'est traduit par une concentration dangereuse de réfugiés à l'avant-poste de Tug Wajale, près de la frontière, a exigé une réponse immédiate de la part du HCR dans des circonstances qui sont loin d'être idéales. Malgré les réserves que nous avons émises quant à la localisation actuelle du camp, nous avons pris des mesures pour éviter que cette crise ne tourne à la catastrophe. Le HCR a pris des dispositions, en coopération avec le gouvernement somalien et les agences bénévoles - nos partenaires d'exécution - afin de ne pas être dépassé par le rythme croissant des arrivées. Un chef des opérations d'urgence a été nommé sur le terrain et un groupe de travail mis sur pied au siège afin de coordonner les opérations d'urgence. Nous planifions déjà notre action au-delà des besoins essentiels en matière d'alimentation et de logement. Nous avons mis en place et sommes en train de développer des services de base, surtout dans les domaines de la santé et de l'assainissement.

Il est encoure trop tôt pour parler de toute autre activité en faveur de ces réfugiés, particulièrement lorsque les négociations avec les autorités se poursuivent afin de trouver d'autres sites pour les héberger, mais le HCR ne ménagera aucun effort pour aider, dès que possible, les réfugiés à parvenir à l'autosuffisance. Il est crucial que nous réussissions à écarter l'image démoralisante de la privation et de la dépendance qui a caractérisé tant de situations de réfugiés dans le passé. L'assistance aux réfugiés ne doit pas induire une dépendance éternelle à l'égard d'oeuvres de charité ou de dons : c'est une solution qui, si elle répond aux besoins les plus immédiats, n'en détruit pas moins l'avenir des réfugiés. Je suis fermement convaincu qu'il faut offrir aux réfugiés la possibilité de sauvegarder leur dignité et le respect de soi, et surtout leur désir de regagner un jour foyer afin d'y mener à nouveau une vie normale.

Ce désir de retour revêt à mon sens une importance cruciale. Dans le domaine de l'assistance internationale, nous avons tendance à prêter trop d'attention aux besoins matériels et à négliger les aspirations des réfugiés en tant qu'individus ou en tant que groupes. C'est pourtant cette volonté qui constitue l'élément indispensable à une solution authentique au problème du réfugié: lorsqu'un réfugié s'affranchit de sa condition de réfugié, il doit pouvoir trouver en lui la force de reprendre son destin en main. A l'heure où je vous parle, des rapports continuent de nous parvenir, faisant état d'une grand nombre d'Ougandais regagnant leur foyer en provenance des zones d'installation de réfugiés au Soudan méridional. Plus de 60 000 personnes sont déjà retournées et le mouvement se poursuit. Nombre de ces réfugiés ont bénéficié des programmes d'autosuffisance pendant leur exil et doivent être en mesure d'exploiter au mieux l'assistance que la communauté internationale est à même de leur accorder, en réponse à l'appel que je viens de lancer, afin de redevenir des membres productifs de leur propre communauté. J'aimerais pouvoir affirmer un jour que, de tous les réfugiés qui retournent chez eux après avoir reçu une assistance du HCR, aucun n'éprouve de difficulté à se réinsérer dans sa communauté à cause du syndrome de dépendance imputable à cette forme d'assistance internationale.

Cela s'applique tant aux situations de réfugiés éphémères et soudaines qu'aux problèmes de longue haleine pour lesquels une solution n'est pas immédiatement en vue. On peut citer, à ce titre, le Pakistan où le HCR met davantage l'accent sur les activités génératrices de revenus à l'intention des groupes de réfugiés. Je me réjouis tout particulièrement de l'extension prévue du projet de la Banque mondiale, cette fois de l'ordre de 25 millions. La première phase du projet a remarquablement réussi à galvaniser les énergies des bénéficiaires dans les activités productrices. C'est un modèle que nous aimerions voir imité dans d'autres régions du monde en développement qui accueillent d'importantes populations réfugiés. Il va de soi que les activités d'autosuffisance peuvent également être menées à bien sur une plus petite échelle, et les programmes du HCR doivent continuer de leur accorder la plus haute importance. Lorsque ces projets peuvent être mis en oeuvre avec succès dans le contexte des plans de développement national du pays hôte, ils atteignent un triple objectif : maintenir le respect de soi du réfugié et garder vivace le désir de retourner chez soi, offrir des possibilités de développement à la population locale, permettre aux pays hôtes de limiter les dommages causés par des afflux importants et de bénéficier, dans la mesure du possible, d'un legs tangible lorsque les réfugiés quittent leur territoire.

Si j'insiste tant sur la volonté des réfugiés de regagner leur foyer, c'est parce que je crois fermement en l'importance vitale de résoudre le problème des réfugiés et d'y mettre fin. Le HCR ne doit jamais permettre que la gestion d'une situation de réfugiés devienne une fin en soi. Il en faut pas laisser les gouvernements perdre de vue la nécessité de trouver une solution politique aux causes des déplacements de réfugiés ; la communauté internationale ne doit pas oublier non plus qu'il incombe d'apporter des solutions durables à la condition des réfugiés. L'assistance immédiate ne nous dégage pas de notre obligations d'oeuvre dans le sens des solutions à long terme. Le HCR doit surtout prendre l'engagement de promouvoir le rapatriement librement consenti dans la sécurité et la dignité. Cependant, lorsque le rapatriement n'est pas possible, ou lorsque son caractère volontaire ne peut être assuré, le HCR doit chercher sans relâche d'autres solutions : l'autosuffisance dans les pays d'asile en attendant une évolution de la situation, comme ce que l'on essaie de faire au Pakistan, une installation sur place durable dans le pays de premier asile, comme cela se fait si souvent et si bien sur le continent africain et, en ce moment-même au Mexique, ainsi que la réinstallation lorsqu'aucune de ces solutions n'est possible, comme cela continue de se révéler nécessaire pour l'essentiel des réfugiés indochinois en Asie du sud-est.

Afin d'atteindre ces objectifs, j'ai essayé de repenser la structure du Haut Commissariat afin d'accomplir la mission qui lui est confiée. Comme je vous l'ai indiqué en janvier, j'ai estimé nécessaire de ré-orienter le siège vers l'action sur le terrain, car c'est bien là, après tout, que se trouvent les réfugiés. J'ai donc aboli les anciennes divisions, qui classaient sur un pied d'égalité plusieurs géographiques aux Directeurs de la protection et des programmes d'assistance. La nouvelle structure consacre la primauté des bureaux géographiques, comme l'indique l'organigramme qui vous a été distribué. Ce faisant, j'ai voulu mettre en valeur les activités opérationnelles du HCR par rapport à ses responsabilités fonctionnelles en confiant aux Chefs des Bureaux le soin de déterminer la politique à suivre dans tous les aspects de leurs activités au sein de leur région géographique tant au plan de la protection qu'au plan de l'assistance.

La restructuration a aussi conduit à une redéfinition du rôle de l'ancienne division de la protection internationale. La nature cruciale du mandat de protection du Haut Commissariat est maintenant mise en valeur par la place qui lui revient dans les priorités de chaque Bureau au niveau de la politique générale. En effet, c'est dans le cadre des activités des Bureaux que « l'interpénétration de l'action et du droit » à laquelle j'ai fait allusion en janvier, doit se manifester dans les opérations quotidiennes du HCR. Cependant, de par leur nature même, les Bureaux régionaux ne peuvent prétendre à cette perspective globale que le HCR no doit jamais perdre de vue, et c'est là que la nouvelle Division du droit des réfugiés et de la doctrine est appelée à jouer son rôle clé. En accordant un appui juridique et le développement du droit des réfugiés, la division préside à l'élaboration des concepts et de la doctrine qui s'inspirent des activités de protection du HCR sur le terrain pour mieux les étayer.

Je sais que la restructuration du Haut Commissariat intéresse au plus haut point le Comité exécutif mais, à ce stade, il est difficile d'en dire beaucoup plus. Il faut laisser le temps au nouvel organigramme de faire ses preuves. Avec l'aide d'une société de consultants en matière de gestion, de réputation internationale, nous essayons de mettre au pont les procédures et les pratiques qui faciliteront le fonctionnement de la nouvelle structure, à tous les niveaux d'organisation. Leur rapport devrait être publié au cours du dernier trimestre de l'année. J'espère pouvoir vous en dire plus au sujet de ses conclusions et recommandations lorsque nous nous rencontrerons à nouveau à l'occasion de notre session annuelle d'octobre ou à la session informelle de janvier.

Point n'est besoin de dire que le fonctionnement satisfaisant du HCR ne dépend pas seulement d'objectifs clairs, comme ceux que j'ai essayé de vous décrire aujourd'hui, ni d'une organisation efficace, comme celle que nous essayons de mettre en place. Notre succès est également tributaire des ressources mises à notre disposition par la communauté internationale. Du fait de notre entière dépendance à l'égard des contributions volontaires, même nos plans les plus minutieusement préparés peuvent échouer par simple manque de fonds, comme cela a failli se produire l'année dernière. J'ai moi-même entrepris de chercher de nouvelles sources de financement en plus des donateurs traditionnels, mais dans une entreprise de ce genre, il ne faut pas s'attendre à des résultats immédiats. Notre principale préoccupation, aujourd'hui, concerne la situation financière actuelle. Il faut à tout prix éviter que le Haut commissariat ne voit, à ce stade, ses activités entravées par une récurrence de la crise financière qu'il a connue en 1985. A ce jour, le Haut Commissariat a réuni quelque 174 millions de dollars par rapport à notre objectif de 330,4 millions de dollars au titre des Programmes généraux, soit une couverture d'un peu plus de la moitié de nos besoins. Nos projections montrent que d'ici à la fin du mois, nous aurons dépensé 140 millions de dollars. Nous marchons donc sur une corde raide, car les fonds restants ne nous permettent pas de couvrir nos activités au-delà du mois de juillet. Nous connaissons une situation semblable en ce qui concerne notre Programme spécial d'urgence en Afrique où est apparu un déficit de 20,7 millions de dollars sur un budget total de 80,7 millions de dollars.

Pour une organisation qui peut à n'importe quel moment devoir faire face à une situation de réfugiés nouvelle et imprévue, sans pour autant pouvoir se décharger de ses autres responsabilités dans le cadre d'opérations antérieurs ou en cours, une telle situation peut tourner à la catastrophe. Le HCR, si je peux me permettre cette métaphore, ne peut ainsi continuer de piloter à vue. Je lance donc un appel aux gouvernements représentés ici aujourd'hui et à tous ceux qui, en dehors du Comité exécutif, nous accordent leur soutien, pour qu'ils annoncent, mais aussi pour qu'ils payent, le plus rapidement possible, des contributions supplémentaires afin de permettre au HCR d'agir de façon efficace et responsable tout au long de ce deuxième semestre.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je suis pleinement conscient de n'avoir touché, en ces quelques remarques introductives, qu'une infime partie des questions qui nous intéressent tous. Mais j'ai promis d'être bref et je me réjouis de pourvoir préciser ou développer ces idées au cours du débat qui va suivre.

Merci Monsieur le Président.