Allocution prononcée par M. Auguste R. Lindt, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'occasion de la remise de la Médaille Nansen à MM. Chataway, Jones, Philpott et Raison
Allocution prononcée par M. Auguste R. Lindt, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'occasion de la remise de la Médaille Nansen à MM. Chataway, Jones, Philpott et Raison
M. Chataway, M. Philpott, M. Raison,
Dès l'année 1958, mais plus particulièrement en 1959 et en 1960, des dizaines de milliers et plus vraisemblablement encore des centaines de milliers d'enfants, d'hommes et de femmes, dans de nombreux pays, consacraient une part considérable de leur temps et une partie de leur revenu, sans parler de leur esprit d'invention, à l'action en faveur des réfugiés. Les réalisations ont été remarquables et beaucoup de noms viennent à l'esprit lorsqu'on songe à l'oeuvre accomplie. Pourtant le Comté chargé de décerner la Médaille Nansen n'a éprouvé aucune difficulté lorsqu'il a dû décider de l'attribution de la Médaille Nansen pour 1960.
L'idée même de s'efforcer, pendant une année entière et dans le monde entier, de résoudre un problème déterminé a été conçue et déjà mise en oeuvre auparavant. Ce n'est pas la première fois que l'on a pensé à concentrer dans le monde un même effort sur la solution de certains problèmes humains. J'aimerais rappeler à cette occasion que Monseigneur Edward Swanstrom a lancé à Assise en 1957, au troisième Congrès international catholique pour les migrations l'idée d'une « Année internationale pour les migrations », idée qui si elle venait à être mise en application, ferait certainement beaucoup pour la solution du problème des réfugiés.
J'aimerais donc dire que lorsqu'il a décidé de décerner la Médaille Nansen à ce groupe de quatre jeunes Anglais que vous représentez ici aujourd'hui - je regrette sincèrement que les circonstances empêchent M. Colin.Jones d'assister à cette cérémonie - le Comité chargé de décerner la Médaille Nansen ne s'est pas seulement souvenu que vous étiez à l'origine du projet de l'Année mondiale du réfugié ou que vous aviez exprimé cette idée par écrit dans l'article maintenant célèbre publié en mars 1958 par la Revue « Crossbow ». Il a également tenu à rendre hommage à la persévérance que vous avez tous quatre montrée en faisant valoir cette idée pour la promouvoir, en la faisant cheminer par tout l'appareil complexe de la société moderne, en la faisant adopter tout d'abord par d'éminents concitoyens qui l'ont faite leur, et ensuite, par le Gouvernement de votre pays.
Les mérites de l'idée que vous avez eue étaient si éclatants et l'appui que lui a donné officiellement votre pays a été si efficace que quelques mois après, elle fut approuvée par le Comité exécutif qui inspire les programmes du Haut-Commissariat. Je me félicite donc que les représentants au Comité exécutif aient accepté l'invitation que je leur ai faite d'assister à cette cérémonie. Je rappelle enfin que l'Année mondiale du réfugiés a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies à sa treizième session, à la fin de l'année 1958.
Ce ne sera peut-être pas une cause de surprise pour ceux qui suivent les activités des organisations internationales dans la presse, à la radio, ou à la télévision seulement, d'apprendre qu'une idée lancée en mars 1958 dans une revue anglaise diffusée à un nombre assez restreint d'exemplaires a été reprise dans une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unis en décembre de la même année. Bon nombre d'entre nous pourtant, je devrais dire la majorité de ceux qui se trouvent dans cette salle, se rendent pleinement compte de l'intérêt d'une telle réussite. Notre expérience quotidienne nous a appris combien la chose est difficile, combien de temps il faut, session après session, année après année pour qu'un rassemblement assez nombreux se fasse autour d'une opinion et qu'une idée, si méritoire qu'elle soit, en vienne à être approuvée sous la forme d'une résolution par la seule Assemblée représentative à l'échelon mondial. Et je tiens à la dire, si cela a été possible, c'est seulement parce que beaucoup d'entre nous ont compris la grande valeur intrinsèque de cette idée et je pourrais dire, deviné les immenses possibilités d'action qu'offrirait l'Année mondiale du réfugié.
En vous attribuant la Médaille Nansen, le Comité non seulement récompense vos mérites personnels, reconnaît l'appui que votre idée a trouvé dans tant de pays et la remarquable contribution que tant et tant de peuples ont apportée à l'Année mondiale du réfugié mais aussi il salue en vous les pionniers qui ont monté la voie à ces dizaines de milliers, à ces centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants dont je vous ai déjà parlé et qui ont fait de l'Année mondiale du réfugié cette magnifique démonstration de solidarité humaine qu'elle a été dans le monde entier et qu'elle est encore dans les pays où l'effort se poursuit.
Je ne pense pas devoir m'efforcer de vous dire ce qu'a été l'Année mondiale du réfugié ou les résultats qu'elle a donnés. Je crois savoir que le représentant spécial du Secrétaire général pour l'Année mondiale du réfugié, M. Claude de Kémoularia, en dira quelques mots. Nous savons tous cependant qu'en créant de nouvelles possibilités de réinstallation, parfois inattendues, pour les réfugiés, grâce à des améliorations de caractère juridique et institutionnel, et en permettant de réunir des fonds pour le financement de projets économiques et sociaux, l'Année mondiale du réfugié à fourni de nouvelles possibilités de résoudre certains des problèmes qui intéressent les réfugiés du monde entier. En dehors de ces effets bien tangibles, l'on se rendra peut-être compte à longue échéance que le plus grand mérite de l'Année mondiale du réfugié a été de faire prendre conscience au monde de ce grand problème des temps modernes, en dehors de toute considération politique, dans un esprit de progrès social et d'humanitarisme. L'action en faveur des réfugiés, à laquelle j'ai eu le privilège de m'employer dans cet édifice pendant les quatre dernières années, n'est possible que si le problème est bien compris et si l'oeuvre entreprise trouve assez d'appuis. Ce n'est qu'à cette condition que l'on peut trouver les moyens d'action nécessaires.
Il est de très bon augure que l'Année mondiale du réfugié ait été lancée par quatre jeunes hommes appartenant à une génération qui a commencé de participer à la vie publique voici quelques années seulement. Si cette idée a trouvé si rapidement un si grand nombre d'appuis, c'est aussi, à mon avis, à cause de l'enthousiasme juvénile qui l'inspirait et dont elle était emplie dès le début. Et il est virait, nous devons nous en rendre compte, que les problèmes de réfugiés subsistent. L'Année mondiale du réfugié a permis de faire un pas en avant, mais il reste beaucoup à faire au cours des années qui viennent. Le soin d'apporter une solution aux problèmes de réfugiés incombera donc dans une large mesure à votre génération.
C'est à elle que sera dévolue cette tâche, c'est elle qui devra liquider les problèmes que vos aînés n'ont pas pu résoudre.
C'est pour toutes ces raisons,
parce que vous avez conçu et formé cette idée,
parce que vous avez montré la plus grande détermination dans sa mise en oeuvre,
parce que vous avez donné à des milliers et à des millions d'hommes dans le monde entier l'exemple d'une pensée généreuse,
Que la Médaille Nansen vous est décernée à tous quatre.