Afrique : Pas de lien prouvé entre conflit et propagation du VIH - Etude (IRIN Plus News)
Afrique : Pas de lien prouvé entre conflit et propagation du VIH - Etude (IRIN Plus News)
Cet article ne reflète pas nécessairement les vues des Nations Unies
JOHANNESBOURG, 5 July 2007 (PlusNews) - Les spécialistes ont longtemps cru que la violence, les viols collectifs et les crises des réfugiés étaient les conséquences inévitables de la guerre qui alimentaient la propagation de l'épidémie de VIH/SIDA, mais une analyse des taux de prévalence du VIH/SIDA de sept pays d'Afrique sub-saharienne aux passés historiques semblables a révélé qu'il n'existait aucune preuve étayant l'allégation selon laquelle les conflits étaient liés à des taux de prévalence plus élevés.
L'étude, dont les résultats ont été publiés fin juin dans la revue médicale The Lancet, a été menée en République démocratique du Congo (RDC), au Sud Soudan, au Rwanda, en Ouganda, en Sierra Leone, en Somalie et au Burundi, au cours des cinq dernières années.
Dans les régions du Burundi, du Rwanda et de l'Ouganda ravagées par le conflit, le taux de prévalence du VIH/SIDA s'établit au même niveau que le taux enregistré dans les zones épargnées par la violence.
Contrairement à l'idée fortement ancrée selon laquelle les réfugiés fuyant les zones de conflit apportent avec eux le virus dans leurs pays hôtes, neuf des 12 camps de réfugiés visités dans le cadre de l'étude affichaient des taux de prévalence du VIH inférieurs à ceux répertoriés au sein des populations environnantes - un seul des camps avait un taux de prévalence supérieur.
Même le recours au viol collectif comme arme de guerre au Rwanda, en Sierra Leone et en RDC ne semble pas avoir entraîné une augmentation du taux de prévalence du VIH dans ces pays.
Selon le docteur Paul Spiegel, à la tête de cette étude et administrateur technique principal pour le VIH/SIDA au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les précédentes études selon lesquelles les conflits alimentaient l'épidémie de VIH reposaient certainement sur des mauvaises méthodes d'enquête et sur une mauvaise interprétation des données.
« Il est très naturel de penser que le VIH va croître, donc selon moi, les gens tirent des conclusions hâtives. Le plus dur est d'observer les individus, puis de regarder les incidences de l'épidémie en général », a-t-il expliqué à IRIN/PlusNews.
D'après lui, la sagesse conventionnelle oublie de prendre en compte certains effets de le guerre qui participent à l'endiguement du virus, comme par exemple la difficulté de se déplacer des régions rurales vers les zones urbaines aux taux de prévalences plus élevés, ou la rupture des réseaux de travailleurs du sexe.
Une analyse contestée
En réaction aux résultats de l'étude parus dans The Lancet, Gopa Kumar Nair, conseiller en matière de VIH/SIDA auprès de Save the Children, une organisation non gouvernementale basée au Royaume-Uni qui porte assistance aux enfants dans le besoin, a rappelé les conclusions d'un rapport rédigé par son organisation en 2002, qui stipulaient que les conflits accentuaient la vulnérabilité des jeunes face au sida.
« Il ne s'agit pas de simples interprétations de données, [ces conclusions] sont fondées sur des expériences de terrain », a-t-il précisé. « Nous avons vu des orphelins, de la violence, des systèmes de protection qui périclitaient et un manque d'information sur le VIH/SIDA. Nous sommes certains que ces conditions favorisent la transmission du virus ».
Selon Gopa Kumar Nair, les données sur lesquelles se fondent les conclusions de l'étude de The Lancet ne sont pas suffisantes.
« Nous savons qu'obtenir des données [sur le taux de prévalence du VIH] dans des pays en conflit est un véritable cauchemar », a-t-il dit.
M. Spiegel a reconnu qu'il était difficile d'obtenir des chiffres fiables dans les pays en proie à des conflits, mais selon lui, les données recueillies dans les sept pays où se sont rendues ses équipes sont suffisantes pour tirer des conclusions.
« Mais nous devons veiller à ne pas extrapoler ces résultats à l'ensemble des situations », a-t-il mis en garde.
Pour le docteur Tom Ellman, conseiller en matière de VIH/SIDA auprès de l'organisation humanitaire médicale Médecins sans frontières, il ne fait aucun doute que les personnes affectées par le VIH/SIDA souffrent d'un manque de soins et de soutien à cause de la guerre.
« Si nous considérons l'écart entre les besoins et les services disponibles, l'écart est plus important dans les pays en situation de conflit car [les individus porteurs du virus] sont négligés par les organisations internationales, et ils sont souvent les dernières personnes à recevoir de l'aide », a-t-il déploré.
« Dans les situations d'extrême pauvreté, ces personnes ont encore plus besoin d'aide et de soutien », a reconnu M. Kumar Nair. « Je crains que les bailleurs ne considèrent pas le VIH comme un problème, alors qu'il devrait être perçu comme une catastrophe. »
M. Spiegel a souligné que les conclusions de l'étude devaient encourager les efforts de prévention.
« Il faut que ces programmes soient menés dans des situations de conflit, car si nous nous assurons que les populations sont sensibilisées aux dangers du virus juste après le conflit, il nous sera alors plus facile de faire face à l'épidémie », a-t-il conclu.
Source : IRIN VIH/Sida (PlusNews), nouvelles et analyses humanitaires.