Des réfugiés trouvent la sécurité et une nouvelle vie au Mexique
Des réfugiés trouvent la sécurité et une nouvelle vie au Mexique
À Saltillo, une ville manufacturière en plein essor dans le nord du Mexique, les entreprises embauchent à nouveau au fur et à mesure de la levée progressive des confinements, et le chauffeur de taxi salvadorien Alberto Rivas* a perçu une opportunité.
Il a acheté un taxi et a travaillé de longues heures pour transporter les habitants de la ville, où des usines et des ateliers de montage fabriquent tout, depuis des camions, des voitures et des pièces détachées aux appareils ménagers et aux meubles.
Puisant dans ses économies, il a ensuite acheté deux autres voitures et emploie désormais des chauffeurs mexicains ou originaires d'Amérique centrale pour travailler 24 heures sur 24.
« Il y a de vastes opportunités ici si vous êtes travailleur, entreprenant et exigeant sur la qualité », déclare Alberto, un réfugié qui a été poussé à fuir son pays d'origine où il avait une entreprise de transport.
Récemment rejoint par sa femme et ses trois plus jeunes enfants, il prévoit aujourd’hui d'acheter deux autres voitures et une camionnette et envisage même d'ouvrir un restaurant dans cette ville de près d'un million d'habitants située à quelques heures de route au sud de la frontière américaine.
« Ici il y a la paix, du travail et la tranquillité d’esprit, ce que nous n'avons pas dans nos pays », dit-il. Et il n'est pas le seul à chercher à réaliser ce qu'il appelle « le rêve mexicain ».
À quelques minutes de route de l'autre côté de la ville, le Nicaraguayen Orlando García, 28 ans, compte parmi les 15 réfugiés originaires de pays comme le Honduras et le Salvador qui travaillent chez le fabricant de pièces détachées Matro en tant que concepteurs, opérateurs de presse ou au contrôle de qualité - son métier.
« Il y a de vastes opportunités ici si vous êtes travailleur, entreprenant et exigeant sur la qualité. »
« J'aime cet endroit », dit-il de l'entreprise, qui lui offre des congés payés, une prime de fin d'année, un plan d'épargne, l'accès à la sécurité sociale et au système de santé public. « C'est ici que je veux passer le reste de ma vie. »
Depuis des décennies, le Mexique est un pays de transit pour les réfugiés. Mais Alberto et Orlando font partie d'un nombre croissant de personnes qui trouvent la sécurité et reconstruisent leur vie dans la deuxième plus grande puissance économique d'Amérique latine, soutenues par un programme innovant de relocalisation et d'intégration locale lancé en 2016 par le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Alors que les demandes d'asile ont augmenté de façon spectaculaire pour atteindre plus de 190 000 durant les cinq dernières années, le programme a aidé plus de 10 000 réfugiés à recommencer leur vie au Mexique en tant qu'entrepreneurs ou en occupant des emplois formels avec tous les avantages dans des usines, dans le commerce de détail et en tant que cadres. Ils contribuent à la croissance économique du Mexique qui, selon la Banque centrale, devrait atteindre 4,8% cette année.
« C'est une grande réussite à tous les niveaux », a déclaré Kelly Clements, Haut Commissaire adjointe du HCR, lors d'une récente visite au Mexique et dans la région. « C'est une victoire pour les demandeurs d'asile qui ont un emploi et vivent en sécurité. Et c'est une victoire pour les entreprises qui peuvent contribuer à leur communauté et à l'essor du secteur privé. »
La plupart des réfugiés arrivent et demandent l'asile dans des États situé au sud du Mexique où les emplois sont rares. Après s'être inscrits au programme d'intégration, ils sont relocalisés dans l'une des neuf localités participantes, au centre et au nord du Mexique, où il y a une plus forte demande de travailleurs et une meilleure capacité à inclure les nouveaux arrivants dans leurs systèmes d'éducation et de santé.
« Je suis ici depuis deux jours et j'aime déjà ce pays », a déclaré Rosario Johnson, 30 ans, une Hondurienne qui a deux enfants. Elle fait partie d'un groupe de réfugiés nouvellement arrivés qui sont formés sur leurs droits, leurs options et leurs obligations au cours d'une semaine d'intégration au rythme intense à Monterrey, un centre industriel de cinq millions d'habitants situé à une heure de route de Saltillo.
Avec l'aide du personnel du HCR, elle se renseigne sur les possibilités de logement et de travail, tout en bénéficiant d'un soutien pour séjourner dans un hôtel. Pendant leur installation, tous les participants reçoivent une allocation unique d’aide en espèces, couvrant leur premier mois de loyer et les frais connexes. « J’ai le moral. Je sens que je peux faire tout ce que je veux ici. Je pourrais avoir ma maison, envoyer mes enfants à l'école, avoir une petite entreprise. Je sens qu’il y a des opportunités ici », dit-elle, les larmes aux yeux.
Quelques mois avant elle, en décembre dernier, Susana Barrera, une réfugiée de 40 ans qui a fui le Guatemala, avait été relocalisée à Monterrey. Elle a commencé à travailler en janvier chez Oxxo, la plus grande chaîne de magasins de proximité d'Amérique latine, et elle est maintenant cheffe d'équipe dans une supérette.
« Ici, je suis libre, je paie mes impôts, je mène une vie normale... et je peux m'épanouir. »
« J'adore le magasin. A la fin de la journée, ils doivent me demander de rentrer chez moi », dit-elle en faisant une pause après avoir encaissé des boissons et des produits d'épicerie pour les clients. « Ici, je suis libre, je paie mes impôts, je mène une vie normale... et je peux m'épanouir », dit-elle, en soulignant qu'Oxxo l'a formée pour qu'elle puisse gérer son propre magasin en trois mois. De plus, l'entreprise l'a aidée à ouvrir un compte bancaire sur Internet avec Santander, ce qui, selon elle, est « un pas de plus vers l'intégration ».
Pendant ce temps, Jorge Gonzalez, 22 ans, un réfugié salvadorien, a trouvé un nouveau départ chez GreenPaper, une entreprise basée à Monterrey qui recycle le papier et le carton pour fabriquer de nouveaux produits pour des clients sur les cinq continents.
Il bénéficie d'avantages tels que les congés payés, la sécurité sociale et un plan d'épargne d'entreprise pour les employés. Depuis son installation dans la ville il y a cinq mois, il a loué un logement avec sa femme et ses deux jeunes enfants qui peuvent aller à l'école et accéder aux soins de santé grâce au système de sécurité sociale.
« Je me sens bien avec mes collègues de travail, mon patron ; ils sont tous très sympathiques, ils me respectent, ils me traitent bien », dit-il. « Je me sens motivé. J'ai mon travail. Je ne vis plus dans la peur... J’ai retrouvé un sens à ma vie. »
Après un fléchissement du rythme des arrivées en 2020, alors que le Covid-19 se propageait dans la région, le Mexique a enregistré 31 800 demandes d'asile au cours des quatre premiers mois de l'année 2021, soit une augmentation de près d'un tiers par rapport à la même période l'an dernier.
Le programme d'intégration des réfugiés est soutenu par le gouvernement fédéral et les gouvernements des États du Mexique, ainsi que par plus de 170 entreprises mexicaines, dont Oxxo, la société de fret ferroviaire PIMSA ferreteros, le fabricant d'appareils électroménagers Mabe et la papeterie GreenPaper. Elles considèrent que l'emploi de réfugiés n'est pas seulement une question de civisme, mais aussi une opportunité économique.
« Les réfugiés sont des personnes très motivées, avec une grande volonté de travailler. Ils ont beaucoup de capacités et de flexibilité... ils n'ont généralement aucun problème de comportement ou d'absentéisme », explique Daniel Del Rio, responsable du recrutement et de la formation chez GreenPaper, dont les propres grands-parents étaient des réfugiés ayant fui la dictature de Francisco Franco en Espagne. « Ils ont gagné le droit d'être ici ; ce n'est pas une aumône. »
« Les réfugiés sont des personnes très motivées, avec une grande volonté de travailler. Ils ont gagné le droit d'être ici. »
Jaquelin Rodriguez gère une équipe de 35 employés à l'usine GreenPaper. Elle affirme qu'un réfugié salvadorien de son équipe est enthousiaste et s'est bien intégré. « Travailler avec Roberto est une bonne expérience, il est très amical, attentif, et il veut vraiment travailler », dit-elle. « Nous voulons davantage de collègues de travail comme lui ! »
Le fabricant de pièces détachées Matro, qui a connu une croissance de 30% l'année dernière et qui prévoit une croissance similaire cette année, cherche également à embaucher davantage de réfugiés. Avec les heures supplémentaires proposées, le directeur Alberto Valdes considère sa main-d'œuvre réfugiée comme des partenaires clés.
« Ils sont les premiers à lever la main. Nous comptons sur eux pour travailler le week-end quand nous en avons besoin... ils ont une réelle volonté de travailler », dit-il.
Alors qu'ils débutent leur nouvelle vie au Mexique, les réfugiés ont des conseils à donner aux personnes dans leur situation.
« Le Mexique, c’est vraiment un pays bien, on peut refaire sa vie ici », dit Jorge en souriant.
L'entrepreneur Alberto espère pouvoir trouver la prospérité, et surtout, la paix.
« C'est comme si je me réveillais d'un cauchemar », dit-il.
*Certains noms de réfugiés ont été modifiés pour des raisons de protection