Des réfugiés protègent les forêts au Guatemala
Des réfugiés protègent les forêts au Guatemala
Bien que sa journée de travail commence dès l’aube, Josué n’a pas besoin de programmer un réveil. Les cris et les chants du chœur de l’aube tropicale suffisent amplement à réveiller ce garde forestier âgé de 19 ans qui travaille désormais dans l’un des endroits doté de la plus riche biodiversité de la planète, le Parc national El Mirador au Guatemala.
Pour Josué, un demandeur d’asile originaire de l’une des villes les plus dangereuses du Honduras, son nouvel emploi de garde forestier est un rêve devenu réalité.
« Quand j’étais petit, je regardais des émissions sur la nature à la télévision. Elles étaient mes préférées. Ce travail, c’est comme participer à l’un de ces documentaires », a déclaré Josué, qui a été forcé de fuir le Honduras à l’âge de 16 ans, après avoir repoussé les tentatives d’un gang de le recruter. Ce gang a riposté par une attaque brutale qui aurait pu facilement le tuer. « J’ai toujours rêvé de ce type d’emploi. »
Josué compte parmi les neuf demandeurs d’asile et réfugiés embauchés et formés pour travailler comme gardes forestiers dans les parcs nationaux du Guatemala. Elle comprend les forêts tropicales du Petén dans le nord-est du pays, qui constituent la plus grande zone protégée d’Amérique centrale, et trois réserves de biosphère reconnues par l’UNESCO, ainsi que de spectaculaires ruines de cités antiques mayas.
« Quand j’étais petit, je regardais des émissions sur la nature à la télévision… Ce travail, c’est comme participer à l’un de ces documentaires. »
En tant que gardes forestiers, ils sont responsables de l’entretien des sentiers empruntés par les visiteurs ainsi que de la surveillance de la flore et de la faune indigènes, ce qui comprend les animaux menacés comme les tapirs de Baird et l’ara écarlate, ainsi que les pumas et les jaguars. Les gardes forestiers passent 15 jours dans les parcs, dormant dans des camps rudimentaires, avant de rentrer chez eux pour 15 jours de congé.
Lors de sa première sortie dans le parc national de Dos Lagunas, Alejandro – devenu lui aussi récemment garde forestier - est tombé sur des empreintes de pattes et un carré d’herbe emmêlée et jonchée de plumes de faisan, où il est convaincu qu’un gros chat s’était récemment couché après avoir pris son repas. Alejandro*, 21 ans, qui travaillait auparavant dans le domaine de la construction au Honduras, a été lui aussi pris pour cible car il avait refusé de rejoindre les rangs de l’un des gangs armés qui terrorisent les résidents locaux.
- Voir aussi : Une famille hondurienne commence une nouvelle vie de l’autre côté du pays, mais la peur n’est jamais loin
Les menaces des gangs, la violence continuelle et la persécution dans le nord de l’Amérique centrale avaient forcé, à la fin 2019, quelque 720 000 personnes dans la région à fuir leur foyer, en quête de refuge dans des régions reculées de leur pays ou à l’étranger. En décembre 2019, quelque 121 300 Honduriens avaient déposé une demande d’asile à l’étranger, selon les statistiques du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
Les jeunes sont particulièrement vulnérables. Oser résister au recrutement dans un gang – comme l’ont fait Josué et Alejandro – peut se traduire par une condamnation à mort. Après avoir refusé le gang, Josué a été pris en chasse et il a subi des tirs par balles. Il a été touché, mais il a survécu à ses blessures.
« Quitter le Honduras a été un voyage très difficile pour moi, mais c’était une question de vie ou de mort », a-t-il rappelé.
Son collègue Alejandro a fini également par comprendre qu’il n’avait d’autre choix que de fuir lorsqu’un membre de gang lui a dit : « Soit vous vous joignez à nous, soit vous et vos proches aurez à faire à nous. » Sa famille a d’abord fui au Guatemala, et Alejandro les a suivis peu après.
« Nous faisons en sorte que les générations futures puissent voir toutes les plantes et tous les animaux qui vivent ici. »
Alors que la recherche d’un emploi tend à être un obstacle majeur pour les personnes qui sont forcées de quitter leur pays et de soutenir leurs proches, la pandémie actuelle de coronavirus, avec le confinement visant à prévenir la propagation du Covid-19, ont rendu beaucoup plus difficile l’obtention d’un emploi stable pour les demandeurs d’asile comme Josué et Alejandro.
Pour eux et les autres demandeurs d’asile et réfugiés embauchés en tant que gardes forestiers, l’emploi représente une bouée de sauvetage – une occasion rare de soutenir leurs familles et de contribuer en retour envers leurs communautés d’accueil en pleine pandémie. Ils ont été embauchés par Empleos Verdes, ou Green Jobs, un programme géré par l’organisation environnementale FUNDAECO et le groupe de défense des enfants El Refugio de la Niñez. Le programme est soutenu par le HCR.
« C’est une excellente occasion », a déclaré Abel Santos, coordinateur d’El Refugio de la Niñez dans la région de Petén. « Les gardes forestiers protègent un patrimoine qui appartient à toute l’humanité. »
Alejandro a acquiescé.
« Notre travail est très important », a-t-il dit. « Nous sauvons la vie des animaux et nous protégeons des ressources qui appartiennent à tous. »
Le Guatemala est l’un des pays les plus riches en biodiversité au monde, selon Rainforest Alliance, une organisation vouée à la préservation des forêts tropicales restantes. Mais malheureusement, le groupe affirme que ce qu’il appelle la « diversité étonnante de la vie végétale et animale » du Guatemala est menacé par la déforestation, l’exploitation forestière illégale et le commerce illicite des espèces sauvages, ainsi que par le changement climatique.
Compte tenu des dangers qui menacent le parc national où il travaille, Alejandro estime que son nouvel emploi est d’autant plus important.
« Nous faisons en sorte que les générations futures puissent voir toutes les plantes et tous les animaux qui vivent ici », a-t-il dit.
* Les noms ont été modifiés en raison de menaces sur les deux demandeurs d’asile