Des enfants érythréens retrouvent leur mère après un périple de huit ans
En mars dernier, tandis que Kedija* and son frère Yonas étaient incarcérés dans un centre de détention de la ville libyenne de Misrata, leurs chances de pouvoir rejoindre leur mère en Suisse après huit années de séparation semblaient compromises.
Avant cela, le frère et la sœur – âgés de 12 et 15 ans – ont fui leur pays, ont vécu seuls dans un camp de réfugiés éthiopiens, ont été capturés par des ravisseurs en échange d’une rançon et ont fini par embarquer à bord d'un bateau en direction de la Méditerranée pour rejoindre l'Europe, et finalement être interceptés, puis renvoyés en Libye.
Toutefois, grâce à la ténacité de leur mère Semira, à l’intervention des gouvernements et celle des agences humanitaires, et à une grande part de chance, ces enfants ont à nouveau retrouvé les bras de leur maman en Suisse.
« Je n’ai jamais perdu l’espoir d’être à nouveau avec mes enfants ».
« Malgré huit ans de séparation, je n’ai jamais perdu l’espoir de retrouver mes enfants », dit Semira, en les agrippant comme s’ils risquaient de disparaître à nouveau. Son visage souriant est baigné de larmes de joie et de soulagements.
Pour le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, cette histoire a démarré par un appel téléphonique entre des collègues du HCR en Libye et le Service Social International, une ONG basée en Suisse, spécialisée dans la protection des enfants, à laquelle Semira avait demandé de l’aide.
Sachant que les enfants étaient détenus quelque part dans le pays, et à l’aide de leur nom et d’une photo d’identité, des membres du personnel du HCR et d’ONG partenaires en Libye ont entamé leur recherche dans tous les centres de détention auxquels ils avaient accès.
Les chances de les retrouver étaient minces parmi près de 3 800 réfugiés et demandeurs d'asile qui sont actuellement incarcérés dans des dizaines de centres de détention officiels à travers le pays, et d'autres qui se retrouvent entre les mains de groupes armés et de trafiquants d'êtres humains.
Lorsque l’assistant principal chargé de la protection, Noor Elshin, a croisé deux enfants maigres et pâles dans le centre de détention de Karareem à Misrata, leurs visages étaient si différents de ceux de joie et de bonne santé qu’il avait en photo, qu’il en fût choqué lorsqu’il comprit qu’il avait effectivement retrouvé Kedija et Yonas.
« C'est littéralement comme trouver une aiguille dans une botte de foin », explique Noor. « Ils étaient en face de moi mais je n’arrivais pas à croire que nous les avions retrouvés. » Peu de temps après, Semira a reçu l'appel qu’elle espérait dans ses prières - ses enfants avaient été retrouvés.
Le périple de la famille a débuté en 2010, lorsque Semira a dû fuir les persécutions en Érythrée. Plutôt que d'emmener ses enfants vers l'inconnu, elle a pris la difficile décision de les laisser avec leurs grands-parents tandis qu’elle se mettait en quête d’un endroit sûr pour la famille.
Après cinq années de relative stabilité, Kedija et Yonas ont à leur tour dû fuir l’insécurité en Érythrée, en 2015, et traverser la frontière pour se rendre en Éthiopie. Semira a perdu contact avec eux pendant plusieurs mois, tandis que son frère, également en Éthiopie, cherchait désespérément sa nièce et son neveu.
L’oncle a fini par retrouver les enfants, qui vivaient seuls dans un camp de réfugiés à proximité de la frontière entre l'Éthiopie et l'Érythrée, et il leur a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour qu’ils rejoignent leur mère, installée désormais en Suisse.
Vers le milieu de l’année 2017, les enfants et leur oncle ont entrepris leur périple dangereux incertain dans le but de rejoindre Semira. Le trio a dû faire face à des températures extrêmes, à la soif et à la faim tandis qu’il tentait de monter à bord de camions et de bus à travers l’Éthiopie et le Soudan en direction des rives sud de la mer Méditerranée.
Les événements ont toutefois pris une mauvaise tournure à la frontière soudano-libyenne, où le groupe a été kidnappé avec violence par des passeurs, qui ont découvert que la mère des enfants vivait en Suisse et ont exigé une rançon pour les libérer.
Comme Semira n’était pas en mesure de répondre aux exigences financières des criminels, Kedija et Yonas ont été séparés de leur oncle avant d’être vendus d’un passeur à l’autre, plus terrorisés et vulnérables que jamais.
Un jour, plusieurs semaines après le début de ce calvaire, le frère et la sœur ont été relâchés de manière inattendue, puis ils ont été abandonnés dans le vaste désert libyen. Par miracle, ils ont été découverts et pris en charge par un groupe de compatriotes érythréens, qui prévoyaient également de prendre un bateau pour l'Europe, et qui ont promis de les emmener avec eux.
Lorsque le bateau a été intercepté et que les enfants ont été ramenés et incarcérés en Libye, ils ont pu appeler leur mère, qui à ce moment-là était remplie d’angoisses. « J’avais passé des jours et des nuits à prier pour eux, même si tout le monde autour de moi avait perdu espoir, jusqu’au jour où j’ai entendu la voix de ma fille pour la première fois depuis des mois », se rappelle Semira.
D’un seul coup, huit ans d’inquiétude et d’attente se sont envolés
Après que le HCR ait retrouvé ses enfants, le gouvernement suisse a accepté de leur accorder des visas humanitaires afin qu’ils puissent rejoindre leur mère. Le HCR a collaboré avec les autorités libyennes et tunisiennes pour organiser les documents nécessaires à la libération et au transport de Kedija et Yonas vers la Suisse, en passant par la Tunisie.
Le matin où le personnel du HCR est entré dans le centre de détention pour emmener les enfants et leur permettre de rejoindre leur mère, leur histoire était bien connue de tous ceux qui se trouvaient à l'intérieur. Ils ont quitté le centre sous les chants de joie de leurs compagnons de cellule érythréens.
Moins de 24 heures plus tard, après une nuitée à Tunis où l'ambassade suisse leur a fourni leurs documents de voyage, Kedija et Yonas ont atterri en Suisse, où une Semira anxieuse et excitée les attendait.
En apercevant ses enfants fatigués et désorientés à la porte des arrivées de l’aéroport, huit ans d’inquiétude et d’attente se sont envolés tandis qu’elle se précipitait vers eux pour les enlacer dans ses bras, folle de joie : enfin en sécurité, heureux et réunis.
*Tous les noms ont été modifiés pour des raisons de protection.