Le Chef du HCR lance un appel de fonds après sa visite dans un camp de réfugiés au Cameroun
Le Chef du HCR lance un appel de fonds après sa visite dans un camp de réfugiés au Cameroun
CAMP DE MINAWAO, Cameroun – Rahia et ses quatre enfants sont encore assaillis de cauchemars après les deux années en tant qu’otages de Boko Haram lors desquelles ils ont assisté à l’assassinat d’hommes et de femmes et ils ne savaient pas si le père des enfants était vivant ou mort.
Dans ce camp situé au nord du Cameroun, cette réfugiée nigériane de 47 ans a raconté à Filippo Grandi, chef du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, qu’elle avait passé trois semaines dans un sous-sol au côté de dizaines d'autres femmes et enfants qui avaient été enlevés en septembre 2013 dans leur village du nord-est de l'État de Borno, au Nigéria.
« Les hommes de Boko Haram menaçaient de nous trancher la gorge si on ne faisait pas ce qu'ils voulaient. Ils tuaient les femmes qui refusaient de les épouser », se rappelle Rahia qui a rejoint le camp tentaculaire de Minawao, au Cameroun, après avoir été libérée par des militaires nigérians l'an dernier.
« Mon mari était resté caché et il nous a rejoint au camp. Mais il a fallu du temps avant que les enfants surmontent ce traumatisme. Ils n'arrêtaient pas de dire à leur père : « Papa, papa, tu es un homme, il faut que tu partes maintenant, sans quoi ils vont te tuer. Ils vont te couper la gorge », a-t-elle expliqué à Filippo Grandi.
« Les hommes de Boko Haram menaçaient de leur trancher la gorge si les femmes et les enfants ne faisaient pas ce qu'ils voulaient. »
Le chef du HCR effectue une visite dans la région pour rappeler l'ampleur de la crise de déplacements de populations dans le bassin du lac Tchad et pour lancer un appel de fonds interagence de 241 millions de dollars, afin de venir en aide à quelque 460 000 victimes de l'insurrection de Boko Haram au Niger, au Tchad et au Cameroun, et notamment plus de 183 000 réfugiés nigérians.
En s'adressant ce jeudi aux hommes et aux femmes représentant les réfugiés dans le camp de Minawao, Filippo Grandi a salué la force et la résilience des réfugiés après les souffrances qu’ils ont endurées au Nigéria où Boko Haram poursuit ses exactions malgré l’amélioration de la sécurité dans la zone. Il s'est engagé à continuer à leur venir en aide, de même qu’aux dizaines de milliers de Camerounais déplacés par Boko Haram.
« Le HCR et ses partenaires humanitaires doivent poursuivre l'effort engagé pour créer des activités génératrices de revenus, notamment pour les femmes, afin de leur assurer une autonomie », a-t-il déclaré en ajoutant : « C’est ce qu’ils nous ont demandé et cela ne devrait pas être hors de portée de la communauté internationale. »
Filippo Grandi a également félicité les autorités camerounaises pour avoir accueilli une importante population déracinée dans le besoin et ayant fui pour échapper à la mort. Depuis juillet 2013, le HCR apporte également un appui aux communautés locales proches du camp de Minawao.
Depuis le début de l'année, environ 10 000 Nigérians sont arrivés au camp, la plupart en provenance de Borno où la situation demeure instable. Filippo Grandi s’est rendu dans les nouveaux services de maternité et de nutrition ainsi qu'une école où les enfants l'ont accueilli dans leurs uniformes bleus. Néanmoins, le manque de financement limite les possibilités d'enseignement dans ces classes surchargées qui comptent en moyenne 100 à 120 élèves. Les enseignants qualifiés et le matériel scolaire font également défaut.
« Bien évidemment, il y a des choses à améliorer, surtout en ce qui concerne l'alimentation, l'eau, le logement et l'éducation. Mais nous avons plusieurs projets qui permettront d'améliorer les conditions de vie des réfugiés », a promis le Haut Commissaire.
Lors du lancement du Plan régional d’aide aux réfugiés nigérians, qui a eu lieu ce jour à Yaoundé et qui vise à venir en aide à des centaines de milliers de personnes comme Rahia au Niger, au Tchad et au Cameroun, Filippo Grandi s'est alarmé de l’insécurité alimentaire croissante dans cette région dont l'économie a été réduite à néant.
Le Haut Commissaire a exhorté les gouvernements à préserver les lieux de refuge malgré l'extrême précarité de la situation. Il a souligné l'urgente nécessité de lancer des activités de développement dans tous les pays et communautés hôtes pour contribuer à l'autosuffisance du plus grand nombre.
Cela suppose d'apporter une éducation aux réfugiés et aux enfants : « Je suis convaincu que l'éducation est le meilleur investissement que nous puissions faire dans la région du lac Tchad, aujourd'hui comme à l'avenir, afin d’éviter que l'histoire et les épouvantables violences des dernières années ne se répètent. »
« Les parents de la région nous ont demandé d'investir de toute urgence dans l'avenir de leurs enfants, et ils ont raison : outre les besoins humanitaires immédiats, la communauté internationale doit investir dans l'économie et l'éducation. »
La semaine prochaine, le Haut Commissaire achèvera sa visite par le Nigéria où 1,8 million de personnes ont été déplacées par l'insurrection. Il pourra se rendre compte par lui-même d’où sont originaires Rahia et des dizaines de milliers d'autres réfugiés nigérians. Il faudra encore améliorer la sécurité et investir dans le développement afin de favoriser leur retour en toute sécurité.