Le HCR assure la participation des réfugiés centrafricains à l'élection présidentielle en RCA
Le HCR assure la participation des réfugiés centrafricains à l'élection présidentielle en RCA
Des dizaines de milliers de réfugiés centrafricains prendront part au deuxième tour de l'élection présidentielle centrafricaine ce week-end grâce notamment à l'appui du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Toutes les parties concernées espèrent que cette élection marquera un tournant dans l'histoire du pays qui permettra d'ouvrir la voie à une paix durable et de mettre en place un gouvernement stable ainsi que l'Etat de droit, après des années de violences intercommunautaires ayant conduit à des violations des droits humains et au déplacement forcé de près d'un million de personnes, dont plus de 460 000 ayant fui vers les pays voisins de la République centrafricaine. Le 30 décembre 2015, des milliers de réfugiés vivant au Tchad, au Cameroun et au Congo ont pu voter au premier tour de l'élection présidentielle. Ceux qui vivent en République démocratique du Congo n'ont quant à eux pas pu exprimer leurs voix. Les candidats au second tour de l'élection présidentielle sont deux anciens Premiers Ministres. Le nom du futur Président devrait être connu à la mi-mars. Charles Mballa, le représentant adjoint du HCR en République centrafricaine (RCA), a coordonné les efforts du HCR pour assurer que les réfugiés puissent voter, et ce en étroite collaboration avec l'Agence Nationale des Elections (ANE), les autorités de transition, les pays d'asile, les organisations partenaires et les donateurs. Il revient sur le processus électoral et la participation des réfugiés et en discute avec Dalia Al Achi, employée du HCR en charge de l'information à Bangui.
Pourquoi est-il important que les réfugiés participent aux élections?
Près de 10 pour cent de la population centrafricaine a fui vers les pays voisins depuis l'escalade de la crise en 2013 [suite à la prise du pouvoir par les Seleka en mars]. Il était très important de les prendre en compte et d'assurer qu'ils puissent choisir leur futur dirigeant et participer à la vie socio-politique de leur pays. Etre un réfugié ne signifie pas que vos liens avec votre pays d'origine sont complètement coupés.
Les réfugiés centrafricains dans leur majorité n'ont qu'une seule envie : rentrer chez eux. Ils se sont enfuis parce que leurs vies étaient directement menacées. Beaucoup étaient d'ailleurs visés en raison de leurs croyances religieuses. Leur donner la possibilité de voter est une première étape pour rétablir les liens brisés et renforcer leur sentiment d'appartenance à un pays et à une nation.
Beaucoup de réfugiés centrafricains s'étaient sentis abandonnés par leur gouvernement, c'est pour cette raison précise qu'ils étaient très heureux de savoir que les autorités de leur pays avaient finalement autorisé leur participation. En prenant part au premier tour de l'élection [le 30 décembre], ils avaient l'espoir que leurs voix allaient être entendues. Le taux élevé de 61 pour cent de participation des réfugiés au 1er tour en âge de voter dans ces trois pays [Tchad, Cameroun et Congo] est une preuve de l'importance qu'ils accordent à ce processus.
Si les réfugiés n'avaient pu exercer leur droit de vote, il est très probable qu'ils se seraient sentis encore plus marginalisés. Cela aurait pu conduire à des réactions négatives parmi les réfugiés, renforçant un sentiment d'exclusion et compromettant les perspectives d'une paix durable.
Quel est le rôle du HCR dans ce processus ?
Suite à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, et à la demande de l'Autorité Nationale des Elections (ANE), le HCR a fourni un appui technique et logistique pour faciliter la participation des réfugiés aux élections. Nous avons joué un rôle clé de plaidoyer pour l'amendement de la loi électorale pour permettre aux réfugiés de voter. Le HCR a également déployé des efforts de plaidoyer auprès des pays d'accueil et a grandement contribué à établir un cadre juridique leur permettant de voter dans les trois pays d'asile.
Nous avons également aidé les fonctionnaires et les formateurs de l'Autorité Nationale des Elections (ANE) qui ont géré le bon déroulement des élections dans ces pays en produisant des informations pour les réfugiés, en identifiant des bureaux de vote ainsi qu'en transportant et en livrant du matériel électoral non sensible dans les lieux de scrutin. Le personnel du HCR a également aidé certains électeurs à se rendre dans les bureaux de vote. Nous étions présents dans la plupart des bureaux de vote durant la journée, pour contrôler la sécurité et la santé des réfugiés.
Quels ont été les principaux défis ?
Il semblait à un moment qu'il n'y aurait pas de participation des réfugiés car les hommes politiques étaient divisés sur cette question. En juin, le Conseil national de transition [parlement intérimaire] avait rejeté un amendement de la loi électorale pour permettre aux réfugiés de voter. Cela a demandé des efforts et des discussions avant que la Cour constitutionnelle n'ordonne que la nouvelle loi inclue la participation des réfugiés à l'élection présidentielle. Convaincre les pays hôtes de permettre des élections sur leur sol a été un autre défi. Certains étaient confrontés à des problèmes de sécurité, d'autres ne voulaient pas voir des réfugiés participer à des activités politiques. Le financement était un problème et il y avait des contraintes logistiques, en particulier au Cameroun, où 70 pour cent des réfugiés centrafricains ne vivent pas dans des camps.
Les délais serrés ont également causé des problèmes ainsi qu'un manque de capacités et de personnel électoral formé, en particulier lors du référendum du 13 décembre pour une nouvelle constitution qui a été marqué par des violences ayant causé la mort d'au moins 10 personnes. Le taux de participation du référendum parmi les réfugiés était inférieur à 50 pour cent et de nombreux bulletins ont été déclarés nuls en raison d'erreurs commises pour les remplir.
Le premier tour de l'élection présidentielle a-t-il été un succès en termes de participation des réfugiés ?
Les réfugiés ont voté, ce qui est un succès en soi. Près de 61 pour cent (33 000) des réfugiés inscrits sur la liste électorale dans les trois pays d'accueil ont pu voter. On peut comparer ce taux de participation à celui d'environ 62 pour cent des électeurs à l'intérieur de la République centrafricaine. Nous espérons voir un taux de participation similaire des réfugiés au second tour. L'enthousiasme avec lequel les gens se sont rendus dans les bureaux de vote en République centrafricaine, malgré les risques de violences, est une indication claire que la population centrafricaine espère beaucoup de ces élections et veut tourner la page. Ce pays a subi cinq coups d'État depuis la déclaration de son indépendance avec la France en 1960. Ces élections représenteront une première étape vers l'Etat de droit en RCA.
Le nouveau chef et le gouvernement devront faire face à d'immenses défis : le désarmement et la réinsertion des groupes armés, la restauration de l'autorité de l'Etat et de l'Etat de droit, la réhabilitation des infrastructures de base, la reprise économique, le retour des réfugiés et des solutions pour les personnes déplacées à l'intérieur du pays. Le HCR aura son rôle à jouer.
Qu'avez-vous appris de ce processus jusqu'à présent ?
La leçon la plus importante est que, dans des circonstances similaires à l'avenir, nous devrions plaider - beaucoup plus tôt dans le processus - pour la participation des réfugiés aux élections. Si les préparatifs avaient été lancés plus tôt, un outil de sensibilisation efficace aurait pu être introduit à temps pour nous permettre de signer des accords avec les pays hôtes beaucoup plus tôt [et nous aurions pu lancer le processus plus tôt]. Une autre leçon est de consacrer suffisamment de temps et de ressources pour diffuser des informations sur le processus électoral et former les électeurs afin qu'ils puissent prendre une décision éclairée.
Avez-vous des souvenirs particuliers de l'élection ?
L'un des faits les plus émouvants dont j'entendu parler est l'histoire d'un réfugié à Betou, au Congo. Il y avait trouvé refuge 35 ans auparavant. Quand il a entendu parler des élections, il pensait que c'était une plaisanterie et qu'il ne pourrait jamais trouver son nom sur les listes électorales. Mais il a décidé de tenter sa chance. Il a effectué des centaines de kilomètres à pied pour rejoindre le centre d'inscription des électeurs. Quand il a trouvé son nom sur la liste, il a fondu en larmes. Il s'est enregistré et il a voté. C'est un souvenir très cher à mon coeur.