Le laboratoire grec de recherche ADN aide à identifier des proches décédés en mer Égée
Le laboratoire grec de recherche ADN aide à identifier des proches décédés en mer Égée
ATHENES, Grèce, 4 avril (HCR) - L'appel téléphonique provient de New York, en décalage horaire de sept heures en moins par rapport à l'heure d'Athènes. Une femme d'origine syrienne se trouvant aux États-Unis tente de retrouver la trace de son cousin et de son oncle. Elle pense qu'ils sont morts tous les deux durant la traversée de la mer Egée depuis la Turquie vers la Grèce. Elle veut en être sûre et, si c'est le cas, prendre des dispositions pour rapatrier les corps.
Penelope Miniati, la nouvelle cheffe du service de criminologie en Grèce, prend l'appel. Elle ne voit pas les victimes ayant perdu la vie dans ces situations, mais son travail consiste à ce que les familles connaissent le sort de leurs proches.
Elle supervise les services grecs d'identification par l'ADN depuis leur création. Elle est désormais un lien crucial pour des milliers de personnes qui tentent de retrouver la trace de leurs enfants, leur mère, leur père, des frères et soeurs disparus lors de la dangereuse traversée depuis la Turquie vers la Grèce cette année.
« C'est une obligation pour notre Etat et une marque de civilisation », a déclaré Penelope Miniati, qui a été promue le mois dernier depuis le service de l'identification par l'ADN pour superviser tout le service de criminologie. « Si quelqu'un est introuvable et enterré, le processus de deuil ne peut pas commencer. C'est comme si les âmes continuaient à planer ».
Environ 4400 personnes sont mortes en Méditerranée depuis 2015. La crise des réfugiés a signifié pour le laboratoire d'identification par l'ADN, situé dans une banlieue d'Athènes, de traiter environ 30 cas par an en moyenne à désormais au moins 70 cas en deux jours, comme c'est arrivé l'été dernier après deux naufrages majeurs en deux jours.
Depuis l'année dernière jusqu'à 20 mars 2016, les autorités grecques ont signalé 571 morts ou personnes portées disparues sur la route depuis la Turquie vers la Grèce.
Penelope Miniati, diplômée des universités de Toledo aux États-Unis et de la Crète, en Grèce, a établi le premier laboratoire d'identification par l'ADN dans le pays en 1994, avec deux autres femmes. L'équipe compte désormais environ 55 scientifiques et elle est la seule employée restée depuis l'origine de cette organisation.
Elle explique qu'en raison de son éducation américaine, elle a insisté pour que le laboratoire, officiellement intitulé la subdivision de la police grecque pour les examens biologiques et biochimiques par l'ADN, soit le référentiel pour tout ce qui a trait au matériel génétique. Cela permet un échange efficace d'informations avec d'autres États et services.
Le pire accident d'aviation de la Grèce fut le crash en 2005 d'un avion de la compagnie Helios Airways qui a tué les 121 personnes à bord. Cette catastrophe avait alors contribué à la former ainsi que tout son personnel à identifier les victimes de tragédies, en particulier des enfants et des familles qui sont plus difficiles à identifier car ils sont génétiquement semblables.
Les enfants représentent 38 pour cent des personnes en déplacement dans la crise de réfugiés. Les décès par noyade lors de la traversée depuis la Turquie à la Grèce ont donc augmenté proportionnellement.
Au plus fort de la crise, en moyenne deux enfants par jour sont morts noyés, selon les statistiques du HCR.
Le personnel de Penelope Miniati ne voit pas les corps mais ils traitent de biens personnels, comme les ours en peluche et des brosses à dents, amenés par des proches pour aider à établir à l'identification de correspondances de patrimoines ADN.
Outre le volume, il y a des aspects plus spécifiques à la crise des réfugiés qui ont rendu essentiel le travail du laboratoire grec d'identification par l'ADN. Beaucoup parmi les morts sont identifiés immédiatement, mais l'ADN est souvent utilisé pour identifier les corps retrouvés en mer après le début de la décomposition, ce qui rend difficile d'utiliser les empreintes digitales ou les dossiers dentaires, chirurgicaux ou médicaux du pays d'origine du réfugié, comme la Syrie.
La femme syrienne est sûre que son oncle et son cousin ont malheureusement fait partie du naufrage à la fin octobre 2015, quand 221 personnes au total avaient perdu la vie, durant le mois le plus meurtrier jamais enregistré en 2015 pour les traversées vers la Grèce. Aristea Methenitis, le biologiste qui a pris l'appel, a indiqué que certaines recherches préalables étaient nécessaires. La date du naufrage ne correspond pas avec les dates en Grèce, avec une différence de deux jours, dit-elle.
Le recours à l'identification par l'ADN demeure un outil important - aujourd'hui et à l'avenir - pour prouver une parenté en l'absence de pièces justificatives.
Elle a cité un exemple récent en Grèce concernant un mineur non accompagné âgé de 14 ans. Penelope Miniati a expliqué qu'il était extrêmement important d'établir qu'il y avait un lien biologique entre l'adolescent et l'homme se disant être son oncle. Plus de 90 000 enfants non accompagnés ou séparés ont été enregistrés et ont déposé une demande d'asile, ou alors étaient pris en charge en Europe l'année dernière, principalement en Allemagne et en Suède.
Pour la femme syrienne à New York, la recherche de son cousin et de son oncle se poursuivra par l'intermédiaire de l'ADN et de la voie diplomatique. Elle a déjà déposé un rapport de personne disparue auprès du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à New York et elle va envoyer un échantillon d'ADN de sa tante, la soeur de l'oncle manquant, à Athènes via la mission diplomatique grecque pour effectuer la recherche de correspondance avec les données sur les personnes disparues dans la base de données grecque.
« Parfois, l'identification d'un corps est aussi simple qu'une croix en pendentif, ou des lunettes qu'un père portait depuis toujours », a déclaré Penelope Miniati. « Mais quand ce n'est pas le cas, la meilleure façon de procéder, c'est l'identification par l'ADN. »
Par Maria Petrakis, Athènes