Le chant joyeux d'une ancienne esclave de l'Armée de résistance du Seigneur
Le chant joyeux d'une ancienne esclave de l'Armée de résistance du Seigneur
DUNGU, République démocratique du Congo, 18 septembre (HCR) - La voix forte et claire de Monique* s'élève au sein d'une petite chorale animée et composée de jeunes, à l'extérieur d'une église dans la ville reculée de Dungu au coeur de l'Afrique. Elle et ses amis répètent la messe de dimanche en tapant des mains et en dansant. Mais, il y a à peine quatre ans, la jeune fille de 18 ans ne chantait ni ne dansait. Elle pensait qu'elle allait mourir.
En 2009, elle est devenue l'une des dizaines de milliers de femmes enlevées et abusées physiquement et sexuellement par l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), un groupe rebelle ougandais pervers et dévoyé qui a semé un cortège de souffrances dans la région des Grands Lacs au cours des 25 dernières années. Plus de 320 000 personnes sont toujours déplacées.
Monique a été enlevée avec cinq autres adolescentes lorsque la LRA a attaqué leur village, Duru, à environ 90 kilomètres de Dungu dans la province Orientale en République démocratique du Congo. Le beau-père de cette adolescente de 14 ans a été tué sous ses yeux et sa mère, enceinte, a été violemment battue au point de faire une fausse couche.
Les jeunes filles ont été emmenées vivre dans la forêt et sont devenues des objets sexuels pour les guerriers de la LRA. « Lorsque nous avons été enlevées, on nous a offertes à des hommes. Le mien était bien plus âgé que moi et était marié. La nuit, il voulait coucher avec moi de force et, si je refusais, il me battait », raconte Monique. « Je me sentis très mal lorsqu'il m'a prise de force. Je me suis sentie mal, parce que j'étais toujours vierge. J'ai cru que j'allais mourir », ajoute la jeune femme.
Monique pensait qu'elle était condamnée à passer sa vie comme esclave de la LRA et de ce vieil homme violent.
L'Armée de résistance du Seigneur est apparue pour la première fois en Ouganda en 1987 et a rapidement gagné la réputation d'un groupe rebelle brutal qui kidnappe les enfants. La LRA est active en République démocratique du Congo depuis 2005. Ses guerriers ont tué plus de 2 000 personnes et en ont enlevé 3 000 autres au cours des huit dernières années.
La vie en forêt était précaire. La violence et le meurtre étaient chose courante. Monique admet qu'elle a elle-même participé à deux meurtres, parce elle n'avait pas eu d'autre choix. C'était « tuer ou mourir à la place du condamné », explique-t-elle.
Mais elle a eu de la chance : après huit mois de captivité, elle a été sauvée par les troupes congolaises alors qu'elle était partie à la recherche de nourriture avec des guerriers de la LRA.
Les soldats l'ont amenée à Dungu dans l'espoir qu'elle y retrouverait des proches. Et ils ont été bien inspirés, car Monique y a retrouvé sa mère et son petit frère. Mais sa joie a été de courte durée : après deux mois, elle a découvert qu'elle était enceinte.
Cette nouvelle a été un choc terrible, c'était bien trop pour elle. « Je ne savais pas quoi faire. Aller à l'hôpital pour me faire avorter ou garder l'enfant », explique Monique. Tandis qu'elle se débattait avec ses émotions à ce moment décisif de sa vie, Soeur Angélique Namaika, qui est lauréate 2013 de la prestigieuse distinction Nansen du HCR pour les réfugiés, en l'honneur de ses services exceptionnels aux personnes déracinées, est entrée dans la vie de Monique et lui a donné des conseils qui ont changé sa vie.
La religieuse catholique sympathique et réconfortante a convaincu la jeune femme enceinte de garder le bébé et d'apprendre à l'aimer. Soeur Angélique est arrivée à Dungu en 2003 afin de mener une action pastorale avec d'autres religieuses.
Toutefois, depuis 2008, elle consacre son temps à aider les jeunes filles et les femmes qui ont été victimes de violence lorsqu'elles étaient aux mains de la LRA. Elle a elle-même été forcée de fuir la violence de la LRA en 2009.
« J'étais très heureuse d'avoir gardé mon fils », nous dit Monique, qui était étonnée de la bonté et de la sagesse de cette douce religieuse du village de Kembisa dans la province Orientale, et ajoute qu'elle n'a jamais rencontré quelqu'un d'aussi gentil et généreux.
Soeur Angélique a non seulement conseillé Monique à propos de son enfant, mais elle a également commencé à lui enseigner un métier - la couture - qui l'aiderait à devenir indépendante et à gagner l'argent pour vivre et élever son enfant.
Monique confectionne à présent des uniformes scolaires et d'autres vêtements. Elle espère qu'avec les revenus de ses ventes, elle pourra bientôt acheter un vélo ce qui lui permettra de se rendre à domicile, de faire des livraisons et de se créer une clientèle.
« Avec l'argent que je gagne, j'achète de la nourriture et je paie pour des soins médicaux. J'ai ma propre machine à coudre et je l'utilise beaucoup », dit-elle, ajoutant que son rêve à présent est d'envoyer un jour son fils à l'école. « Je regarde l'avenir avec optimisme », conclut-elle avec un sourire.
*Nom fictif pour des raisons de protection.
Par Céline Schmitt à Dungu, République démocratique du Congo