Succès pour les toiles d'un artiste peintre congolais sur sa vie dans un camp de réfugiés
Succès pour les toiles d'un artiste peintre congolais sur sa vie dans un camp de réfugiés
CAMP DE REFUGIES DE LUGUFU, Tanzanie, 13 juillet (UNHCR) - Quand Milus peint, les gens y prêtent tout de suite attention, sa technique de mélange de peintures à l'huile et à l'eau est devenue sa marque de fabrication. Si l'artiste congolais a jadis peint le portrait du Président, aujourd'hui ses toiles s'inspirent de sa fuite et sa vie en tant que réfugié en Tanzanie.
Ses toiles suscitent beaucoup d'intérêt. L'année dernière, la Commission européenne a organisé en France une exposition de son travail, qui a rencontré un grand succès, et le Comité international de la Croix-Rouge en prévoit une autre fin 2006 dans la ville côtière tanzanienne de Dar es Salam.
Milus n'a pas pu se rendre à l'exposition en France car il vit avec sa femme et ses trois enfants à Lugufu, un camp isolé accueillant des réfugiés dans l'ouest de la Tanzanie. Il lui est difficile d'obtenir un visa pour se rendre à l'étranger. Toutefois il dispose de photos de l'événement. Cet homme timide n'est pas encore sûr de se rendre à sa prochaine exposition à Dar es Salaam.
Ses peintures sont vendues principalement à des collectionneurs étrangers, le produit de leur vente adoucit sa vie quotidienne dans le camp. Les prix vont de 500 shillings tanzaniens (40 cents) pour une peinture au format carte postale à 10 000 shillings tanzaniens (8 dollars) pour une peinture de plus grande taille. Milus utilise l'argent pour nourrir et vêtir sa famille ainsi que scolariser ses enfants. La vie est difficile, il sait qu'il bénéficie d'une situation privilégiée par rapport à d'autres personnes du camp.
Sa vie était très différente il y a dix ans dans son pays d'origine, la République démocratique du Congo (RDC), où il était une célébrité nationale après avoir peint le portrait du Président Mobutu Sésé Seko. Né sous le nom de Lumona Milusi Milundu à Uvira sur le lac Tanganyika dans les années 50, Milus a été formé dans une école technique de Bujumbura, la capitale burundaise.
Après avoir affiné ses talents d'artiste, Milus est rentré dans son pays et a commencé à se faire connaître. En 1985, il a été appelé dans la ville de Goma, sur le lac Kivu, pour peindre le portrait du Président. « J'étais très heureux que le Gouvernement m'ait choisi pour effectuer ce travail », se rappelle Milus.
En 1997, le chef des rebelles Laurent Kabila a mis fin aux 32 ans de règne de Mobutu sur l'ancienne colonie belge qu'il avait renommée Zaïre. Si le nom du pays a de nouveau changé sous Kabila, les difficultés de la population, elles, n'ont pas changé. Milus et nombre de ses compatriotes ont fui vers les pays voisins en 1997 pour échapper à de nouveaux combats entre les forces de Kabila et ses anciens alliés dans l'est du pays. La soif du pouvoir et la lutte pour le contrôle des ressources naturelles de la RDC ont alimenté le conflit.
Neuf ans plus tard, Milus, sa famille et quelque 86 000 autres Congolais habitent toujours au camp de réfugiés de Lugufu. S'il ne peint plus de portraits de personnes célèbres, Milus utilise son talent pour expliquer au monde entier ce qu'être réfugié signifie. Ses peintures témoignent de sa fuite depuis la RDC et des corvées quotidiennes au camp comme la collecte du bois et le puisage de l'eau.
Elles facilitent aussi la vie de ses compatriotes réfugiés à Lugufu. Nombre de personnes dans le camp semblent savoir où se situe son abri. Les images de la vie au camp sur lesquelles Milus concentre maintenant son travail l'aident, lui et les autres, à mieux faire face aux exigences du quotidien.
Le passe-temps artistique de Milus l'aide à rester occupé et à garder espoir. La lumière semble poindre au bout du tunnel. Encouragés par les réfugiés du camp, les convois quittent Lugufu pour la RDC transportant ceux qui pensent que la situation sécuritaire est satisfaisante pour rentrer et reconstruire leurs vies dans la liberté.
Milus attend son tour. « Quand je rentrerai au Congo, je continuerai à peindre. » Il sait où se déroulera sa vie future, mais il n'est pas encore prêt pour franchir le pas.
Par Tyler Holden, depuis le camp de réfugiés de Lugufu, en Tanzanie