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Une réfugiée « envoyé spécial » évalue la situation dans son pays, le Burundi

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Une réfugiée « envoyé spécial » évalue la situation dans son pays, le Burundi

Trente-trois ans après avoir fui la guerre au Burundi, Joyce Uwimana se rend en visite dans son pays, avec neuf autres réfugiés choisis comme « envoyés spéciaux » par des milliers de leurs compatriotes en Tanzanie. Ils attendent avec impatience son appréciation sur la situation dans leur pays d'origine.
27 Octobre 2005
Joyce et sa belle-soeur cherchent l'endroit où la famille pourra construire sa maison à son retour de Tanzanie.

KAYANZA, Burundi, 27 octobre (UNHCR) - Joyce Uwimana observait attentivement depuis des heures les collines du Burundi qui défilaient devant elle ; soudain elle montra du doigt une maison avec une porte bleue, à moitié cachée par le paysage verdoyant. « C'est ici », dit-elle, la voix vibrante d'émotion. Elle ramassa la valise bleue remplie de vêtements pour sa famille, puis sauta de la voiture et prit le sentier sinueux qui menait à la maison.

Joyce avait 16 ans lorsqu'elle a fui les violences interethniques qui ont déchiré le Burundi en 1972. Aujourd'hui, après 33 années d'exil, d'abord au Rwanda et ensuite en Tanzanie, Joyce rentre à la maison.

Pour cette première visite au pays, le programme est chargé, et on lui a confié une mission d'importance : elle doit trouver un endroit adéquat pour construire une maison qui pourrait l'accueillir, elle, son mari et ses 14 enfants et petits-enfants, lorsqu'ils rentreront enfin au pays pour de bon. Elle doit aussi être les yeux et les oreilles de milliers d'autres réfugiés burundais en Tanzanie.

Dans quelques jours, Joyce retournera dans le camp de Tanzanie où elle vit avec sa famille depuis 1994. En tant que vice-présidente du comité de réfugiés du camp A de Lukolé, elle a été choisie, avec neuf autres réfugiés, pour être « envoyé spécial » par des milliers de ses compatriotes en Tanzanie. Ils attendent son retour avec impatience pour avoir des nouvelles de la situation dans leur pays.

La visite de trois jours a été organisée par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés pour le compte de réfugiés burundais, originaires des provinces de Karuzi et de Kayanza et qui vivent actuellement dans les camps en Tanzanie. « L'idée de ces voyages est d'aider les réfugiés à faire un choix en connaissance de cause par rapport au retour », explique la responsable du rapatriement de l'UNHCR, Katja Saha. « Il nous a semblé nécessaire de donner aux réfugiés burundais la chance d'obtenir de l'information directe sur la situation post-électorale au Burundi. »

La nomination de l'ancien chef rebelle Hutu Pierre Nkurunziza en tant que président, au mois d'août dernier, a achevé le processus de transition au Burundi. Les élections étaient la dernière étape majeure vers le retour de la démocratie et de la paix, après une guerre civile qui a coûté la vie à 300 000 personnes depuis 1993 et a poussé 700 000 Burundais à fuir vers les pays voisins ou à devenir des déplacés dans leur propre pays. Aujourd'hui, tous les groupes rebelles, sauf un - le Front national de libération - ont signé le cessez-le-feu.

« Les réfugiés peuvent rentrer chez eux », déclare au groupe de visiteurs Sylvestre Ndayizeye, gouverneur de la province de Karuzi, dans le centre du Burundi. « La guerre est finie. Oui, il reste des bandits, il y a des gens qui veulent se venger, mais cela arrive partout dans le monde. Le conflit est fini. Les autorités locales et nationales, tout comme l'UNHCR, sont là pour les aider à rentrer au pays et à rebâtir leur vie », continue-t-il.

La sécurité est un des points principaux pour les réfugiés. Le groupe souligne ses inquiétudes au sujet de la sécurité, de la démobilisation et de la collecte des armes, ainsi qu'au sujet de l'aide aux rapatriés, de la santé et de l'éducation. Ils prennent note soigneusement des réponses du gouverneur, tout du prix du riz, des pois et de la farine lorsqu'ils visitent le marché local. Gérald Ndabimala, responsable de terrain pour l'UNHCR, accompagne les réfugiés de Tanzanie. Il leur a donné un carnet de notes avant qu'ils ne quittent le camp. « Je leur ai dit d'enquêter sur tout ce qu'ils trouvent important, comme la sécurité évidemment, mais aussi les prix au marché, et d'écrire les réponses qu'ils recevaient. »

Les réfugiés sont déjà relativement bien au courant de la situation au Burundi : ils écoutent les radios burundaises, ils ont créé leur propre station de radio dans les camps, et, de temps en temps, ils reçoivent du courrier de leur famille. En montant vers la maison à la porte bleue, Joyce espère pouvoir embrasser son frère et sa femme, et rencontrer leurs enfants pour la première fois. Elle a reçu une lettre d'eux il y a moins de deux mois.

Les neveux et nièces de Joyce ainsi que sa belle-soeur sont là pour l'accueillir, mais elle ne reverra plus jamais son frère : il est mort plus tôt dans la semaine, trois jours seulement avant de pouvoir retrouver sa soeur, qu'il n'avait plus vue depuis plus de dix ans. Malgré cette mauvaise nouvelle inattendue, Joyce et sa belle-soeur font rapidement des projets pour le futur. Une autre maison peut être construite sur le terrain que la famille possède, décident-elles.

Cependant, Joyce n'est pas tout à fait rassurée. Comme les autres réfugiés burundais, elle se rend vite compte que réclamer des terres est une source de conflit potentiel dans un pays surpeuplé. « J'ai peur que, lorsque nous reviendrons pour de bon, il ne soit pas si simple d'avoir un endroit pour reconstruire une maison, quoi qu'on promette maintenant », dit-elle.

Et pourtant, le message qu'elle donnera aux autres réfugiés lorsqu'elle rentrera au camp sera que la plus grande partie du pays est à présent en paix et que les choses ont changé. « Les Hutus et les Tutsis travaillent ensemble pour diriger le Burundi », dit-elle, « mais le pays est pauvre. Les gens sont squelettiques ! » Néanmoins, elle a pris la décision de rentrer. « Je vais rentrer chez moi. Mes enfants doivent découvrir leur pays », déclare-t-elle.

Elle ajoutera son nom à la liste des personnes qui attendent d'être rapatriées de Tanzanie par l'UNHCR. Elle suivra l'exemple de 58 000 Burundais qui ont fait de même depuis le début de l'année. A son retour, elle recevra de la nourriture pendant trois mois et quelques articles essentiels tels que des bâches en plastique, des couvertures et des casseroles. Un total de 284 489 réfugiés burundais ont déjà quitté la Tanzanie depuis 2002. Cependant, il reste plus de 400 000 autres réfugiés burundais qui devraient suivre.

Par Catherine-Lune Grayson à Kayanza, Burundi