Wintegreat : les Grandes écoles et universités en France au service des réfugiés
Wintegreat : les Grandes écoles et universités en France au service des réfugiés
PARIS - C’est une remise de certificats plus émouvante que les autres. Des éclats de rire et des applaudissements ponctuent la cérémonie en cette après-midi pluvieuse. Les étudiants, touchés, évoquent « un espoir retrouvé » et « une nouvelle vie qui commence ».
Dans l’amphithéâtre de Science Po Paris, le président de l’école, Frédéric Mion, et les 30 enseignants bénévoles présents sont tout aussi émus. « C’est une leçon de vie que vous nous donnez tous les jours, » souligne-t-il.
Les 27 participants de programme ont un mérite considérable car ils ont dû interrompre leur parcours pour fuir la guerre et les persécutions. Ils reprennent leurs études dans un pays qu’il ne connaissait pas et dans une langue qu’ils ne parlaient pas, il y a seulement quelques mois.
« Vous avez appris à un oiseau sans ailes à voler. Je n'aurais jamais rêvé d’étudier à Science Po. »
Arborant son diplôme comme un trophée sur l’estrade, un étudiant confie en anglais : « vous avez appris à un oiseau sans ailes à voler. Je n'aurais jamais rêvé d’étudier à Science Po ».
Cette promotion d’étudiants de 21 à 46 ans se voit remettre le certificat du programme tremplin certifiant et gratuit de Wintegreat. Il permet de redonner vie aux projets professionnels des personnes réfugiées et aux demandeurs d’asile en France grâce à des partenariats avec les Grandes écoles et universités, notamment l’ESCP Europe, l'ESSEC, Science Po Paris et Science Po Bordeaux.
Eymeric Guinet et Theo Scubla, deux étudiants en Master 1 à l’ESCP Europe à Paris, ont fondé cette association en septembre 2015. « Nous étions deux, nous refusions de gâcher le talent des personnes réfugiées. Nous voulions redonner vie à leurs projets, créer du lien entre la société d’accueil et les nouveaux arrivants, » dit Théo.
Considérant l’éducation comme un vecteur primordial d’intégration, Wintegreat offre des cours de français comme langue étrangère (FLE), d’histoire, de « Vivre en France » et d’anglais afin de valoriser les compétences des réfugiés. Ils sont syriens, ukrainiens, biélorusses, arméniens, soudanais ou tchadiens. Ils sont spécialisés en ingénierie télécom, géologie, comptabilité ou musique.
« Nous étions deux, nous refusions de gâcher le talent des personnes réfugiées. Nous voulions redonner vie à leurs projets, créer du lien entre la société d’accueil et les nouveaux arrivants. »
Wintegreat met également les participants du programme en relation avec des entreprises susceptibles de les recruter pour un stage, un travail en intérim, ou directement en tant qu’employés. « Les débouchés doivent correspondre aux profils des étudiants réfugiés. C’est notre credo : on veut révéler le talent des personnes. On s’adapte à elles plutôt que de chercher à adapter les personnes à nous, » souligne Théo.
A titre d’exemple, un étudiant a trouvé un emploi à temps plein au sein d’une coopérative solidaire à Nantes, suite au programme à Science Po Bordeaux, qui s’est achevé en mai 2017. Un autre, un architecte irakien, a intégré une école d’architecture et a obtenu un stage à Bordeaux.
« Le programme ouvre aux participants des portes qui n’auraient pas été ouvertes s’ils n’avaient pas participé au programme car le réseau de Science Po est assez dense, » explique Ana Mylonas, Coordinatrice des cours de français comme langue étrangère et Directrice du prochain programme Wintegreat à Sciences Po Bordeaux.
Le système de triple accompagnement de Wintegreat fait l’originalité de ce programme.
Un « mentor », souvent un cadre dirigeant ou un entrepreneur, aide l’étudiant à redéfinir son projet professionnel. Un « coach » apporte au participant avec lequel il est en binôme des outils concrets, telle qu’une aide à la préparation d’un entretien ou l’écriture d’un CV. Un « buddy », ou binôme, va entretenir une relation informelle avec le participant afin qu’il s’intègre socialement.
Elena, diplômée du programme de Wintegreat à Science Po Bordeaux, est ravie de son expérience. Cette réfugiée ukrainienne est arrivée en France avec sa mère en décembre 2015.
« Le cours sur la vie en France est particulièrement intéressant et j’ai appris beaucoup de choses sur le droit des femmes et le droit du travail en France, » explique la jeune femme de 27 ans.
« Rencontrer quelqu'un qui a véritablement vécu tout cela le rend plus concret, et donne vraiment envie de s'engager pour aider »
Avec beaucoup d’anxiété, Elena attend une réponse de l’Université de Bordeaux pour savoir si elle est acceptée en troisième année de Licence en Aménagement, urbanisme et développement territorial durables. Elle est diplômée en ingénierie d’urbanisme et de géodésie en Ukraine.
Après trois ans d’expérience professionnelle en aménagement du territoire, elle souhaite poursuivre cette voie dans son pays d’accueil. Néanmoins, elle peine à surmonter les difficultés administratives en France.
« On découvre un monde assez surprenant en se penchant sur le cas des réfugiés et des demandeurs d’asile car quand il s’agit des inscriptions à l’université, rien ne semble prévu pour les intégrer en France, » explique Clémence, sa « coach », qui est étudiante en deuxième année à Science Po Bordeaux.
Clémence a aidé sa protégée à s’inscrire à l’université, chercher une formation adéquate et remplir des formulaires pour les reconnaissances de diplôme et demandes d’aide.
Afin de développer son projet professionnel, Elena a bénéficié de l’aide précieuse de son « mentor », Adèle, une employée de la marie de Mérignac, une commune à une dizaine de kilomètres de Bordeaux. Celle-ci l’a introduite auprès de ses contacts professionnels dans le domaine de l’urbanisme.
C’est grâce à son « buddy » qu’Elena a pu profiter de la vie estudiantine de Science Po Bordeaux. « Je l'invitais régulièrement à des sorties organisées par l'association ou avec des amis, je prenais régulièrement de ses nouvelles et je la rencontrais pour discuter autour d'un café, à Sciences Po ou en dehors, » explique Anaëlle, son « buddy ».
L’expérience est enrichissante pour le binôme. « Rencontrer et accompagner Elena a été très enrichissant car, à son contact, j'ai beaucoup appris sur la situation en Ukraine, et les conditions de vie des réfugiés, du départ de leur pays d'origine à leur arrivée et leur vie ici en France, » souligne-t-elle.
« Rencontrer quelqu'un qui a véritablement vécu tout cela le rend plus concret, et donne vraiment envie de s'engager pour aider, » confie Anaëlle.