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Réfugiés et apatrides et problèmes d'assistance aux réfugiés : Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, 1951-1952

Réunions du Comité exécutif

Réfugiés et apatrides et problèmes d'assistance aux réfugiés : Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, 1951-1952
A/2011

1 Janvier 1952

Réfugiés et apatrides et problèmes d'assistance aux réfugiés : Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés
Assemblée Générale
Documents officiels : Sixième session
Supplément N° 19 (A/2011)
Paris, 1952

PREMIERE PARTIE Réfugiés et apatrides : généralités

INTRODUCTION

1. Conformément aux dispositions de la résolution 428 (V) de l'Assemblée générale, aux termes de laquelle je dois faire rapport chaque année à l'Assemblée générale, par l'entremise du Conseil économique et social, j'ai l'honneur de présenter le rapport ci-dessous.1

2. Je dois expliquer tout d'abord que ce rapport sera nécessairement incomplet, car je n'ai pris possession de mes fonctions que le je, janvier 1951 et aussi parce que les nécessités du service du secrétariat du Conseil économique et social exigeaient que le présent rapport fût soumis au mois de juin. Il n'embrassera donc qu'une période de cinq mois. Il se peut que je doive le compléter en faisant au Conseil une déclaration verbale.

3. Je m'efforcerai dans le présent rapport, non seulement de rendre compte de l'activité du Haut-Commissariat, mais aussi d'exposer au Conseil conception que je me suis faite des tâches que nous devons accomplir pour nous acquitter du mandat que nous a assigné l'Assemblée générale.

I. - ACTIVITES DU HAUT-COMMISSARIAT AU COURS DE SES CINQ PREMIERS MOIS D'EXISTENCE

4. Au cours de ses premiers mois d'existence le Haut-Commissariat s'est heurté à toutes les difficultés en face desquelles se trouve une organisation nouvelle. Il a fallu forcément accorder beaucoup d'attention aux questions administratives et d'organisation intérieure. J'ajouterai qu'ayant été élu le 14 décembre 1950 par l'Assemblée générale, je n'ai pu faire qu'un court séjour à Genève au début de janvier 1951, avant de retourner dans mon pays pour y régler les affaires dont je m'occupais. Je n'ai donc pu entreprendre ma tâche au service de l'Organisation des Nations Unies que plusieurs semaines après avoir officiellement assumé mes fonctions.

Haut-Commissaire adjoint

5. Conformément aux dispositions du paragraphe 14 du statut du Haut-Commissariat, j'ai nommé Haut-Commissaire adjoint M. James Read, de nationalité américaine, actuellement chef de la Division des services culturels et de l'enseignement au Département de l'information du Haut-Commissariat des Etats-Unis en Allemagne. M. James Read assumera ses fonctions le 1er, juillet 1951.

Liaison avec l'organisation internationale pour les réfugiés

6. Je tiens à signaler l'arrangement conclu avec l'Organisation internationale pour les réfugiés pour l'exercice des fonctions de protection des réfugiés pendant la période initiale où l'OIR disposerait encore de ses bureaux régionaux, alors que mes propres services seraient seulement en voie d'organisation et que le Haut-Commissariat pour les réfugiés n'aurait pas encore de représentants sur place. En vertu de cet arrangement, les missions de l'OIR continuent d'assurer la protection des réfugiés en ce qui concerne les cas individuels, tandis que le Haut-Commissariat traite des problèmes de caractère général. Cet arrangement a un caractère essentiellement temporaire et les attributions respectives de l'OIR et du Haut-Commissariat dans un pays donné ne pourront être plus nettement délimitées que lorsque j'aurai été informé que le gouvernement de ce pays est disposé à donner son agrément à la nomination d'un représentant du Haut-Commissariat. L'OIR a également consenti à ce que, ses bureaux régionaux donnent suite aux demandes émanant de mes services et concernant des questions qui ne peuvent être traitées directement de Genève, si ces demandes sont transmises par la voie des services de l'OIR.

Visites aux gouvernements

7. Je considère que mon tout premier devoir doit être d'établir des contacts personnels avec des membres des gouvernements des pays où résident' un nombre important de réfugiés et d'acquérir une connaissance directe des problèmes de ces derniers en procédant à la visite des camps et des localités, dans les régions où se trouve la rît majeure partie des réfugiés relevant de mes services. Au cours de la période considérée dans le présent rapport, je me suis rendu dans les Etats suivants : Etats-Unis d'Amérique, Suisse, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, France, Belgique, Pays-Bas, Italie, Allemagne et Autriche. Dans la plupart de ces pays, j'ai examiné avec les gouvernements et les autorités compétentes la question de la nomination d'un représentant du Haut-Commissariat. Jusqu'à présent, les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, de la République fédérale d'Allemagne, de l'Autriche, de la Belgique, du Luxembourg et de l'Italie se sont déclarés disposés en principe à accueillir un représentant du Haut-Commissariat.

Liaison avec les institutions bénévoles

8. Parmi les tâches assignées au Haut-Commissariat pour les réfugiés, mention expresse est faite des rapports à établir avec les organisations privées intéressées et de la nécessité de faciliter la coordination des efforts des organisations privées qui s'occupent de l'assistance aux réfugiés. J'estime que c'est là l'une des plus importantes fonctions du Haut-Commissariat. On sait le rôle important que les institutions bénévoles nationales et internationales ont joué en aidant à trouver des solutions aux problèmes des réfugiés. Je suis très heureux de savoir que la plupart de ces institutions, qui ont déjà tant contribué à l'assistance aux réfugiés, sont prêtes à poursuivre leur effort dans le cadre du mandat assigné au Haut-Commissariat. Je suis déjà entré en relations avec les organisations qui s'intéressent à cette question par l'intermédiaire du Comité permanent des organisations bénévoles, qui comprend plusieurs des organisations les plus importantes qui collaborent avec L'OIR. J'ai également eu des entretiens aux Etats-Unis, dans le Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne et en Autriche avec les représentants des diverses organisations actives dans ce domaine, et leurs avis m'ont été extrêmement précieux.

Liaison avec d'autres organismes internationaux

9. Des relations étroites ont été établies avec d'autres organismes internationaux qui exécutent des programmes qui se rapportent directement au problème des réfugiés, et le Haut-Commissariat a été représenté aux réunions de l'Organisation internationale pour les réfugiés, de l'Organisation internationale du Travail, de l'Organisation mondiale de la santé, du Conseil de l'Europe, de la Commission des droits de l'homme et de la Commission du droit international, où l'on discutait de questions intéressant les réfugiés.

Conférence de plénipotentiaires

10. Lorsque le Conseil économique et social examinera le présent rapport, la Conférence de plénipotentiaires sur le statut des réfugiés et des apatrides aura terminé ses travaux. J'estime qu'il est de la plus haute importance que la convention que cette conférence est chargée de mettre au point entre le plus tôt possible en vigueur. Cette convention devrait constituer la charte des droits des réfugiés qui relèvent du Haut-Commissariat, et l'espère sincèrement que tous les gouvernements sur les territoires desquels se trouvent des réfugiés se verront en mesure d'y adhérer. Pour ma part, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m'acquitter des responsabilités qui m'incombent aux termes du projet actuel de convention. A mon avis, cette convention assurera un statut convenable à un très grand nombre de réfugiés qui, jusqu'à présent, ne jouissent pas des avantages d'un statut juridique internationalement reconnu. J'espère sincèrement être en mesure d'annoncer à la prochaine session du Conseil que de nombreux pays auront adhéré à cette convention et assuré ainsi des bases solides à l'oeuvre de protection internationale des réfugiés.

Dotation de la Fondation Rockefeller en vue d'une étude sur les réfugiés

11. Je suis heureux de pouvoir porter à la connaissance du Conseil que le Conseil d'administration de la Fondation Rockefeller a décidé, en avril dernier, d'accorder au Haut-Commissariat une subvention d'un montant maximum de 100 000 dollars rendant possible une étude analytique et objective des problèmes des réfugiés qui relèvent de mes services. J'espère que cette étude, qui sera effectuée en dehors du Haut-Commissariat, fournira une documentation permettant aux intéressés de se faire une idée complète de tous les problèmes à résoudre pour apporter une solution durable à la question des réfugiés. On a désigné un groupe de personnes qui, sous la direction de M. Jacques Vernant, Secrétaire général du Centre d'études de politique étrangère de Paris, doivent procéder à l'enquête prévue. Il ne sera malheureusement pas possible de présenter un rapport préliminaire sur les résultats de cette enquête à la treizième session du Conseil, mais j'espère que ce rapport sera prêt pour la prochaine session de l'Assemblée générale et qu'il aidera les gouvernements à formuler leur politique à l'égard des réfugiés.2 Le rapport final sera achevé à la fin du mois de mai 1952.

Gestion des fonds

12. Selon les dispositions du paragraphe 10 du statut du Haut-Commissariat, je dois rendre compte de mon activité en ce qui concerne la gestion de tous les fonds reçus de source publique ou privée en vue de l'assistance aux réfugiés. Jusqu'à présent, le Haut-Commissariat n'a reçu de telles sources ni fonds, ni offre de fonds.

II. - CARACTERE DES TACHES FUTURES

13. Le présent rapport sur les activités du Haut-Commissariat au cours de ses premiers mois d'existence est nécessairement bref, mais j'estime qu'il ne devrait pas se terminer ici. La période qui s'est écoulée m'a permis, ainsi qu'à mes collaborateurs, de juger, dans une certaine mesure, de la situation des réfugiés et des tâches que devra entreprendre le Haut-Commissariat. Le jugement auquel nous sommes parvenus ne repose pas sur une connaissance complète des faits et il ne pourra être complet que lorsque l'enquête dont j'ai parlé dans la première partie de ce rapport aura été achevée; j'estime néanmoins qu'il peut être d'une certaine utilité pour les gouvernements que je leur fasse part dès à présent de l'idée que je me fais de ces tâches.

14. A l'heure actuelle, l'Organisation internationale pour les réfugiés approche du terme de ses activités. Je n'hésite pas à exprimer toute l'admiration que j'éprouve pour l'oeuvre que les gouvernements des Etats Membres ont pu accomplir par l'entremise de l'OIR. Qu'une organisation internationale ait pu effectuer la réinstallation d'environ un million de gens, constitue indubitablement un exploit remarquable. Ce résultat a pu être atteint parce que, par l'entremise de l'OIR, les pays où les réfugiés avaient trouvé leur premier refuge et les pays d'immigration se sont unis dans un effort commun de coopération internationale pour apporter une solution au problème des réfugiés. Mais l'OIR elle-même a fait savoir à l'Assemblée générale des Nations Unies qu'elle se trouvait aux prises avec un problème de caractère permanent, alors qu'elle n'était qu'une organisation de caractère temporaire. Comme l'attention internationale s'est fixée sur la question de la réinstallation et de la migration, on a peut-être été amené à perdre de vue certains aspects plus permanents du problème des réfugiés.

15. A l'époque où nous vivons, la lassitude nous prend tôt ou tard devant un problème qui ne se prête pas à une solution rapide; de nouvelles tensions, qui constituent une menace pour le présent et pour l'avenir, surgissent brusquement et amoindrissent notre souci de rechercher une solution à des problèmes qui résultent du passé. J'ai été frappé de constater que nombre de ceux qui ont à faire face au problème des réfugiés ont tendance à abandonner la lutte et, en dépit de l'avertissement donné par l'OIR elle-même, se consolent en pensant qu'après les heureux résultats qu'elle a atteints, le problème a été plus ou moins résolu.

16. L'expérience directe que j'ai eue, en Europe centrale, des réalités de la situation m'a convaincu que c'est là une erreur très sérieuse. Le problème des réfugiés n'a nullement été résolu. Si l'on considère qu'en Allemagne occidentale, indépendamment des 9 millions d'expulsés qui ne relèvent pas des attributions du Haut-Commissaire, il reste un noyau d'au moins 100 000 personnes déplacées et réfugiées ainsi qu'un million et demi de réfugiés de la zone orientale d'Allemagne, et qu'en Autriche, en plus des 25 000 personnes déplacées et réfugiées, il y a 300 000 autres expulsés qui relèvent des attributions du Haut-Commissaire et près de 50 000 d'entre eux vivent dans des camps; si l'on se rend compte que dans un seul pays comme la France, il y a 300 000 réfugiés par suite de la politique généreuse de ce pays en matière d'octroi de l'asile; que, dans d'autres pays d'Europe, il reste des noyaux de réfugiés dont l'importance numérique varie entre 20 000 et 80 000 personnes; qu'en outre, l'assimilation de dizaines de milliers de réfugiés qui ont été transférés dans d'autres pays n'est pas encore achevée, on peut difficilement parler d'un « problème résolu ». Je n'oublie pas, ce disant, que la situation de ces réfugiés varie d'un pays à l'autre et que leur degré d'assimilation diffère dans chaque pays.

17. En envisageant le problème du noyau de réfugiés qui demeure en Allemagne et en Autriche, il ne faut pas oublier qu'une très grande partie de ces réfugiés a souvent passé six ans dans des camps depuis la fin de la guerre. Il ne faut pas oublier non plus que nombre des internés de ces camps ont, pendant la guerre, été forcés de vivre dans des conditions plus épouvantables encore. Dans le meilleur des cas, les exigences de la vie sociale et même de l'hygiène ne sont satisfaites dans ces camps que d'une façon rudimentaire. Une vie pleine et normale y est presque impossible. Je me demande combien de gens se rendent compte qu'une nouvelle génération y grandit actuellement. J'ai visité des camps où trois familles vivent dans une même pièce avec des enfants nés depuis la fin de la guerre et qui ne connaissent de la vie familiale que ce qu'ils en ont vu dans ces navrantes conditions. Il est en Europe des milliers d'enfants qui, à un âge compris entre 5 et 11 ans, sont devenus des réfugiés en même temps que leurs parents; après six ans de vie des camps, ils ont maintenant entre 11 et 17 ans et n'ont pas en général la possibilité d'apprendre un métier quelconque. Je suis persuadé qui si tous ceux qui, à l'échelon supérieur, ont pour charge de formuler la politique à suivre pour la solution du problème qui se pose pour les Nations Unies, avaient l'occasion de visiter les camps, ils comprendraient que, ce problème est, en réalité, très loin d'être résolu et combien il est difficile de le résoudre.

18. Deux autres éléments, compliquent la situation, Tout d'abord, il arrive constamment de nouvelles personnes dans les pays de premier refuge. Le malaise qui règne dans le monde, les tensions internationales actuelles et les conditions souvent extrêmement difficiles dans lesquelles vivent certaines gens ou groupes de gens font que le nombre des réfugiés recherchant un asile augmente constamment et crée un problème qui relève, dans une large mesure, de la compétence du Haut-Commissariat.

19. En second lieu, la majeure partie des groupes de réfugiés dont l'OIR n'a pu effectuer l'installation appartiennent à la catégorie des cas difficiles à régler, qui réclament une plus grande attention et doivent être traités plus ou moins individuellement. Il est douteux qu'un élargissement des programmes de migration puisse permettre de régler le cas de ces personnes, car, comme l'expérience de l'OIR le démontre, elles ne remplissent pas les conditions imposées par les pays d'immigration. Pour ces personnes, la seule perspective d'avenir semble être l'assimilation dans les pays où elles résident actuellement.

20. Une telle situation m'amène à tirer des conclusions que j'estime importantes en ce qui concerne l'exercice des fonctions assignées au Haut-Commissariat par son statut. D'après le chapitre premier de ce statut, le Haut-Commissaire assume les fonctions de protection internationale en ce qui concerne les réfugiés, et de recherche de solutions permanentes au problème des réfugiés, en aidant les gouvernements et, sous réserve de l'approbation des gouvernements intéressés, les organisations privées, à faciliter le rapatriement librement consenti de ces réfugiés ou leur assimilation dans de nouvelles communautés nationales. J'ai pleinement conscience de toutes les difficultés qui entravent l'assimilation des réfugiés qui ne seront pas réinstallés par l'OIR. C'est pourquoi, et dans l'intérêt des réfugiés nouvellement arrivés, je verrais avec plaisir un nouvel effort international en matière de migration, mais j'insisterais sur la nécessité d'une coordination effective des activités entre toute organisation qui s'occuperait des formalités matérielles de migration et le Haut-Commissariat. Bien que mon mandat ne m'autorise pas directement à procéder au rapatriement et à la réinstallation des réfugiés sans l'assentiment de l'Assemblée générale, j'estime néanmoins qu'il est de mon devoir de rechercher toutes les possibilités de rapatriement ou de réinstallation librement consentis qui constitueraient une solution pour les réfugiés relevant du Haut-Commissariat.

21. Dans le cas pourtant où un nombre important de ces réfugiés ne peuvent être rapatriés ou réinstallés de plein gré, il me semble que ma tâche doit consister avant tout à faciliter partout où cela est possible l'installation dans le pays même des réfugiés relevant du Haut-Commissariat pour lesquels il n'existe aucune chance de réinstallation, et de favoriser l'assimilation complète de tous les réfugiés qui ont pu être réinstallés

22. En général, l'assimilation des réfugiés dans les pays où ils ont été réinstallés se fait aisément. D'ordinaire, le réfugié immigrant a des chances de trouver, dès le jour de son arrivée, la garantie d'une certaine sécurité pour ce qui est de son existence économique dans l'avenir. Il peut, en général, demander sa naturalisation après un délai relativement court. Dans ces pays, la tâche de protection internationale doit consister surtout, à mon avis, à faciliter la naturalisation des réfugiés et à leur prêter assistance dans les difficultés qu'ils peuvent rencontrer avant d'être naturalisés. Dans certains cas, les difficultés éprouvées par les réfugiés réinstallés peuvent être, et sont même souvent, considérables. Mais la situation des réfugiés qui ne remplissent pas les conditions imposées par les pays d'immigration ou qui, pour beaucoup d'autres raisons, n'ont aucune possibilité d'émigrer dans ces pays est beaucoup plus grave encore.

23. L'assimilation des réfugiés dans les pays de premier refuge soulève toute une série de problèmes sérieux. Ce sont des facteurs politiques et géographiques qui déterminent si tel ou tel pays devient ou non pays de premier refuge, mais les pays en question se trouvent avoir en général une grande densité de population. Les gouvernements de ces pays doivent faire face à des exigences contradictoires. D'une part, ils désirent observer les principes d'humanité et accueillir les réfugiés qui ont franchi leurs frontières parce qu'ils étaient persécutés ou parce qu'ils craignaient de l'être; d'autre part, il est de leur devoir de protéger la sécurité et les intérêts économiques de leurs propres ressortissants, qu'un trop grand afflux de réfugiés sur le territoire national risque de compromettre.

24. Plusieurs des pays de premier refuge sont en fait les pays de résidence de groupes importants de réfugiés, et ces pays se trouvent eux-mêmes dans une situation difficile. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, ils ont reçu de l'étranger une assistance économique importante pour assurer leur reconstruction et leur permettre de réorganiser leur structure économique. C'est un lourd fardeau que leur impose l'afflux d'une masse de réfugiés sur leur territoire, et il est plus que douteux que ces pays puissent mettre en oeuvre une politique d'assimilation sans avoir à détourner de sa destination première une partie de l'aide économique que d'autres pays leur fournissent et l'utiliser pour la construction de logements et la création d'emplois pour les réfugiés, là où il n'en existe point. Pour plus d'une raison, les populations de ces pays ne sont pas toujours favorables à l'assimilation des réfugiés. Cette attitude est motivée par la crainte de la concurrence, l'aversion qu'elles éprouvent à l'idée d'accueillir des étrangers, certaines considérations politiques, la répugnance à engager des sommes considérables pour un programme d'installation des réfugiés dans le pays, ou l'incapacité où elles se trouvent de le faire, et on trouve d'ordinaire le reflet de cette attitude dans la politique que poursuivent les gouvernements à l'égard des réfugiés. Pour toutes ces raisons, il peut s'écouler un long délai avant que le réfugié soit complètement assimilé, et, notamment, avant qu'il obtienne sa naturalisation; ce délai peut être plus long pour un certain groupe que pour un autre, il peut être plus long, par exemple, pour les noyaux de personnes déplacées demeurant encore en Autriche que pour les éléments appelés Volksdeutsche, et plus long pour une certaine personne que pour une autre, car le facteur personnel joue un rôle considérable en matière d'assimilation.

25. Je crois qu'il est nécessaire que l'organisme chargé de la protection internationale des réfugiés accorde une assistance aux gouvernements intéressés, afin de les aider à résoudre le problème difficile de l'assimilation des réfugiés. Bien qu'il entre, à n'en pas douter, dans le cadre de la protection internationale, ce problème ne pose pas simplement une question de protection juridique, dans l'acception restreinte de ce terme. J'interprète le mandat qui me charge, en tant que Haut-Commissaire, de poursuivre, par voie d'accords particuliers avec les gouvernements, la mise en oeuvre de toutes mesures destinées à améliorer le sort des réfugiés et à diminuer le nombre de ceux qui ont besoin de protection, comme m'imposant le devoir de rechercher des solutions permanentes au problème, en facilitant l'assimilation des réfugiés dans leurs nouvelles communautés nationales. Nous n'aboutirons à aucune solution permanente si nous ne sommes disposés à envisager qu'une partie des problèmes des réfugiés. Nous devons considérer ces problèmes comme constituant un tout. Je crois que la façon et le degré d'énergie employés par l'Organisation des Nations Unies pour s'attaquer au problème des réfugiés sont, aux yeux du monde entier, d'une importance capitale, en tant que partie intégrante du programme de l'Organisation en matière de droits de l'homme. Ce programme procède du désir de protéger l'individu, et je suis sûr que des milliers de personnes jugeront de la sincérité des efforts des Nations Unies en ce domaine d'après l'efficacité avec laquelle elles protègent ceux qui sont privés de la plus essentielle de toutes les protections, la protection des pays dont ils sont ressortissants, à savoir les réfugiés.

III. - CONCLUSIONS

26. Je crois devoir tirer, du jugement auquel je suis parvenu sur l'état actuel de la question des réfugiés, certaines conclusions qui se rapportent à l'organisation future du Haut-Commissariat. L'expérience acquise a amené tous ceux qui, ces dernières années, se sont occupés du problème des réfugiés, à la conviction que ce serait manquer du sens des réalités que d'envisager seulement un organisme central ayant son siège à Genève et d'où la protection internationale des réfugiés pourrait être entreprise.

27. Dans le passé, les pays qui devaient faire face aux problèmes soulevés par la présence sur leur territoire d'un grand nombre de réfugiés ont été heureux que le représentant d'une organisation internationale vînt les aider à résoudre les nombreuses questions difficiles qui se posent. Comme je l'ai indiqué dans la première partie du présent rapport, plusieurs des gouvernements que j'ai consultés sur la nécessité de nommer des représentants dans leurs pays se sont déclarés disposer à donner leur agrément à ces nominations.

28. La brève expérience que j'ai pu acquérir en qualité de Haut-Commissaire pour les réfugiés m'a déjà convaincu que la tâche que l'Assemblée générale a confiée au Haut-Commissariat doit être accomplie par une petite équipe * de collaborateurs hautement qualifiés, dévoués à la cause des réfugiés, qui travaillerait à Genève, et par des bureaux régionaux à effectifs peu nombreux, mais travaillant avec efficacité, par l'intermédiaire desquels je pourrais me tenir en contact avec les gouvernements, comme avec les réfugiés eux-mêmes et avec les organisations bénévoles qui s'emploient à leur porter secours.

29. Les mesures de protection internationale des réfugiés, prévues par le statut du Haut-Commissariat et nécessaires pour accomplir les tâches futures dont j'ai donné un aperçu dans la deuxième partie du présent rapport, exigeraient la création de onze bureaux régionaux, dont certains exerceraient leur activité dans plusieurs pays. J'ai l'intention de présenter à l'Assemblée générale des Nations Unies des prévisions budgétaires établies en fonction de ces considérations.

30. Je signale à ce propos que, dans les prévisions budgétaires relatives au Haut-Commissariat qu'elle a adoptées lors de sa dernière session, l'Assemblée générale a prévu les crédits nécessaires pour la nomination de représentants dans les pays où se trouve un grand nombre de réfugiés. Les frais afférents à la nomination de ces représentants seront compris dans les dépenses administratives motivées par le fonctionnement du Haut-Commissariat, dépenses qui, comme il est indiqué au paragraphe 20 du chapitre III du statut, seront imputées sur le budget de l'Organisation des Nations Unies.

31. Je ne crois pas, pour l'instant du moins, que le Haut-Commissariat ait à engager d'autres dépenses que ces dépenses administratives. Des dépenses supplémentaires ne pourraient, à mon avis, être encourues ultérieurement que si l'Assemblée générale décidait d'assigner au Haut-Commissariat des fonctions supplémentaires, conformément au paragraphe 9 du chapitre II du statut. Aux termes du paragraphe 20 du chapitre III du statut, ces dépenses seraient couvertes par des contributions volontaires, à moins que l'Assemblée générale n'ait approuvé préalablement un appel de fonds adressé aux gouvernements, ou un appel général, conformément au paragraphe 10 du chapitre Il du statut.

32. Le budget de 1951 du Haut-Commissariat a été établi sur la base d'une période préparatoire de neuf mois, comprenant l'établissement des services du Haut-Commissariat. Comme je me suis efforcé de l'exposer au Conseil, la situation sera très différente en 1952 et il faudra disposer de moyens mieux en rapport avec la tâche à accomplir.

33. Avant de conclure, je tiens à rendre hommage aux membres du personnel du Haut-Commissariat, qui, dans des circonstances difficiles, ont témoigné d'une compétence remarquable et d'un grand dévouement à la cause qu'ils servent.

34. J'estime que c'est pour moi un honneur que de devoir soumettre le présent rapport à des organes comme le Conseil économique et social et l'Assemblée générale, qui, depuis la fondation de l'Organisation des Nations Unies, ont témoigné d'un intérêt si vif et si chaleureux à l'égard du tragique problème des réfugiés et n'ont pas hésité à agir lorsqu'il a été nécessaire de le faire.

35. Je suis convaincu qu'il était de mon devoir de soumettre dès maintenant au Conseil ce que je considère comme un jugement sur la situation présente, ainsi que les conclusions qui me paraissent en découler pour l'exécution des tâches assignées au Haut-Commissariat. Je me permets de dire que je compte trouver auprès du Conseil un appui agissant qui me permettra de travailler efficacement pour une cause que je considère comme un honneur de pouvoir servir.

DEUXIEME PARTIE Convention relative au statut des réfugiés3

36. En juin 1951, j'ai eu l'honneur de soumettre un rapport sur les cinq premiers mois d'activité du Haut-Commissariat (voir la première partie). Depuis lors, l'événement le plus marquant qui intéresse l'exécution de mes fonctions a été l'adoption de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.

37. Conformément à la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale en date du 14 décembre 1950, le Secrétaire général a invité les gouvernements des Etats Membres et non membres de l'Organisation des Nations Unies à envoyer des représentants à une conférence de plénipotentiaires, pour achever de rédiger et pour signer une convention relative au statut des réfugiés. Cette conférence s'est réunie à Genève du 2 au 25 juillet 1951, et les représentants des Etats suivants y ont assisté :

AustralieBrésil
AutricheCanada
BelgiqueColombie
DanemarkRépublique fédérale d'Allemagne
EgypteRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
Etats-Unis d'AmériqueSaint-Siège
FranceSuède
GrèceSuisse (représentant également le Liechtenstein)
IrakTurquie
IsraëlVenezuela
ItalieYougoslavie
Luxembourg
Monaco
Norvège
Pays-Bas

Cuba et l'Iran avaient envoyé des observateurs.

38. La Conférence a examiné le projet de Convention relative au statut des réfugiés, qui avait été élaboré par le Comité spécial pour les réfugiés au cours de la seconde session, tenue à Genève en août 1950, ainsi que la recommandation relative à la définition des réfugiés auxquels devait s'appliquer la Convention, qui était contenue dans une annexe à la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale. On trouvera des détails complets sur l'historique de la Conférence et sur les documents qu'elle a utilisés dans l'Acte final et la Convention relative au statut des réfugiés (A/CONF./2/108).

39. Les trois groupes de réfugiés qui rentrent dans le cadre de la Convention sont définis à l'article premier. Ce sont : a) les personnes qui ont été considérées comme réfugiés avant la seconde guerre mondiale; b) les personnes considérées comme réfugiés en vertu de l'acte constitutif de l'Organisation internationale pour les réfugiés; c) les personnes qui sont devenues des réfugiés à la suite d'événements survenus avant le 1er décembre 1951. A propos de cette dernière catégorie de réfugiés, il y a lieu de signaler que le texte soumis à la Conférence n'a pas spécifié que ces événements devaient nécessairement s'être produits en Europe. A cet égard, la définition se conformait à celle qui était contenue dans le statut du Haut-Commissariat pour les réfugiés. La Conférence a soigneusement étudié la question et a finalement décidé d'autoriser chaque Etat contractant à faire, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, une déclaration spécifiant s'il entend que la formule « événements survenus avant le 1er janvier 1951 » soit comprise comme signifiant soit des événements survenus en Europe, soit des événements survenus en Europe et ailleurs avant cette date.

40. La Conférence a modifié les termes de l'annexe à la résolution 429 (V) de l'Assemblée générale, qui traitait de la question des réfugiés bénéficiant de la protection ou de l'assistance d'organismes des Nations Unies autres que le Haut-Commissariat. Selon ces termes, les personnes qui bénéficient actuellement de la protection ou de l'assistance d'autres organismes des Nations Unies, devaient être exclues du régime de la Convention. Toutefois, le statut du Haut-Commissariat dispose que les personnes qui continuent à bénéficier de cette protection ou de cette assistance doivent être soustraites au mandat du Haut-Commissaire. La Conférence a décidé d'harmoniser plus étroitement le texte de la définition de la Convention et la clause pertinente du statut du Haut-Commissariat en ajoutant la phrase suivante : « Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé, pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé conformément aux résolutions y relatives adoptées par l'Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de la présente Convention. »

41. Il convient de rappeler que, en vertu du statut du Haut-Commissariat, je suis chargé de surveiller l'application des conventions internationales pour la protection des réfugiés relevant de mon mandat. Cette fonction du Haut-Commissariat est reconnue par l'article 35 de la Convention, par lequel les Etats contractants s'engagent à coopérer avec le Haut-Commissariat ou toute autre institution des Nations Unies qui lui succéderait, en particulier pour faciliter sa tâche de surveillance de l'application des dispositions de la Convention. Les Etats contractants s'engagent également à fournir au Haut-Commissaire des informations concernant la mise en oeuvre de la Convention, la condition des réfugiés et les lois, règlements et décrets concernant les réfugiés. A cet égard je dois signaler que l'article 35 est l'un de ceux à propos desquels les Etats contractants sont autorisés par l'article 42 de la Convention à formuler des réserves.

42. A la date du présent rapport la Convention a été signée par les quatorze Etats suivants :

AutrichePays-Bas
BelgiqueRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
ColombieSuède
DanemarkSuisse et Liechtenstein
IsraëlTurquie
LuxembourgYougoslavie
Norvège

Le Gouvernement fédéral d'Allemagne a fait connaître son intention de signer prochainement la. Convention. La Convention demeurera ouverte à la signature au siège permanent de l'Organisation des Nations Unies, a New-York, du 17 septembre 1951 au 31 décembre 1952.

43. La Convention entrera en vigueur le quatre-vingt-dixième jour suivant la date de > dépôt du sixième instrument de ratification ou d'adhésion.

44. La conclusion de cette convention a été une tâche de longue haleine. Les résultats ne sont pas aussi généreux pour les réfugiés que certains l'avaient espéré mais, considérée dans son ensemble, la Convention constitue un progrès réel en vue d'assurer aux réfugiés l'exercice des droits de l'homme. Il convient d'espérer qu'un nombre élevé d'Etats adhéreront à la Convention et donneront ainsi un fondement solide en droit international aux droits des réfugiés.

TROISIEME PARTIE Observations relatives aux problèmes d'assistance4

45. Au cours de ses quatrième et cinquième sessions ordinaires, l'Assemblée générale a examiné les problèmes relatifs aux mesures qu'il y aura lieu de prendre en faveur des réfugiés, sur le plan international, lorsque l'Organisation internationale pour les réfugiés aura terminé ses opérations. A sa cinquième session, l'Assemblée générale ayant, dans sa résolution 430 (V) du 14 décembre 1950, pris note du fait que l'Organisation internationale pour les réfugiés allait prolonger son activité, a décidé de renvoyer à sa sixième session l'examen du problème d'assistance aux réfugiés, « examen pour lequel elle s'inspirera d'une nouvelle communication qu'elle invite l'Organisation internationale pour les réfugiés à lui adresser au sujet de cette question, ainsi que des observations que le Haut-Commissaire formulera dans son rapport à la sixième session de l'Assemblée générale ».

46. Le Conseil général de l'OIR a adressé à l'Assemblée générale (A/1948) la communication qui lui avait été demandée, après avoir examiné, à sa huitième session, un rapport présenté par le Directeur général sur les problèmes qui subsisteront après la disparition de cette organisation. Les observations que j'ai de mon côté l'honneur de formuler sur ces problèmes constituent la troisième partie de mon rapport et sont présentées directement à l'Assemblée générale. Elles n'ont pas été soumises au préalable au Conseil économique et social, lors de sa treizième session, comme l'ont été les deux premières parties. En effet, lorsque le Conseil économique et social tenait sa treizième session, l'OIR n'avait pas encore rédigé la communication qu'elle devait adresser à l'Assemblée générale; en outre, je n'étais pas en mesure, après avoir occupé ma charge pendant cinq mois seulement, d'exprimer en pleine connaissance de cause mon avis sur l'urgence des problèmes d'assistance qui resteront à résoudre lorsque l'OIR arriverait au terme de son activité.

47. Dans sa communication, le Conseil général de l'OIR a insisté sur l'ampleur des problèmes qui subsisteront après la cessation de ses opérations, et a fait valoir que « si les différents éléments de la situation qui viennent d'être exposés ne sont certainement pas d'une ampleur suffisante pour justifier le maintien de l'OIR, ils représentent cependant une somme de souffrances humaines assez considérable pour que les Nations Unies se préoccupent immédiatement de la question ».

48. Le Conseil général de l'OIR est arrivé à cette conclusion après un examen approfondi et une analyse minutieuse des problèmes soulevés dans le rapport du Directeur général; ce dernier avait fait observer que : 1 « En fait, depuis que l'OIR a été créée, le problème tout entier a changé radicalement de nature. Nombre de personnes déplacées qui se sont trouvées déracinées pendant et immédiatement après la guerre sont, en réalité, devenues des réfugiés politiques : cette situation a modifié les plans et les activités de l'organisation qui, après avoir tout d'abord mis l'accent sur le rapatriement, s'est ensuite occupée essentiellement du réétablissement. A mesure que la tension politique s'aggravait, les personnes déplacées, qui étaient devenues des réfugiés parce qu'elles refusaient de rentrer dans leur pays, virent leurs effectifs grossir de plus en plus au fur et à mesure qu'arrivaient dans les zones d'opération de l'OIR, comme réfugiés, d'autres personnes qui s'étaient enfuies du même pays. Cet exode se poursuit, et se poursuivra tant que les causes en subsisteront. »

49. Dans son mémorandum du 20 octobre 1949, le Conseil général de l'OIR signalait à l'Assemblée générale, réunie pour sa quatrième session, que l'OIR était une « organisation temporaire placée en présence d'un problème qui, pour une part, semble malheureusement être d'ordre permanent ». Bien qu'elle ait prolongé son activité à deux reprises, l'OIR a, une fois de plus, confirmé son jugement antérieur et, en dépit de l'oeuvre magnifique qu'elle a accomplie en réinstallant plus d'un million de réfugiés, a clairement mis en évidence le fait que les difficultés soulevées par l'afflux incessant de nouveaux réfugiés ne sont pas seules à se poser; il faut, en outre, dans les régions où résident des réfugiés qu'il n'a pas été au pouvoir de l'OIR de réinstaller ailleurs, faire face à toute une série de graves problèmes. Le Conseil général a signalé « qu'un certain nombre de réfugiés resteront dans les pays où ils résident actuellement, et où il est peu probable qu'ils puissent, dans un proche avenir, s'assimiler ou subvenir à leurs besoins ».

50. On a parfois soutenu que seul un nouvel effort dans le domaine de la réinstallation permettrait de donner une solution permanente aux problèmes posés par les groupes « résiduels » de réfugiés. A cet égard, je dois souligner qu'à moins que les pays d'immigration en viennent à envisager la question des réfugiés sous un autre angle, on ne saurait guère espérer que le maintien d'un organisme international chargé de la réinstallation ou de la migration puisse régler la question des groupes « résiduels » des réfugiés relevant de l'OIR. La plupart d'entre eux, examinés par les missions de sélection des pays d'immigration, ont vu leurs demandes rejetées pour les raisons les plus diverses. Il y a, dans les camps d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie, de même qu'en Grèce et à Trieste, de nombreux réfugiés en parfaite santé qui pourraient satisfaire aux conditions requises par la législation des pays d'immigration, mais qui n'ont pu se résoudre à laisser derrière eux un membre de leur famille, malade ou âgé, et ont préféré sacrifier leur avenir personnel à leurs devoirs familiaux. Si l'on veut vraiment contribuer à résoudre les problèmes qui se posent encore aux réfugiés, il y a lieu de prendre des mesures spéciales pour s'assurer que ceux qui ont le plus besoin d'aide ne sont pas abandonnés, alors que les éléments jeunes et robustes se voient offrir une chance d'aller s'établir dans un pays disposé à les accueillir. Certes, il existe de nombreux émigrants dont le transport ne soulève pas les difficultés que l'on rencontre avec les réfugiés, mais, à mon avis, il conviendrait de songer tout particulièrement à ceux-ci, en raison même de leur complète incapacité, si l'on fait un nouvel effort sur le plan international en vue de faciliter les migrations. Faute de prendre les dispositions appropriées pour que les réfugiés bénéficient de leur juste part dans les possibilités d'émigration, leur avenir sera très sombre, car ils se trouveront, lorsqu'ils seront en concurrence avec d'autres candidats, dans la catégorie la plus désavantagée.

51. A mes yeux, l'analyse que l'OIR a faite de la situation dans les divers pays où ses protégés connaissent une vie difficile, et aussi l'étude du problème des réfugiés à laquelle je me suis personnellement livré, amènent à conclure qu'il y a, en tout cas, deux problèmes distincts qui appellent une solution : le premier est celui des secours dont ne sauraient se passer les réfugiés vivant dans des régions où la situation politique ou économique est telle qu'ils ne peuvent ni compter sur l'assistance publique, ni exercer une activité lucrative quelconque qui leur permette de subvenir à leurs besoins; le second, qui est à plus long terme, est celui de leur intégration à la vie de certaines régions.

52. Il ne fait plus de doute que, dans certains pays, il ne suffira pas de donner aux réfugiés un statut juridique adéquat pour les mettre en mesure de gagner modestement leur vie et celle de leur famille. Il ne fait aucun doute non plus qu'une amélioration générale de la situation économique et sociale de ces régions ne permettra pas à elle seule d'atténuer la misère de ces réfugiés, à moins que des mesures spéciales de réadaptation économique ne soient envisagées en leur faveur.

53. C'est assurément en. Extrême-Orient que le problème des secours d'urgence se pose avec le plus d'acuité : la situation des 5 000 réfugiés de Changhaï et des 150 réfugiés de Samar paraît sans espoir si aucun Etat n'accepte de les prendre entièrement à sa charge, ou si l'on ne peut disposer en leur faveur d'un fonds de secours jusqu'à ce qu'une solution définitive soit trouvée. Outre les réfugiés d'Extrême-Orient, de petits groupes vivant dans le Proche-Orient et le Moyen-Orient, en Turquie, en Espagne et au Portugal, pour ne rien dire des réfugiés de Trieste dont la situation est très grave, ne pourront vraisemblablement survivre que s'ils continuent à bénéficier d'une assistance financière lorsque l'OIR aura cessé son activité. En Grèce, les ressources extrêmement limitées du pays, les difficultés économiques en présence desquelles il se trouve ainsi que le grand nombre de personnes de nationalité ou d'origine ethnique grecque qui y ont trouvé refuge, ne permettent guère au gouvernement d'accorder une aide suffisante aux réfugiés politiques d'origine étrangère, au nombre de plusieurs milliers. Bien que la situation ne soit pas aussi tragique en Grèce qu'en Extrême-Orient, et que certains réfugiés puissent arriver à subvenir à leurs besoins essentiels, Il y aura certainement des cas qui exigeront, de temps à autre, un appui financier extérieur.

54. En Italie, le problème posé par les 24 000 réfugiés relevant du mandat de l'OIR est aggravé par la surpopulation et par l'étendue du chômage. Etant donné cette situation, le Gouvernement italien a fait connaître que bien qu'il ait accepté de se charger de l'entretien de 9 300 protégés de l'OIR, il ne pouvait ni offrir un asile permanent, ni assurer un emploi à tous les réfugiés restant en Italie. On se souviendra d'autre part que quelque 7 000 réfugiés resteront dans le Territoire libre de Trieste après la cessation des opérations de l'OIR. Sur ce nombre, 900 personnes, notamment des personnes atteintes de tuberculose et d'autres maladies graves, ont un besoin absolu d'aide permanente. Certains réfugiés sont logés et nourris dans des camps militaires, d'autres vivent dans des habitations privées surpeuplées. Alors que ces réfugiés relèvent administrativement des autorités militaires alliées, c'est le Gouvernement italien qui supporte la charge de leur entretien.

55. Si un fonds de secours destiné à pourvoir aux besoins des réfugiés devait être institué, le Haut-Commissariat pourrait, à mon avis, en assurer la gestion sans qu'il soit nécessaire d'accroître son personnel, et selon les propositions faites par le Secrétaire général dans son rapport à la quatrième session de l'Assemblée générale,5 étant bien entendu que les versements seraient prêts aux réfugiés avec l'agrément des gouvernements directement intéressés, par l'intermédiaire des organisations bénévoles qui s'occupent des réfugiés.

56. En ce qui concerne le problème à long terme de l'assimilation, dont la solution soulève des difficultés particulières dans les principales régions de l'Europe centrale (d'où ' sont partis des réfugiés réinstallés par l'OIR) il est manifeste qu'il faudra mettre sur pied un programme bien défini si l'on veut que les réfugiés relevant du mandat de l'OIR puissent s'intégrer à la vie économique locale. Lorsqu'en juillet 1950, la charge de l'assistance matérielle aux réfugiés a été transférée de l'OIR aux gouvernements d'Europe centrale, aucune disposition tendant à l'absorption des réfugiés dans la vie économique des pays en cause n'est venue accompagner cette mesure de caractère purement administratif. J'ai exposé dans la première partie de mon rapport la situation des réfugiés restés en Allemagne et en Autriche. En Allemagne occidentale, la présence de très nombreux réfugiés allemands, échappant à la compétence du Haut-Commissariat, a inévitablement rendu fort difficile la solution des problèmes économiques qui se posent aux réfugiés non réinstallés par l'OIR. En outre, l'expérience des trois dernières années a montré, à mon avis, qu'une amélioration de la situation économique dans un pays donné n'a pas pour corollaire une augmentation correspondante du bien-être des réfugiés; il serait donc vain de croire que toute amélioration de la situation économique résoudra automatiquement le problème des réfugiés.

57. En Allemagne, la Haute-Commission alliée a demandé en février 1950 au Gouvernement fédéral d'Allemagne d'adopter une loi fixant le statut des personnes déplacées et des réfugiés qui demeureront en Allemagne. Cette loi définit de façon adéquate les droits politiques et civils des réfugiés. Toutefois, l'intégration économique des réfugiés manque toujours d'une base solide. De nouvelles mesures seront à prendre pour parvenir à une solution.

58. En Autriche, l'avenir des 25 000 réfugiés relevant du mandat de l'OIR est encore plus incertain que celui des réfugiés qui resteront en Allemagne. Bien que le Gouvernement autrichien ait signé la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, les réserves dont il a accompagné sa signature constituent un sérieux obstacle à l'intégration économique des réfugiés. Qui plus est, la présence de près de 300 000 Volksdeutsche, qui jouissent maintenant d'une protection internationale puisqu'ils relèvent du mandat du Haut-Commissariat, autant que la situation économique difficile, ont rendu extrêmement problématique l'assimilation du groupe résiduel de réfugiés, à moins que des mesures spéciales ne soient prises.

59. La situation des 4 500 réfugiés inscrits en Grèce auprès de l'OIR demeurera extrêmement pénible en raison des ressources très limitées de ce pays et de sa mauvaise situation économique, à moins que ne soit mis sur pied un plan de reconstruction économique qui prenne en considération particulière les besoins des réfugiés.

60. Dans tous les pays qui viennent d'être cités et qui sont les principaux pays de résidence du groupe « résiduel > des réfugiés de l'OIR, le problème est rendu plus complexe encore par l'afflux incessant de nouveaux réfugiés qui arrivent à la cadence de 1 000 à 1 500 par mois selon les évaluations de l'OIR. Certains d'entre eux auront sans aucun doute besoin d'une assistance complémentaire de la collectivité internationale.

61. Je crois inutile de souligner que les problèmes économiques posés par l'assimilation des réfugiés en Europe centrale, en Grèce et en Turquie sont hors de proportion avec les ressources des nombreuses organisations bénévoles internationales ou nationales, qui ont apporté une contribution si précieuse à l'oeuvre accomplie en faveur des réfugiés au cours de ces dernières années. A cet égard, je crois opportun d'appeler l'attention de l'Assemblée générale sur la déclaration que le Président du Comité permanent des Organisations bénévoles s'occupant des réfugiés a faite à la huitième session du Conseil général de l'OIR, et dans laquelle il s'est exprimé ainsi.

« Il y a certains besoins essentiels des réfugiés que la limitation de nos ressources et le caractère non officiel de nos chartes constitutives ne nous permettent pas de satisfaire, de même qu'il y a certains domaines de l'aide aux réfugiés dans lesquels nous ne pourrons prendre votre succession, que nous le voulions ou non. Vous touchez au but dans l'accomplissement de la mission que vous aviez acceptée, mais, vous le savez aussi bien que nous, pendant les années qu'il vous a nécessairement fallu pour atteindre ce résultat, il s'est posé un problème analogue, d'une ampleur au moins égale, et dont la solution ne semble pas, pour l'instant, faire l'objet de prévisions officielles. »

62. Nombreuses sont les organisations bénévoles qui travaillent, depuis de longues années déjà, en faveur des réfugiés. Elles disposent de fonctionnaires qualifiés, rompus aux tâches d'assistance sociale, et elles ont fait connaître à maintes reprises leur ardent désir de continuer à aider les réfugiés. Toutefois, les ressources matérielles qu'elles pourront consacrer à cette oeuvre seront notablement inférieures à celles dont elles disposent aujourd'hui grâce à l'OIR En premier lieu, elles cesseront sans doute de bénéficier, dans un proche avenir, des grandes facilités dont elles jouissent actuellement en Allemagne et en Autriche sous le régime d'occupation. En second lieu, elles perdront les subventions considérables que l'OIR a été en mesure de leur accorder afin de s'assurer leur collaboration, soit dans le domaine de la réinstallation, soit dans celui de l'assistance aux groupes « résiduels ». Ces subventions leur ont permis d'une part de couvrir les dépenses afférentes aux traitements et à d'autres chapitres, qui auraient normalement grevé leurs budgets administratifs, d'autre part de financer entièrement des projets spéciaux mis sur pied par elles-mêmes. Enfin les fonds que les organisations bénévoles sont en mesure de se procurer ont tendance à diminuer par rapport aux premières années de l'après-guerre.

63. Je ne crois pas que la solution des problèmes économiques que posent les réfugiés étrangers en Europe centrale et dans le Proche-Orient puisse être trouvée dans un complément d'assistance. Dans certaines régions, où les réfugiés connaissent encore la vie des camps, il faut procéder d'urgence à une nouvelle répartition de la population réfugiée. Cela exige l'octroi de crédits permettant de construire des logements appropriés et d'assurer la réadaptation professionnelle. Cela suppose en maintes occasions la possibilité de contracter, à des conditions raisonnables, des emprunts qui permettent aux réfugiés d'exercer leur métier ou de créer une entreprise. En Allemagne notamment, la Banque des expulsés allemands a déjà institué une division spéciale pour les réfugiés relevant de mon mandat; toutefois, son fonds de roulement actuel ne lui permet pas de faire face aux besoins réels. La création d'une institution analogue en Autriche, qui s'occuperait tant des réfugiés relevant jusqu'ici du mandat de l'OIR que du groupe, beaucoup plus nombreux, des Volksdeutsche auxquels s'étend la compétence du Haut-Commissariat, répondrait à un besoin qui se fait vivement sentir.

64. Là où l'expansion nécessaire du crédit dépasse les possibilités économiques des pays en cause, l'Organisation des Nations Unies devrait, à mon avis, soit par l'entremise de ceux de ses membres que préoccupent le plus les problèmes posés par la reconstruction économique, soit par l'intermédiaire de ses institutions spécialisées, fournir l'aide économique requise dans le cadre des accords existants. Il serait également possible de recourir à des emprunts spéciaux comme l'avait fait la Société des Nations pour la reconstruction de l'Autriche et de la Hongrie ou pour l'établissement des réfugiés grecs en 1923.

CONCLUSIONS

65. La gravité de la situation dans laquelle se trouveront les réfugiés relevant du mandat de l'Organisation internationale pour les réfugiés, et qui n'auront pas été réinstallés par cette organisation, ressort clairement de la communication du Conseil général de l'OIR Les faits essentiels analysés dans ce document ne sauraient être mis en doute. L'arrivée incessante de nouveaux réfugiés dans les régions que l'OIR n'a pu libérer de tous leurs anciens réfugiés et la situation dans les pays qui ont à faire face non seulement à des problèmes résiduels, mais encore aux difficultés soulevées par leurs propres réfugiés, posent un problème grave qui requiert l'attention des Nations Unies.

66. Ce problème, en dépit de toute son ampleur, m'apparaît pouvoir être résolu s'il est analysé et si l'on s'attaque à chacun des éléments qui le composent. Il existe à mon avis trois modes d'action :

1) Il y aurait lieu tout d'abord de créer un fonds de secours d'importance limitée qui permettrait de répondre aux besoins fondamentaux de certains groupes de réfugiés, par exemple de ceux d'Extrême- et du Moyen-Orient, qui se trouveront dans une situation désespérée lorsque l'OIR aura cessé de leur venir en aide. Ce fonds devrait être également en mesure de faire face à certaines situations pour lesquelles une aide temporaire serait nécessaire d'urgence et auxquelles pourrait donner lieu l'afflux de réfugiés dans des pays de premier asile : le Haut-Commissariat pourrait se charger de sa gestion. Je demande donc à l'Assemblée générale de bien vouloir m'autoriser à entamer les négociations nécessaires et à faire appel au versement de contributions bénévoles qui viendraient alimenter ce fonds de secours.

2) En second lieu, il faudrait établir des plans à long terme, et fixer des méthodes qui permettent de financer et de mettre en oeuvre des programmes de reconstruction économique élaborés de manière à offrir aux réfugiés des groupes « résiduels » dans certaines régions, la possibilité de se créer une vie normale. En conséquence, il conviendrait d'inviter instamment les gouvernements et les institutions spécialisées compétentes à élaborer, en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat, les plans qui s'imposent si l'on veut atteindre cet objectif.

3) En troisième lieu, il est à souhaiter que les Etats qui désirent faire un nouvel effort d'ordre international en faveur des migrations envisagent la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour que les réfugiés relevant du mandat du Haut-Commissariat bénéficient équitablement des possibilités de migration qui seront créées.


1 La première partie du présent rapport a été distribuée sous la cote E/2036, en date du 27 juin 1951.

2 Les réfugiés dans l'après-guerre : rapport préliminaire d'un groupe d'études sur le problème des réfugiés (A/AC.36/6).

3 La deuxième partie du présent rapport a déjà été distribuée sous la cote E/2036/Add.1, en date du 1er septembre.

4 La troisième partie du présent rapport a déjà été distribuée sous la cote E/2036/Add.2, en date du 13 novembre 1951.

5 A/C.3/527 et Corr.1; voir les Documents officiels de l'Assemblée générale, quatrième session, Troisième Commission, Annexes.