Prise de décisions autorisées en matière de protection : le rôle de l'information
Prise de décisions autorisées en matière de protection : le rôle de l'information
EC/1993/SCP/CRP.6
I. INTRODUCTION
1. La protection des réfugiés, que ce soit au niveau des politiques ou des cas individuels, requiert des informations exactes et dignes de foi. Aujourd'hui, si ces informations sont souvent disponibles, sous forme imprimée ou informatisée, il est parfois difficile de les consulter ou de les extraire de manière se prêtant à leur exploitation. De plus en plus, la technologie de l'information, qui consiste à recueillir des données, les analyser et les convertir sous forme électronique, puis à les diffuser, offre la possibilité d'introduire des connaissances essentielles dans le processus décisionnel des gouvernements et des organisations internationales.
2. Dans les discours qu'elle a prononcés devant le Comité exécutif en octobre 1992 et la Troisième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies le mois suivant, le Haut Commissaire a mis l'accent sur la protection comme fondement de son approche triple - capacité de réponse, prévention et recherche de solutions - et a également souligné l'importance d'une « stratégie cohérente de l'information ». Cette stratégie doit inclure non seulement les activités d'information dans les pays d'asile et les pays d'origine, mais aussi les systèmes de collecte, d'analyse et de diffusion des informations qui sont nécessaires pour assurer la protection des réfugiés et pour rechercher des solutions aux problèmes des réfugiés.
3. Des informations exactes et régulières sur les causes des mouvements de réfugiés et autres populations contraintes à la fuite sont bien évidemment essentielles pour permettre au HCR de déterminer à qui il convient d'accorder asile et protection, de formuler des stratégies de recherche de solutions, comme des plans pour le rapatriement librement consenti, et de mettre au point des approches de prévention destinées à faire disparaître ou à réduire les causes de fuite. Les gouvernements, eux aussi, requièrent des informations valables et aisément accessibles sur les causes réelles ou potentielles de déplacement, notamment la situation politique et des droits de l'homme dans des pays donnés, afin de mettre en oeuvre des procédures diligentes de détermination du statut de réfugié et de définir des solutions durables. Ces informations aident également à identifier les populations qui n'ont pas besoin d'une protection internationale, et peuvent faciliter l'élaboration, au sein d'autres instances, d'une réponse internationale efficace aux questions générales relatives aux migrations.
4. La nécessité de traiter les problèmes humanitaires complexes résultant de guerres, de conflits internes, de famines, de violations des droits de l'homme et de la détérioration des structures sociales et économiques s'impose de plus en plus. En conséquence, les organes compétents des Nations Unies, les gouvernements, les organisations intergouvernementales et la communauté internationale dans son ensemble préconisent toujours davantage des mesures visant à prévenir ou à résoudre les conflits et d'autres situations qui aboutissent à l'exode. Pour être efficaces, les mesures de prévention doivent être appliquées en temps voulu et s'assortir d'une action globale et coordonnée prise, si possible, avant le déclenchement de la crise. Lorsqu'ils déterminent des modèles et des approches appropriés pour les activités de prévention, les responsables nécessitent des informations fiables afin d'évaluer les options et de décider en connaissance de cause des solutions. Les Nations Unies, dans un cadre de consultations établi par le Comité administratif de coordination (CAC) en 1992, ont reconnu qu'il y avait lieu de renforcer la capacité de collecte des informations de chaque institution et que l'harmonisation des systèmes d'information était une condition préalable essentielle à une coopération efficace et à long terme.
II. LE DEVELOPPEMENT DES SYSTEMES D'INFORMATION AU SEIN DU HCR
5. Soucieux de renforcer la protection internationale des réfugiés, ainsi que la prévention et la recherche de solutions aux problèmes des réfugiés, le HCR s'efforce, dans le cadre de sa stratégie d'information, de combler les lacunes provoquées par l'absence d'un mécanisme international intégré pour le recueil et l'échange d'informations nécessaires pour promouvoir ces objectifs. Par le biais du Centre de documentation sur les réfugiés (CDR) de la Division de la protection internationale et en étroite collaboration avec la Section des systèmes d'information (ISS), le HCR développe et élargit ses bases de données sur les conditions dans les pays accueillant ou engendrant des flux de réfugiés; les instruments internationaux; les législations nationales s'appliquant aux réfugiés et aux demandeurs d'asile; les résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations Unies concernant des préoccupations et des domaines d'activité du HCR; les publications sur les réfugiés; et la jurisprudence relative aux réfugiés et aux droits de l'homme.
6. Puisque l'information ne contribuera à une prise de décisions autorisées que si elle est aisément accessible et facilement exploitable, le CDR consacre des efforts considérables aux applications de logiciels qui permettent l'organisation et la recherche de données, renforçant ainsi l'accessibilité à ces renseignements. Des progrès sensibles ont été accomplis au cours des douze derniers mois grâce à un certain nombre de contributions importantes et plusieurs Etats membres du Comité exécutif ont répondu avec enthousiasme aux propositions du CDR sur le partage des informations. Ses ressources limitées ont obligé le HCR à accorder la priorité, en attendant de donner davantage d'importance à l'accès externe, au recueil de données, qui est sans aucun doute le volet présentant le plus d'intérêt pour de nombreux Etats. L'année prochaine, le CDR prévoit de mettre au point des dispositions pratiques de mise en commun et d'échange des informations, en particulier en tablant sur le projet pilote ACCESS qui fournit actuellement un accès direct et permanent aux bases de données du HCR/CDR pour les organisations intergouvernementales et non gouvernementales (ONG) et les Etats participants pendant une période initiale de six mois à compter du 1er octobre 1993.
III. NORMES, LIMITATIONS ET GARANTIES JURIDIQUES
7. Le HCR est en principe tenu d'employer du matériel du domaine public qui, s'il est recueilli et employé selon des normes cohérentes, a l'avantage de pouvoir être examiné et vérifié. En établissant ses contacts avec les gouvernements, le CDR a saisi toutes les occasions de souligner qu'il tient non seulement à recueillir des informations, mais aussi à s'assurer de leur fiabilité. En règle générale, aucune source particulière ne peut être écartée; l'expérience montre qu'un ensemble cohérent d'informations exige des sources multiples, même si le HCR estime qu'il serait souhaitable d'aborder dans de futurs débats la question générale des normes d'information et de corroboration.
8. Lors de la mise au point et de l'application d'une stratégie de l'information, le HCR considère également qu'il faut garantir le respect des normes nationales et internationales de protection des renseignements personnels; et s'assurer que les individus ne souffrent pas d'une perte de protection en raison de révélations préjudiciables.
IV. LA COOPERATION INTERNATIONALE
9. Les initiatives du HCR ont été conçues de manière à éviter les efforts redondants, garantir l'intégrité du système de protection internationale, renforcer la conception et l'application des programmes, répartir les responsabilités de manière appropriée et efficace entre les Etats et les organisations internationales, et fournir une base d'action dans le système des Nations Unies, en attendant la mise au point d'un mécanisme international cohérent de collecte, de vérification et d'échange d'informations. Aucune institution ne possède à elle seule les capacités ou les ressources requises pour recueillir et diffuser toutes les informations dont le HCR a besoin pour s'acquitter de ses différentes responsabilités. En conséquence, ces douze derniers mois, le Haut Commissariat a activement étudié les possibilités de coopération avec les gouvernements et le CDR a participé étroitement aux initiatives intergouvernementales liées, à l'élaboration de bases de données avec d'autres institutions des Nations Unies et aux activités apparentées d'information des ONG. La coopération est l'un des moyens d'arriver à une division utile du travail en ce qui concerne le recueil, le traitement et l'échange d'informations.
V. ELEMENTS D'UNE POLITIQUE D'INFORMATION EN MATIERE DE PROTECTION
10. Les éléments de base de la stratégie du HCR sur les systèmes d'information concernant particulièrement la protection des réfugiés sont les suivants :
a) renforcer l'accès du HCR à des informations exactes et à jour sur les causes des flux de réfugiés et des mouvements apparentés, en vue d'améliorer la prise de décisions au siège et sur le terrain quant aux populations qui devraient recevoir une protection, de formuler des politiques mieux conçues à l'égard du rapatriement librement consenti comme solution durable et afin de traiter la dimension préventive des opérations du HCR;
b) en coopération avec d'autres institutions internationales, gouvernements et ONG concernés, développer la capacité à recueillir, analyser, échanger et diffuser des informations du domaine public relevant des responsabilités de protection du HCR;
c) contribuer dans les instances pertinentes à l'élaboration et à la normalisation de critères relatifs au recueil, à l'exactitude et à la crédibilité des informations;
d) à la demande des gouvernements et/ou des organes intergouvernementaux, participer à l'établissement et au développement d'une capacité d'information relative à la détermination du statut de réfugié et aux politiques sur les réfugiés;
e) maintenir et renforcer la capacité du Haut Commissariat à servir de ressource pour le matériel historique relatif aux réfugiés et au HCR, et pour la documentation sur les réfugiés, le droit des réfugiés, et les décisions concernant la détermination du statut de réfugié;
f) garantir une meilleure protection des réfugiés, notamment en favorisant le respect des normes internationales relatives à la protection des données.
11. La mise en oeuvre intégrale d'une stratégie de l'information fondée sur les éléments ci-dessus, ayant la protection des réfugiés pour objectif d'ensemble, exigera un renforcement et un développement du Centre de documentation sur les réfugiés, tant par la dotation de ressources humaines, matérielles et financières appropriées, que par une coopération renforcée avec les Etats et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales compétentes dans ce domaine.