Note sur les femmes réfugiées et la protection internationale
Note sur les femmes réfugiées et la protection internationale
EC/SCP/59
Présentation générale
1. La protection internationale des femmes réfugiées figure parmi les préoccupations de la communauté internationale depuis de nombreuses années. En 1985, suite aux travaux du Sous-Comité plénier sur la protection internationale, le Comité exécutif a adopté une conclusion1 où il note que les femmes et filles réfugiées sont majoritaires au sein de la population mondiale des réfugiés et que nombre d'entre elles sont confrontées à des problèmes spécifiques dans le domaine de la protection internationale. Il souligne la nécessité, pour les gouvernements et le HCR, d'accorder une attention urgente à ces problèmes pour que toutes les mesures appropriées soient prises afin de garantir aux femmes et aux filles réfugiées une protection contre la violence, les menaces d'atteintes à leur sécurité physique, les mauvais traitements ou les sévices sexuels. Par la suite, le HCR a publié des Directives internes visant à améliorer la protection des femmes réfugiées en 1987.
2. Au cours des années suivantes, le Comité exécutif a continué à étudier la question. A sa quarantième session, il a adopté la conclusion la plus récente sur ce thème,2 dans laquelle notamment, il « demande au Haut Commissaire de présenter un rapport intérimaire détaillé sur la mise en oeuvre des politiques et des programmes du HCR en faveur des femmes réfugiées en matière de protection et d'assistance ». En outre, « il demande, en particulier, au Haut Commissaire de préparer une version élargie et révisée des Directives internes concernant la protection internationale des femmes réfugiées ».
3. La protection internationale des femmes réfugiées a également été étudiée dans le cadre d'autres instances du système des Nations Unies. Ainsi par exemple le Conseil économique et social a adopté la résolution 34/2, lors de sa deuxième session ordinaire tenue en 1990, dans laquelle il demande aux gouvernements, aux institutions pertinentes des Nations Unies et aux organisations non gouvernementales concernées d'augmenter leurs efforts en vue de répondre aux besoins spécifiques des femmes réfugiées en particulier celles réfugiées depuis longtemps, ainsi que des femmes déplacées, dans les domaines de l'éducation, la santé, la sécurité physique, les services sociaux, la formation, l'emploi et les activités génératrices de revenus, et de faire participer les femmes à la planification et à la mise en oeuvre de ces programmes ».
4. De son côté, la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme étudiera la question en 1991 à l'occasion de sa trente-quatrième session. En vue de cette réunion, le Centre pour la promotion de la femme a réuni, en juillet 1990, un Groupe d'experts sur les femmes et les enfants réfugiés et déplacés. Ce Groupe s'est consacré à l'étude d'un rapport préparé spécialement par un consultant3 et il a mis au point une série de recommandations détaillées qui sera présentée à la Commission sur la condition de la femme.
5. La présente Note soumise au Sous-Comité plénier sur la protection internationale s'inscrit dans le cadre de l'effort déployé réalisé par les différentes institutions du système des Nations Unies en vue de promouvoir la protection effective des femmes réfugiées. Il serait souhaitable qu'au terme des délibérations du Sous-Comité plénier, le Comité exécutif puisse être en mesure d'adopter une série de conclusions détaillées sur la question. Ces conclusions, comme les recommandations que la Commission sur la condition de la femme adoptera l'année prochaine, constitueront la base des Directives internes révisées que le Comité exécutif a demandé au HCR de préparer.
Introduction
6. La communauté internationale a donné pour mandat au HCR de fournir une protection internationale aux réfugiés et de trouver des solutions durables à leurs problèmes. Le principe de protection internationale veut que toutes les mesures nécessaires soient prises pour garantir que les réfugiés soient protégés comme il convient et que leurs droits soient effectivement respectés. La protection internationale va donc au-delà de la protection juridique et diplomatique. La relation intrinsèque qui existe entre les activités de protection et d'assistance est particulièrement évidente en ce qui concerne les femmes réfugiées. Dans de nombreux cas, les différentes mesures qu'il convient d'adopter pour répondre aux préoccupations relatives à la protection sont liées aux activités d'assistance. A l'inverse, la planification et la mise en oeuvre des programmes d'assistance peuvent avoir des répercussions directes, parfois même néfastes, sur la protection des femmes réfugiées. C'est pour ces différentes raisons que la protection internationale des femmes réfugiées doit être prise dans son sens le plus large.
7. La présente Note a pour objectif de refléter cette approche de la protection internationale des femmes réfugiées. Elle propose tout d'abord un cadre élémentaire pour les activités de protection internationale, puis décrit dans un bref exposé les problèmes et les besoins spécifiques auxquels sont confrontées les femmes réfugiées. Ce faisant, elle traite des préoccupations classiques qui existent en matière de protection, à savoir la détermination du statut de réfugié et la protection de la sécurité physique. Y sont également décrits les besoins prévalant dans les domaines suivants : alimentation, approvisionnement en eau et fourniture de secours de base, santé, éducation, formation professionnelle et activités économiques, ainsi que solutions durables. Tout au long de la présente Note, on a cherché à déterminer quelles sont les actions à envisager pour faire face aux problèmes décrits. Enfin, la Note étudie le rôle du personnel féminin qui participe aux programmes en faveur des réfugiés et quels sont ses besoins.
Cadre élémentaire
8. Il est clair qu'il convient que les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels des femmes réfugiées, soient respectés, au même titre que ceux des autres réfugiés. Il en découle l'obligation de s'assurer que les Etats parties respectent non seulement les dispositions de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au Statut des réfugiés, mais aussi d'autres instruments internationaux pertinents, tels que la Convention de Genève de 1949 et les deux Protocoles additionnels de 1977, ainsi que les Pactes de 1966 relatifs aux droits de l'homme.
9. La Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes4 revêt une importance particulière dans le contexte des femmes réfugiées. L'article 3 invite les Etats parties à prendre « dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour s'assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l'exercice et la jouissance des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur la base de l'égalité avec les hommes ». Cela signifie qu'il ne faut faire aucune distinction, exclusion ou restriction « fondée sur le sexe qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l'égalité de l'homme et de la femme, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines, politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ».5
10. Pour les raisons susmentionnées, le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes constitue l'un des éléments essentiels du cadre élémentaire de développement de la protection internationale en faveur des femmes réfugiées. Ce cadre repose également sur l'idée qu'il convient de garantir que les femmes réfugiées puissent participer pleinement à toutes les activités qui les concernent.
11. Eu égard à ce dernier point, le document intitulé « Politique du HCR concernant les femmes réfugiées » soumis à la présente session du Comité exécutif signale que le Haut Commissariat, en tant qu'institution des Nations Unies, a l'obligation de rendre compte de la mise en oeuvre des Stratégies prospectives d'action de Nairobi pour la promotion de la femme. Ces Stratégies reconnaissent que les programmes qui étaient prévus sans consultation et sans participation de plus de la moitié des bénéficiaires, c'est-à-dire les femmes réfugiées, ne pouvaient être efficaces et qu'ils pouvaient, en revanche, sans qu'on l'ait voulu, influer défavorablement sur leur situation socio-économique.
12. C'est pour cette raison que la politique du HCR admet que pour comprendre pleinement les besoins et les capacités de la population réfugiée et l'encourager à garder sa dignité et à devenir autosuffisante, les femmes réfugiées doivent elles aussi participer à l'élaboration et à l'exécution des projets. Les rôles socioculturels et économiques peuvent déterminer dans une large mesure le mode de participation des hommes et des femmes. La situation de réfugié a souvent pour effet de bouleverser les rôles traditionnels puis de les atteindre dans leurs fondements ou de les renforcer. Il est donc indispensable que les organisations travaillant avec des réfugiés reconnaissent que des initiatives spéciales doivent souvent être prises pour donner à tous les réfugiés l'occasion de contribuer aux activités prévues a leur intention.
Les besoins spécifiques des femmes réfugiées
13. Tout le monde s'accorde à dire que la situation de réfugié affecte différemment les hommes et les femmes. Pourtant récemment encore, il existait peu de programmes pour les réfugiés qui semblaient véritablement reconnaître ce fait. Il est certain que les femmes réfugiées sont généralement exposées aux mêmes formes de violations de leurs droits fondamentaux que les hommes. Les attaques armées contre des camps et des zones d'installation de réfugiés sont tout aussi susceptibles d'atteindre des femmes réfugiées que des hommes. De même, le non respect du droit à l'éducation ou au travail affecte tout autant les femmes que les hommes. Il n'en reste cependant pas moins qu'en matière de protection, les femmes réfugiées ont des besoins spécifiques.
14. Lors de l'analyse des problèmes auxquels se trouvent confrontées les femmes réfugiées, il s'avère qu'ils sont souvent similaires, sinon identiques, à ceux que rencontrent les femmes en général dans leur pays d'origine ou d'asile. La particularité de la situation des femmes réfugiées ne réside pas dans le fait qu'elles souffrent de telles violations de leurs droits, mais plutôt dans le fait qu'elles y sont particulièrement exposées pour plusieurs raisons : parce qu'elles fuient la persécution; parce qu'elles souffrent du décalage social provoqué par cette fuite; parce qu'elles se retrouvent parfois totalement isolées de leur famille et des protecteurs qu'elles avaient au sein de leur communauté; et certainement parce qu'elles sont étrangères dans un environnement inconnu. Les paragraphes suivants tentent d'identifier quelles sont les situations où les femmes réfugiées sont particulièrement vulnérables aux violations de leurs droits et proposent des solutions appropriées.
a) Détermination du statut de réfugié
15. Il est évident qu'une femme qui présente une crainte fondée de persécution pour des raisons de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social particulier ou à un parti politique est réfugiée au même titre qu'un homme. Il est cependant possible que des problèmes surviennent lors des démarches précédant la détermination du statut de réfugié. C'est le cas par exemple des femmes qui ont subi une forme de persécution cruelle, inhumaine et traumatisante comme des sévices sexuels. Rares sont les femmes qui peuvent parler d'une telle expérience avec un homme et les pays qui emploient du personnel féminin pour mener à bien le processus de détermination du statut de réfugié sont peu nombreux. En outre, les décideurs impliqués dans la procédure de détermination du statut n'ont pas toujours pleinement conscience de la situation particulière dans laquelle se trouvent les femmes dans leurs différents pays d'origine. Ainsi, même lorsqu'elle a été victime de persécution, une femme rencontre davantage de difficultés qu'un homme pour établir sa demande de statut.
16. Pour que la situation change, il serait bon d'encourager les Etats à garantir que les femmes en quête d'asile jouissent librement de leur droit d'accès aux procédures de détermination du statut. Il faudrait que les entretiens soient menés par du personnel féminin sensibilisé aux problèmes des femmes et ayant des compétences suffisamment solides pour réaliser cette tâche. Une attention particulière devrait être accordée en priorité aux femmes qui ont été victimes de violences dans le cadre de services d'orientation professionnelle culturellement adaptés et spécifiquement destinés aux femmes afin d'essayer de faire disparaître leurs traumatismes.
17. Même si de telles mesures étaient adoptées, il ne serait toutefois pas toujours possible d'étendre la protection internationale accordée aux réfugiés aux femmes qui en ont besoin. Cela s'explique par le fait que la définition universelle du réfugié contenue dans la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés ne porte pas mention de l'appartenance sexuelle parmi les motifs de persécution qui entraînent l'octroi du statut de réfugié. Pour cette raison le Comité exécutif reconnaît, dans sa résolution No 39 (XXXVI) sur les femmes réfugiées et la protection internationale, que les Etats, dans l'exercice de leur souveraineté, sont libres d'adopter l'interprétation selon laquelle les femmes en quête d'asile soumises à des traitements cruels ou inhumains pour avoir transgressé les coutumes de la communauté où elles vivent peuvent être considérées comme appartenant à un « certain groupe social » aux termes de l'article premier, A.2) de la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés.
18. Le caractère universel de la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes étant de plus en plus souvent reconnu, il est proposé que toute grave discrimination faisant entorse à la Convention justifie l'octroi du statut de réfugié conformément au raisonnement exposé ci-dessus. Pour que le statut des personnes qui se trouvent dans une telle situation soit plus facile à déterminer, il est important que les décideurs qui participent aux procédures de détermination du statut de réfugié puissent disposer des documents d'information sur la situation des femmes dans leur pays d'origine, en particulier concernant la persécution pour des raisons sexuelles et ses incidences.
b) Sécurité physique
19. Pour beaucoup de femmes réfugiées, le viol, l'enlèvement, le harcèlement sexuel, la prostitution, la violence physique et l'obligation fréquente d'accorder des « faveurs sexuelles » en échange de papiers et/ou d'articles de secours sont encore une triste réalité. Il reste toutefois extrêmement difficile d'évaluer la fréquence de telles violations. Bien que le Gouvernement thaïlandais ait établi un programme de lutte contre la piraterie qui met en lumière l'étendue du problème dans les eaux d'Asie du Sud-Est, de manière générale, aucun programme similaire n'a encore été mis en oeuvre. Ce programme a pourtant permis de tirer une leçon fondamentale - à savoir que les victimes d'attaques et de sévices sexuels ne parlent pas facilement de ce qu'elles ont vécu et qu'il faut donc s'efforcer d'aller chercher l'information pour mieux comprendre l'ampleur du problème et d'y faire front - qui pourrait fort bien servir d'exemple pour d'autres situations.
20. Bien que l'étendue du problème n'ait pas encore été déterminée avec précision, il existe toutefois une documentation assez importante sur les différentes formes de violations dont les femmes sont victimes et sur les violences et les sévices sexuels auxquels elles sont exposées, ainsi que sur les solutions qui pourraient être mises en oeuvre pour tenter de résoudre ce problème. Au nombre des violations auxquelles les femmes réfugiées sont exposées, figurent l'enlèvement et le viol par des gardes et des soldats postés aux différents points d'entrée situés le long des frontières, et aussi dans les camps et les zones d'installation. Il a été rapporté qu'il arrivait que ce soient les administrateurs des camps et les réfugiés eux-mêmes qui harcèlent les femmes réfugiées. Les sévices sexuels peuvent avoir lieu dans le cadre de la procédure de détermination du statut, certains fonctionnaires acceptant d'accorder le statut aux femmes contre certaines faveurs. Des pratiques similaires peuvent intervenir au cours du processus de réinstallation ou encore lorsque les femmes viennent demander leurs articles de secours aux fonctionnaires chargés des activités d'assistance. Enfin, il arrive également que les femmes réfugiées non accompagnées ou chefs de famille aient à subir des sévices de la part des responsables de l'application des lois, en particulier lorsqu'elles n'ont pas de papiers d'identité sur elles et qu'elles sont donc incapables de justifier leur présence dans le pays d'asile.
21. Il existe un large éventail de mesures qui permettraient de résoudre ces problèmes et dont l'effet combiné ferait disparaître, avec le temps, ce type de violations des droits fondamentaux des femmes réfugiées. Les femmes réfugiées pourraient par exemple être invitées à contribuer personnellement à renforcer leur propre protection. Il faudrait encourager la création d'associations de femmes et de comités de réfugiés auxquels participent également les femmes réfugiées. Le personnel des autorités et des organisations compétentes, y compris des organes chargés de faire respecter la loi et des groupes militaires locaux, devrait être pleinement informé des droits et des besoins des femmes réfugiées. Ces dernières devraient également être informées de leurs droits et de leurs capacités.
22. De toute évidence, les capacités des femmes réfugiés devraient être beaucoup mieux utilisées qu'elles ne l'ont été jusque-là. Leur force doit être intégrée au processus dès les premiers stades d'une situation de réfugiés afin que l'on puisse tenter de répondre immédiatement à leurs besoins lors de l'élaboration des premières mesures de protection et d'assistance. Il est particulièrement important de garantir que les femmes contribuent et participent de plus en plus à la mise au point de mécanisme - qui permettront d'améliorer l'établissement de rapports sur les violences physiques et les sévices sexuels, à la mise en place de mesures préventives et à la planification et la mise en oeuvre des programmes d'assistance et autres programmes correspondants. Une fois encore, il convient de fournir en priorité des services d'orientation professionnelle culturellement adaptés et des autres services en faveur des victimes de violences. Les gouvernements hôtes et les partenaires d'exécution devraient également augmenter la proportion de personnel féminin en poste sur le terrain dans l'objectif spécial d'identifier et d'apporter une aide aux femmes réfugiées pouvant être victimes de violences physiques ou de sévices sexuels. Les autorités compétentes devraient garantir que ce type de personnel ait libre accès auprès des femmes réfugiées.
23. Dans un souci de prévention, il serait bon de renforcer la présence de personnel qualifié, national ou international, le long des routes empruntées pour la fuite, dans les centres d'accueil, dans les camps et les zones d'installation, et dans les autres endroits où vivent des femmes réfugiées, afin de contribuer à protéger les populations affectées et de pouvoir surveiller la situation et en faire rapport. Si besoin est, il faudrait également mettre au point des programmes de formation spécifiquement destinés à cette catégorie de personnel.
24. Il faudrait davantage encourager les autorités nationales compétentes à prendre des mesures spéciales pour faire respecter la loi et garantir que les personnes qui ont commis des crimes à l'encontre des femmes réfugiées soient arrêtées et jugées. Ces mesures devraient également non seulement garantir que les victimes reçoivent les soins appropriés, mais aussi qu'elles soient efficacement protégées contre des représailles éventuelles.
25. L'expérience montre qu'il est nécessaire de prendre des mesures spécifiques pour garantir que la sécurité physique des femmes réfugiés soit respectée dans les camps et les zones d'installation. Ces mesures devraient tout d'abord être adoptées au niveau de la planification d'une zone d'installation pour les réfugiés. L'un des objectifs d'une telle planification devrait être de préserver, dans la mesure du possible, la structure communautaire du pays d'origine lors de l'installation dans le nouveau site. Cela s'est déjà révélé utile pour renforcer la protection offerte aux femmes réfugiées par leur propre communauté. Un autre objectif doit être de s'assurer que les services de base qui sont proposés sur le site soient situés de sorte à ce que les femmes réfugiées puissent y avoir accès sans prendre de risques. La troisième préoccupation devrait être d'assurer la protection des femmes réfugiées pendant la nuit. Une telle protection peut être renforcée, le cas échéant, par des patrouilles de nuit faisant des rondes fréquentes et par l'amélioration de l'éclairage des sites. Quatrièmement enfin, les femmes réfugiées non accompagnées et chefs de famille devraient recevoir une attention particulière et être consultées lors de la planification de leur logement dans un camp ou une zone d'installation.
26. La nécessité de trouver des solutions de rechange aux camps de réfugiés est un fait largement reconnu. Bien que ces camps présentent évidemment une certaine utilité du point de vue des activités d'assistance qu'ils permettent lorsqu'une situation de réfugiés apparaît, les séjours prolongés entraînent parfois des violations de la loi et de l'ordre public. Lorsque les réfugiés restent confinés un certain temps dans un espace limité où ils ne peuvent pas mener une vie normale et n'entrevoient aucune amélioration, les manifestations de violences ont tendance à se multiplier, affectant de nouveau plus souvent les femmes que les hommes. Une des solutions qui permettrait de renverser cette situation serait d'offrir des possibilités d'emploi à la population adulte afin qu'elle puisse retrouver sa dignité et améliorer son niveau de vie.
27. L'une des raisons pour lesquelles les femmes réfugiées sont particulièrement exposées aux violences physiques et aux sévices sexuels est que très souvent, elles se retrouvent privées de leurs papiers d'identité et ne peuvent donc pas justifier leur présence dans le pays d'asile. Cela montre à quel point il est nécessaire que des papiers d'identité et/ou des fiches d'enregistrement individuelles soient établis pour toutes les femmes réfugiées et que leur statut ait été déterminé, de façon individuelle ou de façon collective dans le cadre d'un afflux de réfugiés. Ces documents devraient être établis sans tenir compte du fait que les femmes sont accompagnées ou pas par des hommes de leur famille.
28. L'exploitation sexuelle sous la forme de prostitution est monnaie courante dans un grand nombre de cas, concernant principalement les femmes réfugiées célibataires, ainsi que les filles non accompagnées et les femmes chefs de famille. Une femme qui vit seule dans une région urbaine est souvent immédiatement considérée comme une prostituée. Les cas de prostitution s'expliquent d'une façon plutôt complexe, car les femmes réfugiées n'ont souvent pas d'autre solution pour gagner de l'argent et faire face aux obstacles qu'elles rencontrent pour obtenir un permis de travail, pour faire garder leurs enfants pendant qu'elles travaillent et lorsque leur mari les abandonne, pour ne citer que quelques causes. Les solutions proposées sont également complexes mais comprennent au moins la réorientation de la plupart des solutions mis en oeuvre en faveur des réfugiés afin de garantir que des alternatives réalistes soient proposées pour que les femmes réfugiées ne soient plus obligées de se prostituer pour subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes qu'elles ont à leur charge.
c) Vivres, eau et secours
29. Dans de nombreuses situations de réfugiés, la principale cause de mortalité est la malnutrition. Les personnes mal nourries offrant moins de résistance aux maladies et étant plus difficiles à soigner, le manque de nourriture est l'un des facteurs essentiels qui entraînent la mort indirectement. Les femmes sous-alimentées présentent des carences en fer, en calcium, en iode et en vitamine C. Les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables car si elles sont anémiques, elles sont exposées à un risque de fausse couche ou d'hémorragie fatale pendant l'accouchement. Les femmes enceintes et les mères nourricières ne fournissent pas suffisamment d'éléments nutritifs pour que leurs enfants survivent. Lorsqu'elles sont sous-alimentées, les femmes réfugiées sont d'autant plus vulnérables aux risques qu'entraînent l'insalubrité et la contamination des sources d'approvisionnement en eau. En outre, leur vie est également menacée par le fait qu'elles ne puissent pas avoir accès à des secours de base tels qu'un abri et des vêtements.
30. Le fait d'avoir accès à des secours de base tels que l'eau ou les vivres au même titre que les hommes constitue une question clé pour les femmes réfugiées. Les décisions relatives à la distribution des secours alimentaires ne tiennent pourtant généralement pas vraiment compte de leurs besoins particuliers. Les paniers de nourriture et la manière dont ils sont répartis se révèlent donc parfois inadaptés. Par exemple, les vivres distribués ne devraient jamais être contraires aux habitudes alimentaires des réfugiés ou être difficiles à préparer dans un camp. Il arrive que ces problèmes soient encore aggravés par certaines pratiques culturelles selon lesquelles c'est l'homme qui doit manger d'abord. Cela devient particulièrement grave lorsque, comme c'est le cas actuellement, les secours alimentaires viennent à manquer et que le HCR, du fait de ses contraintes budgétaires, ne peut pas pallier la réduction des rations alimentaires en achetant davantage de denrées alimentaires.
31. Même dans des situations aussi précaires, les vivres acheminés via les réseaux de distribution contrôlés par des hommes ont été détournés au profit de la résistance ou mis en vente sur le marché noir, au grand dam des femmes et des enfants. Dans d'autres cas, certains responsables de la distribution des vivres et d'autres articles de secours ont exigé des faveurs sexuelles en retour.
32. La distribution de lait en poudre dans les camps de réfugiés présente également un problème car il ne constitue pas un substitut acceptable au lait maternel. Les femmes réfugiées qui ne peuvent pas allaiter leur enfant sont souvent obligées d'utiliser du lait en poudre, situation souvent provoquée par une alimentation insuffisante. Or lorsqu'il est mélangé avec de l'eau non stérilisée, le lait en poudre peut provoquer de graves diarrhées pouvant entraîner la mort des enfants.
33. Pour ces différentes raisons, il apparaît clairement qu'il est indispensable de prendre conscience des besoins des femmes réfugiées et de faire en sorte qu'elles participent pleinement à l'élaboration et à la mise en oeuvre des programmes alimentaires. Pour pouvoir lutter contre la malnutrition et favoriser l'autosuffisance, il faudrait que les femmes réfugiées aient les moyens de produire, de commercialiser ou encore d'acquérir suffisamment de denrées alimentaires pour subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes dont elles ont la charge. Dans la mesure où une assistance alimentaire est encore nécessaire, le groupe des femmes réfugiées devrait être associé aux systèmes de distribution et jouer un rôle décisif en ce qui concerne leur établissement et leur mise en oeuvre. Il conviendrait également qu'elles soient systématiquement consultées avant de commander des articles de secours tels que pots, casseroles et conteneurs.
34. Les rations alimentaires doivent bien sûr fournir un apport nutritionnel équilibré, contenir une quantité de calories suffisante et respecter les pratiques alimentaires traditionnelles des réfugiés. Une attention toute particulière doit être portée aux besoins des femmes en âge d'avoir des enfants. Le Programme alimentaire mondial (PAM) et d'autres sources d'aide alimentaire devraient être incités à augmenter la teneur en vitamines et en minéraux de leur aide alimentaire. Il faudrait établir des systèmes spéciaux pour pouvoir surveiller l'état nutritionnel des femmes réfugiées et apprendre aux femmes à se surveiller elles-mêmes. Lorsque l'on s'aperçoit qu'il existe des carences nutritionnelles ou que l'état nutritionnel est en train de s'aggraver, il faudrait immédiatement prendre des mesures pour augmenter l'apport nutritionnel des rations alimentaires. Il faudrait également établir de nouveaux programmes d'éducation concernant l'alimentation des femmes réfugiées et renforcer ceux qui existent déjà.
35. Les femmes réfugiées, comme beaucoup d'autres femmes dans les pays en développement, consacrent une grande partie de leur temps à l'approvisionnement en eau. Ce problème est parfois aggravé par le fait que les conteneurs sont trop lourds ou que les sources d'approvisionnement sont trop éloignées des zones d'installation, ce qui demande plus de temps et augmente donc les risques d'agression. Des problèmes du même ordre apparaissent en ce qui concerne la collecte de combustibles de cuisine et de chauffage.
36. Pour ces différentes raisons, il est essentiel que les femmes réfugiées puissent avoir accès à des installations sanitaires et à des dispositifs d'approvisionnement en eau potable. Elles devraient aussi pouvoir participer à l'identification des besoins et des préférences relatives au type et à l'emplacement des sources d'approvisionnement en eau et être capables de les utiliser et de les entretenir. Il faut également tenir à leur disposition des moyens adaptés à leur culture afin qu'elles aillent chercher l'eau pour se laver et nettoyer leurs vêtements.
d) Santé
37. Il est important que les femmes réfugiées puissent accéder facilement à des services de santé adaptés, tant pour leur propre santé que pour le bien-être de la communauté, car ce sont généralement elles qui effectuent la majeure partie des travaux domestiques, leur incapacité à réaliser ces tâches touchant donc l'ensemble de la famille. Les femmes sont aussi les premières à apporter des soins de santé aux membres de leur famille, l'état de santé de ces derniers est donc directement lié à leur compétence et à l'intérêt qu'elles portent à la promotion d'un environnement sain et à la prévention des maladies.
38. L'importance du taux de fécondité est responsable de nombreux décès parmi les femmes réfugiées en âge d'avoir des enfants. Les problèmes viennent du fait que les accouchements sont pratiqués par des sages-femmes peu qualifiées, dans des locaux mal éclairées et peu hygiéniques (notamment en ce qui concerne la stérilisation des instruments). Comme elles sont généralement chargées de l'approvisionnement en eau et du stockage, les femmes sont davantage exposées aux maladies à transmission hydrique. L'eau contaminée peut provoquer des maladies comme la typhoïde, le choléra, la dysenterie et les hépatites infectieuses. D'autres maladies comme la schistosomiase ou des parasitoses intestinales, sont transmises en absorbant de l'eau contaminée ou simplement en s'y baignant. En outre, les femmes réfugiées sont également menacées par la maladie du sommeil, la malaria, la fièvre jaune et la cécité des rivières qui peuvent être transmises par toutes sortes d'insectes qui se reproduisent à proximité de l'eau.
39. Comme différentes sources l'ont attesté, les effets néfastes des pratiques traditionnelles telles que la clitorectomie, peuvent entraîner des complications pour les femmes réfugiées : infections dues au manque de stérilisation des instruments, dommages causés aux organes voisins, blocage des règles, douleurs engendrées par les rapports sexuels, pertes de sang abondantes et complications obstétriques. Comme on l'a déjà constaté, il arrive fréquemment que les femmes souffrent également de certains troubles psychiatriques et affectifs qui résultent des violences physiques ou autres sévices sexuels qu'elles ont subis. D'autres facteurs peuvent venir aggraver ces problèmes, à savoir la disparition des mécanismes de soutien traditionnels, les difficultés d'adaptation à la situation de réfugié, la violence quotidienne, la surcharge de travail et les effets secondaires des souffrances physiques.
40. Les services de santé qui posent des problèmes du point de vue culturel peuvent constituer un obstacle à l'amélioration de la situation sanitaire des femmes réfugiées. Dans un contexte ou les valeurs culturelles interdisent à une femme d'être examinée par un agent de santé masculin s'il ne fait pas partie de ses proches, l'absence de personnel de santé féminin constitue une barrière insurmontable. Dans d'autres cas, les femmes ont tellement de responsabilités à assumer que ce sont les heures d'ouverture des dispensaires qui les empêchent de se rendre dans les services de santé. Cela devient particulièrement ennuyeux lorsque les traitements prescrits nécessitent des visites régulières au centre de santé, comme c'est le cas notamment pour la tuberculose. Si les dispensaires sont trop éloignés, les femmes ne s'y rendent pas car elles ont peur.
41. De même, le fait que les services de santé soient mal adaptés aux besoins est loin de contribuer à ce que les femmes réfugiées soient en bonne santé. Dans plusieurs cas par exemple, les services gynécologiques sont tout à fait inadaptés. Il arrive fréquemment que les besoins essentiels des femmes qui ont leurs règles soient négligés en ce qui concerne les vêtements et installations sanitaires indispensables. Les infections et les cancers du col de l'utérus ne sont pas dépistés et les services d'orientation sociale concernant les maladies sexuellement transmissibles sont généralement inadaptés. Peu de programmes sont spécialement conçus pour répondre aux besoins des adolescentes. Dans la plupart des programmes en faveur des réfugiés, l'accès à des informations sur le contrôle des naissances et à des dispositifs adaptés selon les besoins culturels est limité. Dans certains cas, l'environnement des camps n'est guère favorable à l'utilisation de certaines méthodes conseillées dans le cadre du contrôle des naissances.
42. Comme pour d'autres aspects du développement de la protection des femmes réfugiées, il est essentiel que celles-ci participent aussi pleinement à l'identification, l'élaboration et la mise en oeuvre de tous les programmes de santé en faveur des réfugiés. Ces programmes devraient être orientés vers les soins de santé primaires et spécifiquement destinés à la communauté. Il faudrait inclure des programmes de formation d'accoucheuses traditionnelles ainsi que des visites à domicile effectuées par du personnel de santé féminin. Il faudrait demander aux institutions responsables de la mise en oeuvre des programmes de santé en faveur des réfugiés d'établir des directives concernant la dotation en effectifs qui exigent qu'au moins 50% des agents de santé soient de sexe féminin. Il faudra s'efforcer en particulier d'identifier les femmes, y compris les réfugiées, qui seront formées pour être des agents de santé.
43. Toutes les femmes réfugiées devraient avoir accès à des services de vaccination, de santé maternelle et infantile, y compris des services gynécologiques, des services d'éducation sur les maladies sexuellement transmissibles et les pratiques traditionnelles dangereuses, ainsi que des services de contrôle des naissances adaptés en fonction de la culture. Ces services devraient également contenir des programmes de réintégration destinés aux femmes réfugiées âgées et handicapées. Comme il est indiqué précédemment, des services d'orientation et des services psychiatriques devraient être également fournis, en particulier pour les personnes qui ont été victimes de torture, de viol et d'autres sévices sexuels, de violence et de traumatismes physiques.
e) Education
44. La droit à l'éducation est un droit universel qui a été réaffirmé à la fois par un large éventail d'instruments internationaux et par le Comité exécutif dans sa conclusion sur les enfants réfugiés.6 Il existe pourtant des millions d'enfants réfugiés qui n'ont pas droit à l'éducation, les filles ayant moins de chances que les garçons de pouvoir bénéficier un jour de ce droit. Au niveau de l'enseignement primaire, les filles quittent généralement l'école au cours de la troisième année et le pourcentage d'abandon augmente au fur et à mesure que le niveau monte. Au niveau secondaire, 28% seulement des bourses accordées dans le cadre des programmes en faveur des réfugiés sont accordés à des filles, tandis qu'aux niveaux supérieurs, elles représentent 23%.
45. Les principaux obstacles qui empêchent le nombre d'étudiants réfugiés d'augmenter, y compris le nombre de filles, sont notamment le manque de ressources nationales et internationales, le manque d'enseignants, le manque de matériel pédagogique approprié et les limites qu'impose la culture restrictive de certains groupes de réfugiés. De plus, les femmes réfugiées sont confrontées à des problèmes quotidiens comme le manque de garderies et le manque de temps et d'énergie qu'entraînent de longues journées de travail, que ce soit en tant que salariées ou que domestiques.
46. Outre la nécessité de trouver des solutions pour combler ces manques, il est important que les programmes concernant l'octroi de bourses d'études puissent faire participer de manière égale les femmes et les filles réfugiées. Des certificats devraient être établis pour attester des études suivies, de façon à ce que ces qualifications puissent ensuite être reconnues par les autorités compétentes, que ce soit dans le pays d'origine, d'asile ou de réinstallation.
f) Activités professionnelles et activités économiques
47. Les femmes réfugiées rencontrent principalement les mêmes obstacles dans le domaine de la formation professionnelle que dans celui de l'éducation. En outre, pour pouvoir bénéficier des programmes de formation, elles doivent avoir suivi des cours préalables, notamment en matière d'alphabétisation.
48. Bien que le fait de gagner suffisamment d'argent pour entretenir toute une famille soit un besoin essentiel pour de nombreuses femmes réfugiées, en particulier les femmes chefs de famille, peu de programmes considèrent encore les femmes comme une ressource économique importante. Si les stratégies domestiques pour la survie économique diffèrent considérablement selon la composition de la famille, les possibilités d'emploi existantes et les contraintes culturelles, l'importance du rôle économique des femmes est la même en toute situation.
49. Ce rôle est souvent axé autour de la ration alimentaire, l'élément essentiel de la survie économique de la cellule familiale. Les femmes sont souvent chargées non seulement de préparer les repas, mais aussi de faire commerce de la nourriture ou des denrées alimentaires d'appoint afin de se procurer d'autres articles pour subvenir aux besoins de la famille. Lorsqu'elles ont le droit d'avoir un jardin potager, les femmes réfugiées sont parfois chargées de faire cultiver des légumes pour rapporter à la fois nourriture et revenus à la famille.
50. Toutefois, il arrive également que les femmes réfugiées soient employées dans l'économie locale, malgré toutes les limites que leur imposent les lois et les politiques locales. Si certains pays autorisent les réfugiés à travailler officiellement, il n'en va pas de même pour tous. Pour leur part, les femmes réfugiées trouvent plutôt du travail, lorsqu'elles en trouvent, dans le secteur informel de l'économie. Il n'est donc pas rare de rencontrer des femmes réfugiées qui font vivre leur famille en travaillant comme domestiques. Dans certains pays, le seul type d'emploi autorisé par le gouvernement hôte est l'emploi dans des organismes d'assistance. Dans la pratique, les possibilités d'emploi qui sont offertes aux femmes réfugiées se limitent presque uniquement au secteur de la santé ou consistent à s'occuper des projets relatifs aux femmes.
51. Dans de nombreux cas, un petit négoce ou une petite entreprise serait une bonne source de revenus pour une femme réfugiée. Si certaines possèdent déjà les compétences requises pour monter leur commerce, d'autres participent à des projets d'activités génératrices de revenus afin de développer leurs compétences et d'apprendre à développer un projet productif. La participation des femmes à ce type de projets a été facilitée par l'étude des contraintes culturelles imposées aux femmes qui cherchent à travailler en dehors de chez elles. Un certain nombre de problèmes sont toutefois venus contrarier ces projets, notamment consacrés à ce que l'on appelait les activités féminines classiques comme l'artisanat, qui est encore une activité économique marginale. Ces projets ont également souffert du manque de clarté concernant leurs buts et leurs objectifs, de l'excès de frais administratifs, d'un financement insuffisant, de l'élaboration de plans de travail totalement irréalistes et du problème de consultation avec la communauté réfugiée. Les femmes réfugiées n'ont généralement pas pris part aux projets les plus importants, concernant notamment le reboisement, le développement des infrastructures ou encore les activités agricoles. En conséquence, rares sont les projets entrepris en faveur des femmes qui ont permis de réaliser l'autosuffisance économique à long terme des femmes réfugiées.
52. Une fois de plus, il est essentiel que les femmes réfugiées participent à la planification et à la mise en oeuvre des activités de formation professionnelle et aux activités génératrices d'emploi et de revenus destinées à l'ensemble de la communauté réfugiée, bien qu'il soit parfois nécessaire de mettre en place des programmes spécifiquement destinés aux femmes. Il faudrait promouvoir les programmes de formation qui permettent aux femmes réfugiées d'acquérir des compétences commerciales valables dans les secteurs officiel et non officiel et qui reconnaissent que leur situation de réfugiées peut avoir bouleversé leur rôle traditionnel et qu'elles sont parfois devenues des femmes chefs de famille chargées de subvenir aux besoins de toute la famille. Ces programmes devraient comprendre une formation professionnelle dans le domaine de l'agriculture et dans différents domaines, des cours d'alphabétisation et de calcul, et une formation en matière de gestion et d'animation.
53. Chaque fois que possible, il faudrait inciter les autorités compétentes à fournir aux femmes réfugiées la possibilité de mener à bien des activités productives et notamment, de disposer d'un terrain suffisamment grand pour y aménager un potager familial et se consacrer à l'élevage. Les gouvernements hôtes devraient également délivrer plus facilement les permis de travail et autres documents nécessaires afin que les femmes réfugiées puissent prétendre à un véritable emploi et à d'autres activités économiques. Les programmes pour la création d'emplois et les activités génératrices de revenus devraient être élaborés et mis en oeuvre sur la base d'évaluations, de recherches et d'études de faisabilité approfondies et avec la pleine participation des femmes réfugiées, ce qui permettrait de garantir qu'ils sont viables et qu'ils peuvent être poursuivis. Ces activités et programmes devraient également être évalués afin de déterminer leur impact.
g) Solutions durables
54. D'une manière générale, il existe relativement peu d'informations concernant les préoccupations relatives à la protection internationale qui sont spécifiques aux femmes réfugiées dans le domaine des solutions durables. D'un autre côté, s'il est recommandé de poursuivre les études entreprises sur ce thème, certaines questions sont déjà suffisamment bien documentées pour pouvoir être traitées.
55. En réalité, la plupart des problèmes de protection auxquels se trouvent confrontées les femmes réfugiées peuvent très bien se poser à nouveau lors du rapatriement librement consenti, en particulier lorsque le retour est spontané et se fait sans assistance. Les femmes réfugiées se retrouvent donc une fois de plus exposées à des risques de violences physiques et de sévices sexuels au cours du trajet de retour dans leur pays d'origine. Une fois rentrées chez elles, il est possible qu'elles rencontrent encore d'autres problèmes au cas où la communauté restée sur place se montre hostile. La communauté peut par exemple avoir des réticences à accepter que les femmes réfugiées rapatriées réclament leurs terres, en particulier si aucun adulte de leur famille ne les accompagne.
56. Les femmes risquent aussi de rencontrer différents problèmes de protection à l'occasion de la procédure de décision relative au rapatriement librement consenti. Il y a en réalité peu de chances qu'une femme réfugiée puisse exprimer un avis et que l'on en tienne compte, même si elle a une famille à charge. Le problème est double car il existe peut-être des femmes qui voudraient rentrer chez elles, mais qui en sont empêchées par certains réfugiés opposés à toute forme de rapatriement volontaire. De plus, il apparaît que les femmes ne disposent pas toujours des informations nécessaires pour pouvoir prendre une décision autorisée. Par exemple, tandis que l'on aide les réfugiés sélectionnés à retourner quelques temps dans leur pays d'origine afin qu'ils se rendent compte s'ils peuvent y vivre à nouveau, il est très rare que l'on invite les femmes réfugiées à faire de même.
57. Plusieurs pays d'asile acceptent que les réfugiés restent sur leur territoire et s'y installent, mais sans leur donner les moyens de s'établir officiellement. Par conséquent, beaucoup des problèmes mentionnés dans la présente note ne pourront pas être résolus et suivent les réfugiés tout au long de leur vie. Les femmes réfugiées par exemple, restent toujours exposées aux risques de violence physique et de sévices sexuels : elles ne peuvent pas posséder de terrain, obtenir un vrai travail ou devenir économiquement autosuffisantes; elles ne peuvent pas non plus bénéficier des services sociaux nécessaires et restent privées de leurs droits fondamentaux.
58. La majorité des femmes réfugiées réinstallées dans un pays tiers font partie d'une cellule familiale complète. Parmi certaines populations réfugiées, un nombre considérable de familles dirigées par des femmes a été réinstallé. Des efforts particuliers ont été faits pour tenter de trouver des places de réinstallation pour les femmes qui étaient particulièrement exposées dans le pays de premier asile. à ce jour, trois pays ont mis en place des programmes spécifiquement destinés aux femmes réfugiées ne pouvant pas recevoir une protection suffisante dans le pays de premier asile et non éligibles aux fins de réinstallation, bien qu'elles présentent pourtant un besoin urgent de réinstallation du fait qu'elles aient été victimes d'actes de piraterie, de viol, de tortures et d'autres troubles. Ces programmes offrent un important soutien aux femmes lors de leur arrivée dans un pays de réinstallation afin d'augmenter leurs chances de réadaptation et d'autosuffisance.
59. En conclusion, bien qu'il faille réaliser d'autres études sur les problèmes de protection particuliers auxquels sont confrontées les femmes réfugiées dans le cadre des solutions durables, il faudrait néanmoins faire face aux problèmes déjà identifiés. Les divers problèmes que rencontrent les femmes réfugiées pendant l'exil doivent également être abordés dans le contexte de leur rapatriement librement consenti. Par exemple, les femmes devraient être tenues correctement informées sur la situation prévalant dans leur pays d'origine de façon à pouvoir prendre une décision autorisée concernant leur rapatriement. Des efforts spécifiques devraient être faits pour garantir aussi que cette décision soit respectée. Il sera peut-être nécessaire que le pays d'origine prenne davantage de mesures pour garantir que ces femmes soient protégées et que leurs droits fondamentaux soient respectés. Dans les pays d'asile, tous les efforts possibles devront être faits pour permettre que les réfugiés puissent légaliser leur séjour dans le pays, si possible par la naturalisation.
60. Concernant les possibilités de réinstallation, il faudrait demander aux différents pays d'augmenter de façon substantielle leurs quotas de réinstallation ou de proposer davantage de places de réinstallation pour les femmes réfugiées vulnérables, en appliquant les critères de sélection en vigueur d'une façon assez souple pour accepter les femmes réfugiées non accompagnées par un adulte de leur famille. La procédure de sélection et les démarches qui précèdent le départ des femmes vulnérables devraient être réduites le plus possible afin que leur protection puisse être assurée de manière efficace. Les femmes réfugiées devraient être informées de leurs droits dans le cadre de la procédure de réinstallation. Elles devraient bénéficier d'une assistance, comprenant la formation et les cours de langues nécessaires. Elles auront souvent besoin du soutien de la communauté, entre autres, pour assumer leur nouveau râle et leur nouveau statut dans un pays qui leur est étranger. Une telle assistance peut être fournie en grande partie par les organisations non gouvernementales.
Personnel féminin des programmes en faveur des réfugiés
61. La pleine participation des femmes réfugiées à l'identification des besoins et des ressources, et à la planification et à la mise en oeuvre des activités est un thème qui revient tout au long de la présente note. Ce n'est pas la première fois que l'on insiste autant sur ce point. En effet, certains commentaires ont déjà été faits sur la question, notant que la participation est l'un des thèmes qui présente le plus de difficultés lorsqu'il s'agit de passer de la théorie à la pratique.
62. Une partie du problème est due au fait que les réfugiés participent en général de façon limitée au processus de décision en la matière. Les contraintes culturelles qui interdisent parfois la participation des femmes réfugiées ne font qu'aggraver le problème, en particulier lorsque le rôle des femmes était déjà limité dans leur pays d'origine. Malgré tout, les femmes réfugiées ont souvent eu différentes occasions d'exprimer leurs préoccupations avant de quitter leur pays d'origine, ce qu'elles ne pourront peut-être plus faire. Non seulement elles devront garder le silence jusqu'à ce que des dispositions spécifiques soient prises à leur égard, mais leurs connaissances, expériences et ressources resteront inexploitées, au détriment de la mise en oeuvre effective des programmes en faveur des réfugiés. Bien qu'il y ait beaucoup à dire pour maintenir les valeurs culturelles, il est souvent impossible de le faire car dans certaines des zones d'installation de réfugiés, les communautés traditionnelles ont été divisées pendant la fuite.
63. Dans plusieurs pays, la participation des femmes réfugiées à la gestion des programmes s'est soldée par des résultats positifs. Dans beaucoup d'autres cas, il est néanmoins difficile d'intégrer les femmes dans ce processus car les organisations qui travaillent avec les réfugiés ont relativement peu de personnel capable d'établir le dialogue. En général, la quantité de personnel féminin qui travaille avec les réfugiés est encore dérisoire, même au HCR.
64. Tous les efforts devraient être faits pour que les femmes réfugiées puissent participer pleinement à la gestion de programmes. Bien que cet encouragement doive respecter, dans toute la mesure du possible, les valeurs culturelles existantes, il faudrait s'attacher sérieusement à déterminer le rôle traditionnel des femmes dans une société donnée, plutôt que de se baser sur des hypothèses. Comme nous l'avons vu, pour que les femmes réfugiées et les personnes dont elles ont la charge puissent déjà simplement survivre, il faut leur accorder un rôle beaucoup plus actif dans le domaine de la gestion des programmes établis en faveur des populations réfugiées. Un autre facteur important pour atteindre cet objectif est que toutes les organisations qui participent aux programmes en faveur des réfugiés renforcent de manière significative la présence du personnel féminin, en particulier sur le terrain.
Conclusions
65. L'objectif ultime de la protection est de veiller à ce que les réfugiés puissent mener une vie normale dans une communauté, que ce soit dans le pays d'origine, d'asile ou de réinstallation. Dans la mesure où la réalisation de cet objectif présuppose l'autosuffisance de la population réfugiée, la protection internationale des femmes réfugiées requiert une approche du développement en vertu de laquelle elles doivent être pleinement intégrées. Leurs ressources humaines doivent être développées et les femmes réfugiées doivent être des partenaires actifs dans l'identification et l'évaluation des besoins, la planification et la mise en oeuvre des activités. Cette approche ne requiert pas de ressources additionnelles. Au contraire, ce n'est que par ce biais que des ressources limitées peuvent être utilisées avec l'efficacité maximale.
66. La protection internationale des réfugiés requiert également une approche des droits de l'homme fondée sur l'équité, et les femmes réfugiées doivent être informées de leurs droits en tant que femmes et en tant que réfugiées. A ce titre, dans de nombreux autres domaines couverts dans cette note, le HCR, les gouvernements et leurs partenaires d'exécution peuvent exploiter de simples outils de formation au niveau des activités d'éducation et autres activités similaires.
67. La fourniture d'une protection internationale à tous les réfugiés, y compris aux femmes réfugiées est une entreprise Intégrée impliquant les réfugiés eux-mêmes, les gouvernements, les organisations internationales, intergouvernementales et non gouvernementales ainsi que d'autres partenaires d'exécution. Bien que de nombreux problèmes doivent être réglés, si l'on entend que les femmes réfugiées soient protégées, il reste possible de parvenir à des solutions moyennant un effort constant et concerté de la part de la communauté internationale.
1 Conclusion No. 39 (XXXVI) du Comité exécutif sur les femmes réfugiées et la protection internationale.
2 Conclusion No. 60 (XXXX) du Comité exécutif sur les femmes réfugiées.
3 Le rapport a été préparé par Susan Forbes Martin et s'intitule « Questions relatives aux femmes et enfants réfugiés ».
4 Résolution 34/180 de l'assemblée générale des Nations Unies du 18 décembre 1979.
5 Article 1er, Convention des nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
6 Conclusion No. 47 (XXXVIII) du Comité exécutif sur les enfants réfugiés.