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Note sur la protection internationale (présentée par le Haut Commissaire)

Réunions du Comité exécutif

Note sur la protection internationale (présentée par le Haut Commissaire)
A/AC.96/750

27 Août 1990

SOMMAIRE

Une analyse des faits nouveaux intervenus dans le domaine de la protection internationale des réfugiés en 1989 est contenue dans le rapport des Nations Unies pour les réfugiés soumis à l'Assemblée générale par l'intermédiaire du Conseil économique et social (document E/1990/60)

La présente note traite de la situation actuelle en matière de protection internationale des réfugiés. Elle examine en outre de façon plus détaillée, sous l'angle du HCR, les fondements éventuels de futures politiques globales en matière de réfugiés et certaines des orientations qu'elles pourraient prendre.

INTRODUCTION

1. Les structures fondamentales veillant à garantir la protection internationale et l'assistance aux réfugiés ont été mises en place il y a une quarantaine d'années. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a été créé le 1er janvier 1951 et la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés a été adoptée en juillet 1951. La Convention et le Haut Commissariat sont tous deux les fruits de l'esprit de coopération de l'après-guerre et reflètent la détermination de la communauté internationale à protéger et à assister un groupe de personnes vulnérables, dans le cadre du droit international, sur la base de la solidarité entre les Nations et dans le respect universel des droits de l'homme. Malgré ces dispositions, le problème des réfugiés est plus répandu, plus complexe et plus persistant que jamais. Les droits de l'homme des personnes concernées ne sont plus au premier plan, l'asile comme principal fondement de la protection des réfugiés est de plus en plus remis en question et les ressources disponibles ainsi que la volonté politique de garantir les droits des réfugiés, de satisfaire leurs besoins et de leur offrir des perspectives viables à long terme ne sont plus adéquates.

2. Eu égard à la protection internationale des réfugiés, ces développements ont des retombées très graves. Les considérations humanitaires et les principes des droits de l'homme qui sont à l'origine de la préoccupation internationale à l'égard des réfugiés ne sont pas moins pertinents aujourd'hui qu'en 1951. Les réfugiés n'en sont pas moins nécessiteux et ont tout autant besoin d'une protection. Mais l'optique est différente face à une situation de l'asile beaucoup plus complexe que celle qu'était censée couvrir la Convention de 1951. La Convention de 1951 et le Statut de l'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés reflétaient l'approche classique de la protection des réfugiés. L'objectif essentiel de la Convention est d'accorder un statut juridique aux réfugiés dans les pays d'asile. Elle conçoit le réfugié comme une victime individuelle de la persécution et part de l'hypothèse implicite que les principaux devoirs envers les réfugiés incombent aux Etats d'asile. La réalité des mouvements contemporains de réfugiés s'écarte quelque peu de cette vision. Elle révèle notamment le caractère collectif plutôt qu'individuel de nombreux mouvements régionaux, le phénomène des mouvements transcontinentaux et le fait que les motifs du départ soient souvent mélangés, ne reposant parfois qu'imparfaitement sur le concept de la persécution pour des raisons bien définies. A ces considérations, il convient d'ajouter le caractère migratoire ou abusif du flux actuel de demandeurs d'asile. Enfin, les variables socio-économiques, alliées à la complexité des problèmes de réfugiés dans de nombreux pays d'asile et le développement politique dans le contexte régional, ont conduit à un changement de l'accueil réservé à un étranger en général.

3. L'ampleur, la portée et l'importance géographique actuelles du problème des réfugiés et des demandeurs d'asile ont conduit bon nombre d'Etats à le considérer essentiellement, dans son ensemble, comme un problème d'immigration plutôt que comme la protection des droits fondamentaux. Alors que ces Etats considéraient autrefois les demandeurs d'asile comme des personnes à première vue persécutées et bafouées dans leurs droits, qui à ce titre devaient susciter une réaction humanitaire à grande échelle, ils ont aujourd'hui tendance à les considérer de plus en plus souvent comme d'éventuels immigrants clandestins à qui, de ce fait, l'entrée doit être refusée. Les problèmes d'asile et de migration sont de plus en plus traités comme un seul et même problème, exigeant une approche intégrée fondée sur une philosophie du contrôle de l'immigration. Dans ce contexte, les Etats ont ressenti le besoin d'apporter quelques ajustements nécessaires à leurs politiques d'asile, en partie pour veiller à une meilleure répartition des responsabilités entre tous les Etats concernés, y compris les pays d'origine, et non pas seulement les pays d'asile. En fait, on assiste à plusieurs tentatives distinctes de la part des pays pour réévaluer leurs politiques nationales d'asile respectives et le traitement international du problème des réfugiés ainsi que pour élaborer une politique globale en matière de réfugiés qui réponde davantage aux besoins de la nouvelle problématique des réfugiés. Dans ce cadre, l'angle sous lequel le problème des réfugiés est abordé ainsi que les hypothèses ou prémisses sur lesquelles se fondent les décideurs sont d'une importance cruciale.

4. L'objectif de cette note est de susciter quelques réflexions concernant les responsabilités des Etats et la signification de la solidarité internationale et de la protection des droits de l'homme dans le contexte des réfugiés, afin d'ouvrir la voie à des suggestions concernant les orientations futures d'une politique des réfugiés que les Etats et la communauté internationale pourraient élaborer de concert. A cette fin, la note donne un aperçu des types de problèmes actuellement rencontrés dans le domaine de la protection et suggère quelques considérations qui, de l'avis du HCR, devraient entrer dans toute approche consensuelle aux problèmes des réfugiés au cours de la décennie à venir.

LA FONCTION DE PROTECTION

5. Le paragraphe 1 du statut de l'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (annexé à la résolution 428 (V) de l'Assemblée générale du 14 décembre 1950) enjoint formellement au Haut Commissaire de protéger les réfugiés et de chercher des solutions durables à leurs problèmes. La fonction de protection constitue la raison d'être du HCR et lui confère sa position originale parmi les institutions des Nations Unies. Cette fonction est de nature opérationnelle, humanitaire, apolitique et globale dans son application.

6. La fonction de protection implique des responsabilités quotidiennes lorsque les droits des réfugiés sont en péril ou lorsque la situation générale requiert l'intervention du HCR. Le Haut Commissariat a comme objectif ultime la mise en oeuvre de la solution durable appropriée au problème des réfugiés. La protection implique également la promotion, la sauvegarde et le développement des principes fondamentaux de la protection des réfugiés ainsi que le renforcement des engagements internationaux visant à traiter humainement les réfugiés et à respecter leurs droits fondamentaux. A long terme, le rôle du HCR est de développer et promouvoir un régime de protection des réfugiés reposant sur des bases juridiques solides et faisant l'objet d'une reconnaissance internationale.

PROBLEMES ACTUELS EN MATIERE DE PROTECTION

7. Le monde compte aujourd'hui 15 millions de réfugiés, répartis sur cinq continents. Pour ce qui est de leur protection, il convient de reconnaître que bon nombre d'Etats coopèrent de façon positive et constructive aux efforts internationaux visant à garantir les droits des réfugiés et satisfaire leurs besoins. Des procédures justes de détermination du statut sont désormais appliquées dans un grand nombre d'Etats, y compris ceux qui ne sont pas parties à un instrument international les obligeant à un certain degré de protection. L'asile est accordé dans une large mesure aux personnes qui en ont besoin, souvent malgré de graves difficultés locales. En outre, des efforts concertés ont été déployés au niveau régional pour trouver des solutions humanitaires aux anciens problèmes de réfugiés, dans le respect total des droits des personnes concernées.

8. Par ailleurs, certains problèmes de protection soulèvent quelques préoccupations. Chaque situation de réfugiés engendre des problèmes de protection qui lui sont propres. En règle générale, ces problèmes sont tout d'abord de nature opérationnelle, difficiles et souvent insolubles, présents surtout dans le cas de communautés de réfugiés pour lesquelles aucune solution durable n'a encore été trouvée. En deuxième lieu, il convient de relever les défis de plus en plus lourds lancés à l'institution de l'asile qui représente principal moyen d'offrir une protection aux réfugiés. Enfin, il est un problème primordial : la crise financière que traverse le Haut Commissariat et qui entrave la capacité du HCR à protéger les réfugiés.

a) Problèmes au niveau des opérations

9. La sécurité physique des réfugiés au cours de leur fuite et dès leur arrivée dans le pays d'asile suscite la plus haute préoccupation. Des attaques militaires ou armées contre des camps ou zones d'installation de réfugiés se traduisent par des pertes en vies humaines et des dommages matériels, par l'enrôlement forcé des réfugiés dans les forces armées régulières ou rebelles et par la violence physique ou les sévices sexuels imposés aux femmes et aux enfants réfugiés. Le déni par les gouvernements d'un accès du HCR aux populations réfugiées met encore plus en péril la sécurité du réfugié en interdisant un contrôle ou une intervention efficace. La détention de réfugiés et de demandeurs d'asile dans des conditions ne répondant pas aux Principes directeurs sur la détention adoptés en 1986 par le Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire est source de préoccupations. Ces principes directeurs reconnaissent que la détention de ces deux groupes de personnes ne doit être considérée que comme une mesure exceptionnelle, ne constituer qu'un recours dans des cas spécifiquement prévus par la loi afin de vérifier l'identité des personnes, de définir les documents sur lesquels se fonde une demande du statut de réfugié, de traiter des cas de destruction de documents ou d'usage de faux et de préserver l'ordre public ou la sécurité nationale. Dans un certain nombre d'Etats, les réfugiés et les demandeurs d'asile sont automatiquement détenus, parfois pour de longues périodes, sans aucune possibilité d'examen judiciaire ou administratif. L'entrée ou la présence illégale est utilisée par les Etats comme un motif de détention, bien que cela contrevienne aux obligations des Etats au titre de la Convention. Certains Etats appliquent une politique des camps fermés, où la présence constante de barbelés, de policiers ou de militaires ainsi que les conditions de vie extrêmement précaires conduisent à des troubles et à des poussées de violence parmi la population des camps.

10. Les restrictions imposées à la jouissance à part entière de leurs droits garantie dans les instruments internationaux, notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, ont des conséquences peut-être moins tragiques mais directement ressenties sur la vie et le bien-être des réfugiés. La Convention prévoit des dispositions d'ensemble relatives aux obligations et aux droits des réfugiés dans des domaines aussi variés que l'emploi rémunéré, la sécurité sociale, l'assistance publique et l'éducation. Le contrôle de l'application de ces dispositions est une responsabilité de protection qui incombe au HCR. Les problèmes les plus fréquents ont trait à la liberté de circulation (article 26), la propriété mobilière et immobilière (article 13), les droits en matière d'emploi (article 16 à 19), les pièces d'identité et titres de voyage (article 27 et 28) ou la naturalisation (article 34). Le respect des obligations contractées par les Etats tient à plusieurs facteurs, y compris ceux qui échappent au contrôle immédiat des gouvernements, notamment de graves difficultés économiques, une pénurie de logements, de ressources naturelles, de terres, ou les retombées de catastrophes causées ou non par l'homme. Le respect de ces engagements n'en est pas moins affaire de volonté politique. Si l'on considère que favoriser la pleine jouissance des droits constitue un facteur d'attraction des non réfugiés ou contrecarre les efforts de rapatriement librement consenti lorsqu'il s'agit de la solution durable la plus souhaitable, la limitation de ces droits devient une mesure de dissuasion délibérée. Bien qu'il soit largement reconnu que l'octroi de l'asile constitue un acte pacifique et humanitaire qui ne doit pas être une cause de tensions entre les Etats, le maintien de relations amicales avec les pays voisins peut également jouer un rôle dans les décisions prises en matière de droits des réfugiés. La naturalisation, par exemple, est souvent un problème politique délicat en raison d'animosités historiques, de différences ethniques ou de conflits politiques actuels. Dans un certain nombre de pays, il y a également de sérieux obstacles bureaucratiques à l'application pleine et entière des dispositions, y compris un manque de ressources humaines ou une inadéquation de la formation des fonctionnaires. Les activités de promotion et de formation en matière de protection, entreprises par le HCR pour surmonter ces difficultés, ne se sont révélées que partiellement efficaces.

b) La crise de l'asile

11. Aujourd'hui l'asile est un terme générique désignant la somme totale des activités de protection déployées par un Etat à l'endroit des réfugiés sur son territoire dans l'exercice de sa souveraineté. Ce terme peut désigner une protection constante dans des circonstances permettant au réfugié d'établir sa résidence permanente dans une nouvelle communauté. L'asile constitue alors une solution durable au problème. Toutefois, il est de plus en plus synonyme de protection élémentaire pour une période temporaire, ce qui signifie le non retour du réfugié aux frontières des territoires où sa vie ou sa liberté est en danger, ainsi que la possibilité de rester sur le territoire du pays d'accueil jusqu'à ce qu'une solution durable, à l'extérieur de cet Etat, soit trouvée.

12. Il va sans dire que les afflux massifs de demandeurs d'asile et l'absorption de tout ou partie de ce groupe en tant que réfugiés, même sur une base temporaire, peut mettre à rude épreuve les pays hôtes. C'est surtout le cas des communautés les plus pauvres où la capacité et la volonté de la population et du gouvernement hôte d'assumer le fardeau qui en résulte peuvent être gravement compromises par des problèmes socio-économiques. C'est également compréhensible dans des pays développés où les structures d'asile sont surchargées, les services sociaux onéreux et l'opinion publique désabusée. L'une des raisons de cette désillusion est le nombre substantiel de demandeurs d'asile arrivant dans de nombreux Etats sans motif valable pour étayer leur demande de statut de réfugié, ce qui constitue en soi un facteur important de complication de la question d'asile tant pour les pays hôtes que pour le HCR.

13. Il convient de souligner toutefois que la condition de réfugié et l'octroi de l'asile sont inextricablement liés. Dans un certain sens, on peut dire que l'asile est la condition même de l'existence d'un réfugié. Une fois qu'un réfugié quitte son pays, la condition préalable à tous ce qui va suivre est l'asile, au moins temporaire. Les conventions internationales ainsi que le droit coutumier international réaffirment l'interdiction du retour ou du refoulement d'un réfugié vers des pays où sa vie ou sa liberté serait en péril en tant que l'un des principes fondamentaux de la protection du réfugié.

14. L'institution de l'asile est donc d'une importance cruciale pour la protection des réfugiés, ce qui n'empêche pas qu'elle soit de plus en plus sapée. Certains Etats expulsent ou refoulent des réfugiés isolés ou en groupe. Les mesures d'expulsion ou de refoulement sont multiples et incluent des ordres d'expulsion, le retour forcé des réfugiés vers les pays d'origine ou des pays tiers peu sûrs, des clôtures électrifiées pour interdire l'entrée, la non-admission de demandeurs d'asile/passagers clandestins, le rejet des personnes arrivées par bateau ou l'interdiction en haute mer. L'année dernière, environ 9 000 personnes arrivées par bateau ont été reconduites en mer. Dans une autre région du monde, on a vu, dans un cas, 9 700 personnes et, dans un autre cas, plus de 31 000 personnes depuis 1987, reconduites de force de l'autre côté de la frontière.

15. En outre, de nombreux Etats, dont certains figurent parmi les architectes des structures de la protection internationale des réfugiés, adoptent des attitudes, face aux demandeurs d'asile essayant d'entrer sur leur territoire, qui conduisent au déni de l'admission et à la restriction de l'accès aux procédures de détermination de statut. Dans certains pays, des procédures administratives ou des dispositifs sommaires d'examen des cas aux frontières, non assortis des garanties juridiques adéquates, se sont substitués aux procédures normales de détermination de statut. L'institution de visas et des exigences plus strictes en matière de passeports se sont répandues avec souvent pour cible particulière les nationaux des pays d'où proviennent régulièrement les réfugiés. L'entrée et le libre accès à l'intégralité des procédures sont donc très souvent tributaires d'une autorisation préalable, la décision d'autoriser l'entrée, Jugée nécessaire, étant rendue beaucoup plus aléatoire par les mécanismes de vérification de visas tels que des sanctions aveugles prises contre des compagnies aériennes transportant des passagers non munis des documents exigés. Notre propos n'est pas de discuter la légitimité de ces mesures. Le droit souverain d'un Etat à contrôler ses frontières n'est pas contesté. Il s'agit plutôt d'exprimer une inquiétude face à l'inflexibilité des mesures prises contre les demandeurs d'asile ayant des raisons valables de demander le statut de réfugié et devant le fait que, dans certains cas, des personnes ayant besoin d'une protection puissent se la voir refuser.

16. Outre ces politiques d'admission, un certain nombre d'Etats ont de plus en plus tendance à privilégier une interprétation étroite de la portée de leurs responsabilités au titre de la Convention. Tel est notamment le cas concernant l'article 1er de la Convention contenant la définition du terme réfugié, afin de faire valoir qu'elle ne s'applique qu'à un groupe très limité de personnes. Cette approche restrictive s'est notamment manifestée dans l'attitude de ceux qui prennent des décisions en matière de statut ou d'asile concernant la signification des termes « persécution » et « crainte fondée » qui ne sont ni l'un ni l'autre définis dans la Convention. L'un des problèmes spécifiques liés à la restriction du sens de la persécution est le déni, souvent automatique, du statut de réfugié aux personnes venant d'un pays déchiré par une guerre civile sous prétexte que les mauvais traitements, extrêmement cruels qu'ils puissent être, sont la conséquence inévitable de violence généralisée. En réalité, il va sans dire que les personnes deviennent des réfugiés lorsqu'elles fuient ou restent hors d'un pays pour raisons relevant du statut de réfugié, que ces raisons surviennent dans le cadre d'une guerre civile, d'un conflit international ou en temps de paix.

17. Ces approches restrictives décrites ci-dessus aboutissent notamment à pourcentage plus élevé de rejets. Les cas rejetés créent en soi des problèmes complexes, particulièrement dans les Etats où, pour diverses raisons, il est difficile de déporter des groupes ou des catégories de personnes parmi le groupe rejeté. Dans un certain nombre de pays, par exemple, où les décision nécessaires de retour sont problématiques ou lorsque les dispositions indispensables au retour n'existent pas, des ressources humaines et matérielles doivent être consacrées à l'assistance des personnes auxquelles le statut a été refusé. En outre, les politiques d'admission et d'accès aux procédures ainsi que l'opinion publique en général, pâtissent du fait que les distinctions entre réfugiés et demandeurs rejetés s'estompent lorsqu'on vient à parler de traitement et de droits. Ce phénomène a contribué à limiter les options d'asile offertes aux réfugiés. Il est clair que l'échec essuyé dans la recherche de solutions aux problèmes des non réfugiés a de graves conséquences pour les réfugiés placés sous la responsabilité du HCR. Les tensions que provoquent les flux migratoires causés par la pauvreté et éventuellement par l'environnement sont telles que le principe du premier asile est gravement menacé.

18. Dernier point digne d'être mentionné dans le contexte actuel, le strict respect de la part d'un certain nombre d'Etats du principe dit « du pays de premier asile » de telle sorte que les demandes d'asile sont rejetées non pas pour des raisons relevant de la définition du réfugié mais parce que l'on estime qu'il existe un pays tiers où cette personne peut être renvoyée en toute sécurité. Non seulement ce principe ne constitue pas une considération dont il faille obligatoirement tenir compte au titre de la définition mais il est en soi trop mal défini alors que les concepts de pays sûr ou de pays de transit ne sont pas suffisamment précis. Dans un contexte proche mais différent, on peut également mentionner les récents efforts déployés par un groupe régional pour élaborer des accords précisant les règles à suivre pour déterminer le pays responsable de l'examen d'une demande d'asile. Bien que le HCR ait déjà fait part aux pays concernés de certaines de ses préoccupations quant au contenu d'un certain nombre de ces règles, il se félicite néanmoins du fait que ces accords puissent contribuer à résoudre le problème humanitaire grave que posent les cas en orbite.

19. Tous ces obstacles dressés contre l'institution de l'asile se sont conjugués dans de nombreuses régions du monde pour rendre l'asile non accessible. Si ce problème est en soi très grave, ses effets secondaires sur les politiques d'asile d'autres pays ne le sont toutefois pas moins. Les mesures unilatérales visant à limiter l'octroi de l'asile dans un pays se traduisent inévitablement par le transfert du fardeau sur d'autres Etats. En même temps, ces mesures portent atteinte à la volonté de ces Etats de continuer à recevoir des réfugiés sur leur territoire, même temporairement. Enfin, les activités de protection du HCR sont rendues plus compliquées dans les pays où le Haut Commissariat doit oeuvrer au respect des normes de conduite à l'égard des demandeurs d'asile et des réfugiés différentes de celles qui sont appliquées dans l'ensemble.

c) La crise financière et la protection

20. Si aujourd'hui les réfugiés sont en butte à une crise de l'asile, le HCR traverse quant à lui une grave crise financière qui menace de compromettre gravement sa capacité à satisfaire les besoins les plus élémentaires des réfugiés, y compris les besoins de protection. En raison de cette crise, une part importante des besoins des réfugiés n'est plus couverte. Le HCR est contraint de fixer des priorités même parmi les activités qu'il a pour mandat de mener, ce qui porte atteinte non seulement au bien-être immédiat des réfugiés mais également à leur protection, aux perspectives de solutions, notamment le rapatriement librement consenti.

21. Concernant les répercussions sur les activités de protection, le degré de coopération entre le HCR et les Etats est souvent lié à l'assistance matérielle qu'il est en mesure de canaliser aux réfugiés se trouvant sur leur territoire. L'immense majorité de la population réfugiée du monde se trouve dans les pays pauvres, et constitue de ce fait un défi supplémentaire pour les gouvernements de ces pays qui n'ont que de rares ressources pour répondre aux besoins les plus élémentaires de leur propre population.1 De fait, les conséquences économiques et environnementales de l'octroi de l'asile peuvent être telles que l'assistance matérielle internationale est vitale aux tout premiers stades. Dans certains cas récents, les fonctionnaires gouvernementaux ont suggéré que la poursuite de l'octroi de l'asile soit tributaire de la mise à disposition par le HCR des ressources adéquates pour subvenir aux besoins de ceux qui seront admis sur le territoire.

22. L'accès aux populations réfugiées, sans lequel il ne saurait y avoir de protection effective, est souvent soit obtenu directement, soit grandement facilité par les programmes d'assistance mis en oeuvre. La limitation des ressources a également réduit la capacité du HCR à superviser l'application de la Convention de 1951 ou à entreprendre les activités de promotion souhaitables. Plusieurs séminaires et ateliers de protection ont déjà dû être annulés. La participation du HCR aux procédures de détermination du statut, fonction traditionnelle exigeant beaucoup de personnel, a été gravement compromise. Enfin, et peut-être ironiquement, la pénurie de fonds entrave la capacité du Haut Commissariat à adopter de nouveaux instruments de travail permettant de réaliser des économies à long terme (par exemple des bases de données juridiques) et de participer davantage aux efforts internationaux pour réfléchir aux aspects du problème moderne des réfugiés de façon plus complète, opportune et efficace.

APPROCHE A LONG TERME

a) Prémisses

23. Il est évident que la situation des réfugiés revêt un caractère fondamentalement différent et que cette évolution requiert un changement des politiques d'asile suivies par les Etats. Dans toute réévaluation, cependant, il est important que les facteurs propres à la situation du réfugié ne perdent pas leur importance primordiale.

24. Le HCR estime qu'il convient d'adopter une approche globale pour élaborer une politique d'asile et des réfugiés afin que les préoccupations humanitaires et en matière de droit de l'homme soient bien intégrées et correctement équilibrées par rapport aux considérations en matière de développement, de politique étrangère et de contrôle de l'immigration. La recherche plus systématique de solutions doit être pragmatique, imaginative et conduite avec la flexibilité nécessaire mais toujours dans le cadre des paramètres humanitaires que la communauté internationale a élaborés avec soin au cours des quatre dernières décennies. Les principes de base en matière de protection et de solidarité internationale ne doivent pas cesser d'en constituer la pierre angulaire.

25. Toute nouvelle approche face au problème des réfugiés devra partir de certaines hypothèses qui, dans l'idéal, doivent réunir un certain degré de consensus international. On suggère de poser comme première hypothèse qu'il vaut mieux prévenir que guérir. L'alerte précoce et la médiation peuvent être des moyens très efficaces de contenir les problèmes tant que les considérations humanitaires sont pleinement respectées et que l'option du départ n'est jamais exclue pour ceux qui en ont besoin. On peut également poser comme deuxième prémisse qu'un mouvement de réfugiés est un grave problème de droits de l'homme ainsi qu'une question touchant aux intérêts nationaux et à la paix internationale. Il représente un potentiel de destruction tant pour l'individu que pour la collectivité. On doit également présupposer que les réfugiés et les immigrants ne sont pas une seule et même chose. Les principes fondamentaux du droit des réfugiés reflètent cette distinction en insistant sur le fait que les droits fondamentaux des réfugiés doivent être pleinement respectés et, point crucial, que les réfugiés ne doivent pas être expulsés dans des régions où leur vie ou leur sécurité sont en danger. Toute tentative d'élaborer une politique doit être en parfait accord avec les principes propres et essentiels à la protection du réfugié. On veut également présupposer que, ni le nombre de personnes en quête d'asile ou de refuge, ni l'inexistence de solutions immédiates ne peuvent en soi justifier le refus d'une protection ou son assujettissement à des conditions très dures. En outre, cette nouvelle réflexion ne doit pas faire fi de toute la sagesse accumulée en matière de solutions appropriées. Même si le rapatriement librement consenti arrive, en général à juste titre, au premier rang des solutions applicables, il y a lieu de réaffirmer, dans le contexte du partage international de la charge, l'importance de l'installation sur place ou de la réinstallation. La réaffirmation de la viabilité de toutes ces solutions doit constituer une prémisse supplémentaire. Ceci dit, toutefois, cette nouvelle réflexion doit également présupposer qu'il est indispensable que les pays d'origine assument une importante responsabilité dans la mise en oeuvre de solutions appropriées au problème actuel des réfugiés, y compris en s'attaquant à leurs causes profondes et en facilitant le retour. La logique, l'équité et le climat international actuel en matière d'accueil des réfugiés dans les pays tiers plaident vigoureusement en faveur de cette position.

b) Conclusions

26. Les paramètres indiqués ci-dessus pour l'élaboration de nouvelles approches, s'ils sont acceptés permettent de tirer, entre autres les conclusions suivantes :

i) Elément essentiel de ces nouvelles stratégies : l'utilisation plus systématique et plus efficace des institutions et organisations des droits de l'homme par les Etats ainsi que par les organisations traitant du problème des réfugiés afin de s'efforcer de répondre aux préoccupations en matière de droits de l'homme inhérentes aux situations de réfugiés. A cet égard, il convient de garder à l'esprit que les droits de l'homme constituent tout autant la base du traitement des non citoyens que celle des nationaux. Les violations des droits de l'homme sont une cause primordiale des exodes de réfugiés et créent des problèmes complexes dans les pays d'asile. La restauration de situations acceptables en matière de droits de l'homme dans les pays d'origine peut ouvrir la voie à la résolution d'anciens problèmes de réfugiés. Le strict respect des droits civils et politiques mais aussi économiques, sociaux et culturels est fondamental pour s'attaquer aux causes profondes des mouvements de réfugiés. En outre, il convient de promouvoir activement le renforcement de la coopération internationale afin de garantir l'alerte précoce en matière de situations humanitaires d'urgence en évolution et afin de faciliter leur médiation en temps utile. Les nouvelles stratégies doivent donc viser à renforcer les activités internationales et régionales en matière d'alerte précoce, y compris au niveau interinstitutions.

ii) Les politiques futures doivent également refléter les positions récemment prises et largement approuvées en matière de droits de l'homme concernant la nature horrible de la torture et des traitements inhumains ou dégradants. En particulier, aucune personne ne devrait être expulsée ou renvoyée par un Etat dans un pays où cette personne pourrait être victime de tortures, de traitements inhumains ou cruels, de châtiments ou de violations des droits fondamentaux. Cette prise de position serait en harmonie non seulement avec la pratique suivie par bien des Etats mais également avec l'évolution de la jurisprudence sur l'interprétation des dispositions de traités offrant une protection contre ces pratiques.

iii) Les services gouvernementaux d'aide au développement ainsi que les institutions internationales chargées du développement doivent notamment, dans la conception et la mise en oeuvre des politiques sur l'aide au développement, essayer de promouvoir des situations favorables au plan des droits de l'homme et de cibler les difficultés socio-économiques qui provoquent la fuite des gens ou interdisent leur retour dans leur pays d'origine. L'appréhension traditionnelle du problème des réfugiés, principalement sous l'angle des responsabilités qu'il implique pour les pays d'accueil, s'élargit pour jeter un regard neuf sur les causes, la prévention et le retour. Afin de s'attaquer au problème actuel des réfugiés de façon humaine et efficace, comme le Haut Commissaire l'a affirmé dans sa déclaration à la quarante-sixième session de la Commission des droits de l'homme au début de cette année, toute nouvelle approche adoptée par les Etats et la communauté internationale doit se fonder sur une appréciation globale de l'éventail des facteurs qui poussent les gens à quitter leur pays. La persécution, la guerre ou les catastrophes causées par l'homme restent fondamentales à cet égard. Toutefois, il y a d'autres facteurs, seuls ou combinés, qui doivent être étudiés de façon appropriée, et notamment des conditions de vie inacceptables, l'absence de perspectives économiques intéressantes et la destruction de l'environnement.

iv) Dans la mise au point de leurs nouvelles approches, les Etats doivent répondre aux attentes justifiées de tous les pays concernés. Ces préoccupations recouvrent l'ancienneté des problèmes de réfugiés dans de nombreux pays en développement, s'ajoutant à leur situation économique très précaire, leur aptitude limitée à subvenir aux besoins des importantes populations réfugiées qu'ils accueillent sans une assistance internationale concertée, leur préoccupation face au déclin de la solidarité internationale dans le partage de la charge ainsi que les difficultés politiques et de sécurité nationale que posent les afflux. Parmi ces préoccupations légitimes, il convient également de mentionner l'augmentation des populations réfugiées dans les pays d'accueil, l'accumulation de demandes non traitées, l'abus du système, la surcharge des capacités d'accueil et d'intégration ainsi que l'importance des dépenses afférentes à l'assistance matérielle.

v) La façon dont les organismes ou groupements régionaux pourraient contribuer plus activement à la résolution des problèmes dans leurs régions respectives doit être étudiée tant par ces entités régionales que par la communauté internationale dans son ensemble. Cet exercice de réflexion a, en fait, déjà commencé. Dans une tentative récente d'analyser les causes profondes des problèmes de réfugiés dans la région concernée, l'organisme régional en question a formulé un certain nombre de recommandations positives et progressistes sur la façon dont ils pourraient être résolus. Il convient de mentionner particulièrement à cet égard les mesures suggérées pour promouvoir des solutions durables aux problèmes existants, y compris les amnisties tendant à faciliter le rapatriement librement consenti ainsi qu'une approche positive face à l'intégration locale, lorsqu'il convient. L'accent a également été mis sur le dialogue pour régler les litiges, sur l'adhésion aux instruments régionaux et internationaux pertinents en matière de réfugiés et de droits de l'homme, et sur l'enseignement des droits de l'homme dans le cadre des systèmes d'éducation des Etats de la région. On peut également penser à un rôle dévolu aux institutions régionales des droits de l'homme, tant au niveau de la promotion que de la protection des droits des réfugiés. Ce rôle pourrait inclure une fonction de supervision et/ou de suivi où les situations individuelles génératrices de réfugiés impliquent de graves abus des droits de l'homme. Il faut toutefois observer que s'il convient d'encourager ces tentatives visant à trouver une solution aux problèmes dans un contexte régional moyennant des efforts régionaux, il faut toutefois se garder d'affranchir les pays extérieurs à la région de leurs responsabilités en matière de recherche de solutions. Le problème des réfugiés a été accepté par la communauté internationale en tant que problème global au vu de son ampleur, de son impact et de la solidarité qu'il exige.

vi) Les stratégies de réponses utilisant les trois solutions durables traditionnelles doivent inclure des mesures contribuant à les rendre plus acceptables. Ces mesures pourraient inclure le ciblage des allocations d'aide au développement pour soutenir l'intégration locale ou, dans le pays d'origine, pour faciliter le rapatriement librement consenti, ainsi que l'identification de possibilités de réinstallation dans des pays non encore connus comme des pays de réinstallation.

vii) En même temps, la nouvelle réflexion sur les solutions doit chercher à développer le concert de la responsabilité de l'Etat en vertu du droit international, particulièrement pour ce qui a trait aux responsabilités des pays d'origine. La notion de solution doit, dans ce contexte, recouvrir des mesures efficaces et rapides pour s'attaquer aux causes profondes, et garantir, le cas échéant, la possibilité du rapatriement librement consenti des réfugiés, ainsi que le retour organisé des non réfugiés, dans la sécurité et la dignité, vers leur pays. La communauté internationale pourrait également étudier la possibilité de garantir la sécurité aux individus concernés dans le pays d'origine, toujours moyennant les garanties nécessaires, si des solutions de rechange à la fuite sont envisageables et pleinement conformes aux exigences de protection.

viii) Il faut comprendre qu'il est un facteur qui exacerbe le problème des réfugiés tant pour les Etats que pour le HCR, en l'occurrence l'attitude de plus en plus négative du public face aux arrivées de réfugiés et de demandeurs d'asile. Il est clair qu'il appartient aux gouvernements et au HCR de guider et d'éduquer l'opinion publique ainsi que d'encourager des attitudes positives en faisant des activités d'information une composante à part entière des nouvelles stratégies visant à s'attaquer au problème des réfugiés. En outre, les stratégies d'information doivent garantir la disponibilité d'une information exacte, y compris dans les pays d'origine, concernant les politiques et les perspectives en matière d'asile dans les pays d'accueil.

ix) Un débat ouvert sur les nouvelles stratégies possibles doit précéder toute décision finale au niveau politique. Tout doit être fait pour élever le niveau du débat en engageant des personnalités éminentes et très respectées de toutes les régions du monde pour qu'elles fassent part de leurs connaissances et de leurs compétences et qu'elles discutent de toutes les questions pertinentes dans une instance neutre. Des tables rondes d'experts de haut niveau ou la création de « Comités de Sages » constituent des possibilités en la matière. Leurs recommandations pourraient ensuite être soumises aux parlements ou aux organes intergouvernementaux concernés, y compris l'Assemblée générale des Nations Unies aux fins d'approbation.

x) S'il ne faut pas réduire le problème des réfugiés à un simple problème de contrôle de l'immigration, il n'en serait pas moins intéressant d'en examiner certains aspects dans le contexte plus large de la migration internationale, afin d'évaluer l'adéquation d'une migration légale en tant que solution de rechange au départ pour certains groupes, particulièrement ceux qui ne peuvent motiver leur fuite par aucune des raisons contraignantes relevant du statut de réfugié.

xi) Enfin, toute nouvelle stratégie doit prévoir des mesures visant à traiter de façon humaine et efficace les cas des demandeurs d'asile rejetés conformément aux réglementations d'immigration pertinentes et aux normes et pratiques internationales applicables. Les mesures proposées doivent être conformes aux exigences en matière de droits de l'homme et ne pas porter atteinte à la protection actuellement offerte par bien des Etats aux personnes qui ne répondent pas tout à fait à la définition du réfugié mais qui néanmoins pourraient être exposées à de graves dangers, par exemple en raison de conflits intérieurs en cours, si elles devaient être immédiatement renvoyées dans leurs pays d'origine. Les mesures proposées pour les cas rejetés doivent veiller à répondre aux besoins d'assistance et d'orientation sociale de ce groupe et doivent se fonder sur une appréciation claire des responsabilités des Etats et des organisations internationales concernées vis-à-vis de ces personnes. A cet égard, des solutions non orthodoxes pourraient se révéler nécessaires à moyen terme, ce qui pourrait notamment exiger l'intervention du HCR, entre autres. Le Haut Commissaire pourrait, si le Secrétaire général ou l'Assemblée générale le lui demande, et en coopération avec d'autres institutions appropriées, assumer des responsabilités sortant de son domaine traditionnel de compétence tout en restant compatible avec son mandat strictement humanitaire, afin de coordonner le retour dans la sécurité et la dignité des demandeurs d'asile rejetés. Il va de soi toutefois que ces responsabilités n'iraient pas sans leurs conséquences juridiques, politiques et financières exigeant une réponse adéquate.


1 Le HCR continue de faire des efforts et d'attirer l'attention sur l'impact dévastateur que les afflux massifs peuvent avoir sur les pays les moins avancés. A cet égard, il convient de mentionner le document « Les réfugiés - un défi pour les pays les moins avancés » que le HCR a présenté à la Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés tenue à Paris du 3 au 14 septembre 1990.